J'actionne les mandibules comme on tabasse quelqu’un dans le ventre et les côtes, je pense : jusqu’à ce que la machine s’arrête. J’essaie de pas penser à la bouffe que je laisse engluée dans ma gorge, bientôt mon ventre.
Tant que mes yeux restent fixés sur lui, je pense, le type aux cheveux bleus, je pense, le cauchemar de mes rêves de gosse, ma main, main droite, j’en suis sûr, elle se tiendra douce et blanche dans le silence de mes poignets tordus. Je peux sentir les pointillés sucrés contre ma peau juste sous mon coude, côté droit. Je peux sentir ma sueur collée sous mes aisselles et sous mes bras. Le poids de mon t-shirt gris qui me rappelle qu’un jour il était blanc.
Ma main, main droite, sans la peau fait des nœuds dans ma gorge et je perds du temps à la cracher par terre, phalange après phalange, et quand elle pue dans les graviers, sanguinolente, entre mes Van’s, j’y file un coup pour la claquer bien loin et qu’elle s’en aille plus vite que moi et surtout, je pense, surtout, je pense, loin, super loin de moi.
Les portes s’ouvrent. Se ferment. Mon corps entre autres tirés à l’intérieur. Je m’enfonce dans la largeur. Je laisse la vitre en face des portes fondre sur moi, tant pis pour la chaleur plastique qu’il faudra bien subir. Je m’appuie trempé sur elle. Le long signal de fermeture bascule dans les graves, les portes battent, les tractions sous le châssis