petites histoires, situations, numérotées qui renvoient presque toujours à un autre numéro - et la lecture peut se faire en suivant ces pistes ou en suivant l'ordre normal, avec dans le premier cas des rapprochements faisant sens ou savoureux mais le risque de passer à côté de certains petits textes isolés - un refrain "cela n'arrivera pas" avec le plaisir des variantes (ou de l'absence) - des situations triviales, réellement tragiques - une recension de nos petites craintes, superstitions, grandes terreurs, fantasmes
Des catastrophes imaginaires, la crainte d'un accident, la peur d'étouffé par un chewing-gun, la lecture d'un feuilleton (ou le visionnement), l'impossibilité d'écrire physique ou mentale ou par inconfort, plusieurs fois ce qui se passerait si liseuse tombait heurtée par un passant et "sauf que non", la séparation ou la mort, etc..
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Sa main glisse, le métro freine : il vacille : il tombe. Disparaît au cœur de la foule, son corps aspiré par le bas, caché sous ceux des autres, mais personne ne le voit. Les visages fixent encore — silence — leur reflet respectif, là, dans le flou de la vitre. Je me rapproche pour le chercher mais je le manque : aspiré par le sol et les câbles, il a sans doute basculé dans un envers quelconque, une dimension du sol, et le métro s’éloigne.
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Une main ouverte chaparde l’iPhone. Se dégager désespérément du siège pour rattraper le corps, rattraper l’objet. Je coure après pour sa mémoire, pas sa valeur. Je veux mes photos enfouies dans la carte sous la batterie. Je veux mes prises de notes quotidiennes depuis des mois. Je veux ma tête, mon œil, mon estomac. Un couteau dans le bide je poursuis l’agresseur, le poignarde à son tour. Il tombe rouge dans les marches d’escalier, sa tête entre les portes empêchent la fermeture. Tant pis si c’est encore un gosse, tant pis s’il porte encore et couche et tétine, tant pis s’il ne sait pas marcher : poussez-le hors du train, je gueule aux autres, et rendez-moi ma tête.
Ces fictions du bord de l'œil que je me force à voir ne sont pas réelles : l'image projetée pupille droite est déformée par la tumeur qui presse arrière le tissu et l'écran. Mais non, je reviens sur mes pas, pensées, fragments et instants, ce n'est pas possible : je ne possède rien sous le crâne qui ne soit pas moi-même, jamais elle ne pourra se développer, jaillir, se propager.
Le train d’en face résonne dans le tunnel et me renverse comme une motte de beurre.
Non, pitié,
pas la contrariété
http://wp.me/p5DYAB-154
Lecture d'un extrait de Jachère, de Philippe Aigrain, par Guillaume Vissac.
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