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EAN : 9782213705606
290 pages
Fayard (03/01/2018)
4.5/5   3 notes
Résumé :
Au retour d’un voyage aux Indes, en 1898, le poète Henry J.-M. Levet affirma à ses amis de Montmartre qu’il achevait un roman intitulé L’Express de Bénarès dont il évoquait devant eux les personnages ou les épisodes plus cocasses – mais personne n’en prit jamais connaissance. Levet l’écrivit-il vraiment ? Nous ne le saurons jamais. A sa mort en 1906, à l’âge de trente-deux ans, après quelques années passées comme vice-consul à Manille puis à Las Palmas, ses parents ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

Qui connaît de nos jours Henry J.-M. Levet,(1) l'auteur des Cartes postales, exotiques,« sonnets torrides » autour des voyages ? « Insaisissable » il reste pour Fédéric Vitoux qui, pourtant, a consacré deux années à retrouver ses traces. Quête qui l'a mené de Paris (Rue Lepic, Montmartre) à Vichy ( août 2015), puis à Montbrison (sa ville natale), dans les bibliothèques et jusqu'aux archives des Messageries Maritimes à Marseille.

Dans le premier chapitre intitulé « Un ami inoubliable », l'académicien explique sa rencontre foudroyante avec l'écriture de ce poète, à dix- sept ans. Les dix poèmes, regroupés à la fin de l'ouvrage, il les a appris par coeur au point de les « imprimer durablement dans la cire vierge de sa mémoire ». Grâce à la bibliothèque familiale débordant de milliers de livres, l'auteur a pu assouvir sa curiosité et se nourrir de classiques et de poésie. C'est dans une nouvelle édition de L'Anthologie de la poésie française de Kra qu'il a débusqué Levet dont les récits ont « ouvert les portes de son imagination ».

Quelle curieuse coïncidence de réaliser que son grand-père Georges Vitoux, à qui il dédie ce récit, a voyagé , comme lui, sur le même « paquebot-poste », «  l'Armand Béhic ». Celui -ci avait été mandaté pour « une mission d'enquête médicale » en Chine, en 1903, juste un an après Levet, poète consulaire. Frédéric Vitoux va nous embarquer à bord de ce navire, à « la belle silhouette » pour suivre ce « poète maritime », qui le hante.

L'étudiant a fait escale à L'Étrave, la petite librairie de L'île Saint-Louis, tenue par Nicole, pas encore Madame Vitoux, afin de dénicher du Levet et de poursuivre l'exploration de ses poèmes, qu'il analyse ici avec subtilité.
Saluons le talent prescripteur de l'auteur, tout juste âgé de 18 ans, qui réussit à épuiser le stock de cette édition dirigée par Jean Paulhan.
Frédéric Vitoux est confronté de nouveau à une série de coïncidences au cours de ses recherches. Tout d'abord, tous deux ont écrit un opus intitulé Cartes postales.

Autre exemple, il trouve dans une brocante un ouvrage de Francis Jourdain dans lequel il note sa complicité avec Levet. Il étaye son portait grâce aux écrits de Fargue et Larbaud ( qui avait consacré à Levet le Cahier 12 des Amis de Valery Larbaud), en guise de reconnaissance. Larbaud qui a donné son nom à la médiathèque de Vichy qui détient ses archives et où l'auteur a reçu le Prix Larbaud.

Levet, est connu pour ses « accoutrements légendaires », de vrais déguisements, « coiffé d'un fez » ou de casquettes.
Des photos, des portraits sont insérés ainsi que l'affiche de Vallotton, et celle de Villon le représentant au Grillon. On remarque son «  nez pointu, à nul autre pareil, son menton pointu, en galoche, dandy provocateur, esthète ». Un physique ingrat.

Tout en retraçant le parcours de Levet, compilant les informations glanées, le romancier décline sa généalogie, remontant jusqu'à son arrière-grand-père.

C'est en compulsant des articles parus dans le courrier français (2) que l'auteur détective a mieux cerné sa personnalité (antimilitariste, un flegme britannique ….).
Il y débusque «  ses désirs refoulés, ses inclinations homosexuelles », mais il s'avère «  difficile de saisir sa vie – son existence météorique aux mille facettes, aux mille secrets surtout ». L'homosexualité apparaît être un thème récurrent dans ses poèmes.

