Durant ses années d'enfance et d'adolescence, Bébert, le chat abandonné par le comédien le Vigan et adopté par Céline et sa femme Lucette, ne porte pas de nom. C'est l'écrivain qui le baptise ainsi en souvenir sans doute du petit garçon de Voyage au bout de la nuit. Devenu « le chat de Céline » la vie de Bébert s'améliore, mais est agitée car intimement liée à celle de ces nouveaux maîtres quand ils doivent quitter la France en 1944, après les menaces proférés contre l'écrivain. Bébert voyage alors dans une gibecière de Paris à Sigmaringen puis jusqu'au Danemark pour revenir mourir sept ans plus tard dans le pavillon de Meudon.
Un très beau portrait d'un chat de gouttière qui n'était pas un chat banal. Aussi imposant qu'intelligent, il a inspiré à Céline des sentiments très forts, il suffit pour s'en convaincre de lire la description chargée d'émotion mais idéalisée de son agonie à la fin de Nord : " … Et Bébert ? … je crois que je l'entends… il pousse des soupirs… déjà il était plus tout jeune… il a encore vécu sept ans, Bébert, je l'ai ramené ici, à Meudon… il est mort ici après bien des incidents, cachots, bivouacs, cendres, toute l'Europe… il est mort agile et gracieux, impeccable, il sautait par la fenêtre le matin même… nous sommes à rire, les uns les autres, vieillards nés …"
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Une analyse très fine de la personnalité et de l'oeuvre de ce génie de la littérature qu'est Céline.L'auteur analyse les romans et la vie de Céline en se servant de la présence de Bébert le chat dans les écrits de Céline .L'accent est mis sur sa période d'exil ( Allemagne et Danemark) et le retour en France au début des années 50. C'est assez intéressant et révélateur de la complexité que représente Céline .
Ceci dit une connaissance minimum de la vie et de l'oeuvre de Céline est nécessaire pour bien appréhender cet essai .
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Avant la guerre, Céline publie deux virulents pamphlets politiques : Bagatelles pour un massacre (1937) et l'Ecole des cadavres (1938). Epousant jusqu'au délire la plupart des thèses antisémites de l'époque, il accuse les juifs (principaux boucs émissaires) de la décadence de la France.
[ ...................................................] .Une chose est sûre : ces livres connaissent un succès public considérable et ils alimentent la propagande fasciste en France.
Céline développe dans Nord.
A Baden-Baden, une dame allemande s'approche de Bébert, le caresse et met en garde ses maîtres :
- Oh, vous aurez beaucoup de mal avec votre chat !
Je ne le savais pas, elle me l'apprend, que les animaux domestiques, chats, chiens, "non-de-race" et "non-reproducteurs" sont considérés "inutiles"...
que les Ordonnances du Reich vous obligent à les remettre au plus tôt à la "Société Protectrice".
- Faites attention dans les hôtels ! sous un prétexte ou sous un autre leur délégué passe...pour une "visite vétérinaire" soi-disant...et vous ne revoyez plus votre chat !...les SS s'entraînent avec, leur arrachent les yeux...
Nous voici prévenus...je remercie...nous nous méfierons des hôtels !...Bébert n'est ni reproducteur, ni de "race"...
Un pèlerinage n'est qu'une visite de l'absence. On se déplace autour du vide laissé par l'individu, l'événement - ou l'animal - disparus. On mesure un cadre désormais inanimé, inutile. Un pèlerinage réclame un effort d'imagination. Et cet effort est rendu plus facile par ce vide qu'il ne s'agit plus, en somme, que de combler, d'inventer. Il n'y a plus de chats à la Samaritaine. Ils font silence. On n'en parle plus. Ni des livres ni des accessoires pour eux. Il n'y a que ces deux malheureux chatons noirs et maladifs retirés au fond de leur cage et qui signalent simplement la vente ancienne des chats dans ce magasin.
Bébert est mort depuis longtemps déjà, sans laisser de traces sinon dans les livres de Céline. Rien ne vient ici rappeler sa présence. Le rayon des animaux de La Samaritaine est vide. Vide de chats et de souvenirs.
Un vrai pèlerinage assurément.
Le grand jeu de Céline consiste à déguiser Bébert.
Il lui enroule une écharpe autour du coup. Et quand le chat cligne des yeux, fronce le nez et pointe ses moustaches en avant, on jurerait Lucien Descaves.
Céline a-t-il hésité un moment à emmener Bébert ?
Il reçoit à cette époque un mot de Paul Léautaud.
" Vous allez sans doute être liquidé à la Libération, lui dit en substance le solitaire de Fontenay-aux-Roses, et vous l'aurez bien cherché, je ne verserai pas une larme, mais vous pourrez mourir en paix, sachez que je suis prêt à recueillir Bébert qui seul m'importe."
Lecture de Frédéric Vitoux tiré du livre Figures d'écrivains, dirigé par Étienne de Montety.
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Pour en savoir plus : https://www.albin-michel.fr/figures-decrivains-9782226436351