Frédéric Vitoux focalise notre attention sur les deux recueils de poésie, nous éclaire sur le sens caché de ces vers « incompréhensibles », «  des rébus » pour Tardieu.

Le désir d'Orient est supposé dû à l'influence de Rimbaud. C'est en tant que publiciste qu'il s'embarque , en 1878, chargé d'une mission scientifique, «  d'études de l'art khmer », poste décroché grâce à son père député. Sur cette expédition, l'auteur soulève « une forêt d'interrogations », s'étonnant de l'absence de traces.
En 1902, il sollicite un poste de vice-consul et le voilà nommé à Manille puis à Las Palmas, où le climat océanique ruinera sa santé. La maladie met un terme à sa carrière. Un destin tragique que cette mort à 32 ans.

Saluons la démarche de l'académicien auprès du maire de Montbrison. En effet, attristé de voir la tombe de Levet en ruine, il le presse par courrier, d'effectuer une restauration. Requête honorée en 2016. Rappelons aussi qu'il a oeuvré pour la sauvegarde de la maison de Colette.
On devine la frustration du narrateur quand au fil de son travail ardu, il confesse que:
« Plus je m'approche de lui et plus il se recule... ». Impossible de compter sur les parents de Levet, des notables respectables, ceux-ci n'ayant rien gardé de sa correspondance, de son manuscrit supposé, intitulé : « L'express de Bénarès ».
N'était-il qu'une mystification, un projet littéraire fantôme ?
Toutefois, par son pèlerinage, il aura contribué à nous faire connaître cet « insaisissable » poète et à nous faire « rêver de Levet ». Puisse cette rencontre aussi réchauffer et éclairer le lecteur comme ce fut le cas pour l'académicien.

On écrit pour témoigner, pour que l'on n'oublie pas, et Fédéric Vitoux, par ce récit très fouillé et enrichissant, ressuscite cette figure de Montbrison et le Montmartre des années de la fin du XIXème siècle où l'on croise Morand, Toulet.
Il a le mérite de sauver de l'oubli le poète Levet, car il ne reste que quelques rares lettrés pour «  continuer de chérir la mémoire de l'auteur des «  cartes postales ».
Et l'écrivain enquêteur de fantasmer sur l'établissement d' «  une anthologie des livres non écrits ou disparus », comme David Foenkinos avait imaginé la bibliothèque des livres refusés !

(1) Henri Jean-Marie Levet ( 1874 – 1906), écrit parfois : Henry Levet et même anglicisé en Levey.

(2) La bibliothèque Forney est l'un des seules à conserver les volumes reliés du Courrier français

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critiques presse (1)
LeMonde
19 janvier 2018
Dans « L’Express de Bénarès », l’Académicien retrace, autant qu’il est possible, la vie mystérieuse d’un poète dont l’œuvre, rare, l’a pourtant marqué.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La carte postale , par ailleurs, est brève. Telle est son essence. Elle s'oppose à la lettre où le correspondant se livre, est censé mettre son coeur à nu.
Une carte postale se réduit à un signe, un signe minuscule.Juste une manière de dire que l'on a une pensée pour celui à qui elle s'adresse. Une pensée fugitive, un signe furtif d'amitié ou d'affection,rien de plus. L'auteur d'une carte postale garde ses secrets pour lui, sa vie pour lui. Une carte postale n'est éloquente que par les silences qu'elle préserve.
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L'Armand-Béhic ( des Messageries Maritimes)
File quatorze noeuds sur L'Océan Indien...
Le soleil se couche en des confitures d crimes,
Dans cette mer plate comme avec la main.
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Un voyage , pour qui l'entreprend, c'est toujours une attente, un espoir, une promesse. Mais j'ai le sentiment que Levet va quitter la France sans rien attendre ni rien espérer.
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On écrit par consolation ou par compensation.
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Videos de Frédéric Vitoux (28) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frédéric Vitoux
Lecture de Frédéric Vitoux tiré du livre Figures d'écrivains, dirigé par Étienne de Montety.
Découvrez un portrait inédit de la littérature française. La visage, la plume et la voix de 70 grandes figures des lettres réunies pour un cadavre exquis historique.
Pour en savoir plus : https://www.albin-michel.fr/figures-decrivains-9782226436351
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