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EAN : 9782213682426
320 pages
Fayard (14/01/2015)
2.5/5   4 notes
Résumé :
Je me suis souvent demandé quels écrivains avaient été assez malchanceux pour publier un livre en avril ou mai 1968. Le point de départ – malicieux – des Désengagés est né de cette interrogation-là.
Se sont imposées à moi l’image d’un romancier à peine échappé de l’adolescence : Octave, solitaire, ombrageux, provocateur à l’occasion ; et celle d’une femme d’une quarantaine d’années, Marie-Thérèse, responsable littéraire d’une petite maison d’édition, qui aime... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Pour une fois je voudrais parler d'un roman qui représente pour moi exactement la théorie du goût creux appliquée à la littérature : un camembert industriel a si peu de goût que vous en reprenez encore et encore, à la recherche de ce que vous étiez venus chercher. Les Désengagés de Frédéric Vitoux de l'académie française (comme si c'était un gage de qualité) est un livre creux tout en références littéraires et en rappels du petit monde de l'édition avec vrais journalistes connus à la clé et compositions transparentes d'éditeurs pour les intimes.

L'argument : le jeune Octave, apprenti écrivain rencontre Marie-Thérèse, la quarantaine entamée en octobre 1967 chez un disquaire. Suivent une vingtaine de pages de bavasseries musicales pour montrer l'érudition de l'auteur, amateur manifeste du Chevalier à la rose. Ces deux-là deviennent amants illico, comme cela tombe bien : la quadragénaire est lectrice dans une maison d'édition !

Las, nous sommes à l'aube de mai 68 ; cela dit, à la page cent cela ne faisait pas encore de différence pour nos héros du triangle amoureux classique (il faut ajouter la jeune Sophie) qui portent les noms des héros du Chevalier à la rose. Quand on ne sait pas quoi écrire on multiplie les références culturelles, cela impressionne (ou cela irrite) et les pages s'écrivent toutes seules.

Vous l'aurez compris, ce roman m'a semblé boursouflé, plein de suffisance pour tout dire. Que suis-je venue faire dans cette galère ? Attirée par la jolie idée dont parle l'auteur sur la quatrième de couverture :

Je me suis souvent demandé quels écrivains avaient été assez malchanceux pour publier un livre en avril ou mai 1968. le point de départ – malicieux – des Désengagés est né de cette interrogation-là.

Un petit exemple du style du livre. C'est Marie-Thérèse la quadragénaire qui s'exprime mais on dirait que l'auteur ne sait pas que les femmes de 1968 ne ressemblaient pas aux héroïnes de Stendhal ou De Balzac : elles brûlaient leur soutien-gorge et s'éclataient avec de jeunes amants.

Elle pouvait retrouver, impunément, cette douceur, cette suavité, ou cette tendresse baignée d'indulgence qu'aucune jeune fille n'exprimera jamais, tout occupée qu'elle est à trancher dans ses désirs, ses impatiences ou ses peurs, mais qui sont le privilège des femmes de trente, quarante ans ou plus, que la vie semble avoir polies, à qui les chagrins, les déceptions, les amours passées ou les espoirs qui vont s'étrécissant ont conféré une forme d'indulgence qui sait faire l'économie d'illusions inutiles – car ce sont les illusions qui sont blessantes, qui attaquent le granit de la vie, ce sont elles qui se fracassent, tout comme la jeunesse finit tôt ou tard par se désintégrer.

C'est téléphoné, la malheureuse nous annonce la fin avant d'avoir effleuré le jeune Octave, Maintenant faites comme vous vous voudrez. Moi je vais écouter la musique sublime de Strauss, la version Giulini, bien sûr… J'aurai au moins retenu quelque chose de cette lecture.
Lien : http://nicole-giroud.fr
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La musique des demi-mots:

"On ne chantera jamais assez les demi-mots, mille fois plus évocateurs que les mots tout courts qui se posent là, sans malice, sont bêtes ou satisfaits d'eux-mêmes, qui se rengorgent de leur évidence, qui ont des papiers en règle, qui disent tout et ne suggèrent rien, évitent en somme l'essentiel, ce que les demi-mots, précisément, approchent et frôlent; demi-mots retenus ou prolongés par des silences qui dessinent leurs ombres si éloquentes, leur donnent par conséquent du relief, les font vivre, vibrer, palpiter, ces demi-mots qui, contrairement aux apparences, ne retranchent rien mais ajoutent au contraire aux mots leur part d'émotion, ce tremblé de l'incertain qui seul est est en accord avec la vie...p.48
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L’empâtement du temps:

Il s'interrompit et regarda Marie-Thérèse de ses yeux de cocker, mouillés de convoitise. De sénilité aussi ? Pourtant,, il s'imaginait être jeune encore, et séducteur sans doute, en dépit de son bec-de-lièvre, un soupçon de bec-de-lièvre, trois fois rien. Après tout, il avait moins de cinquante ans. De fait, il ne rendait pas compte qu'il était de ses bourgeois qui n'ont pas d'âge, qui basculent tout de suite, une fois leur jeunesse disparue, dans une forme de rondeur, de placidité, de notabilité qui les accompagnera jusqu'à leur mort. Ils deviennent vieux avant terme, et quand ils parviendront au bout de leur vie, on dira d'eux qu'ils sont encore bien conservés, à condition de donner à ce mot son sens le plus immobile ou le plus asphyxiant.p94/95
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Cristallisation amoureuse:

"Ses lèvres étaient à peine soulignées d'un rouge un peu nacré, et il ne vit bientôt que ce reflet, cette brillance entre les lèvres, cette texture de ses lèvres, ces ridules verticales qui scandaient la chair de ses lèvres, et il trouva cela bouleversant, minuscule et bouleversant. Est-ce c'était cela l'amour, le désir, la tendresse ? Quelque chose de minuscule et de bouleversant comme les ridules ou les sillons dessinés sur les lèvres de Marie-Thérèse ? Il n'en servait rien. Que pouvait-il savoir en matière d'amour ?Il ne soupçonnait encore rien de l'amour, de la durée de l'amour, mais les lèvres de Marie-Thérèse le transportaient de bonheur.p.41
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VITOUX fait partie des ces écrivains vers lesquels on se sent heureux et comblé de revenir. C'est du classique comme la façade des Invalides. Loin de la littérature moderne junkie et des auteurs du Prix de Flore que l'on peut trouver par ailleurs intéressante aussi.
Une histoire belle et touchante, pleine de nostalgie autour d'un amour improbable, sur l'écriture et le fait d'être écrivain, sur Paris et son cœur battant, l'Ile Saint-Louis.
C'est léger et profond en même temps; un vrai plaisir de lecture.
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L'amour malgré tout:

Le notaire Werdenberg était mort d'une dernière attaque, après des mois de paralysie. Marie-Thérèse nous l'avait écrit.Elle l'avait soigné sans songer à se plaindre. Ce qui unissait ces deux êtres devait ressembler à de l'estime, de l'amitié, de la fidélité, peut-être aussi à de l'amour - cet amour qui ne flambe pas comme de l'amadou mais s'installe quand tout ce qui pouvait brûler, là ou ailleurs, est désormais consommé, consumé,quand il ne reste entre deux êtres que cela: le silence de ceux qui se connaissent trop pour s'égarer en vains bavardages, en inutiles explications, la tendresse et l'indulgence face aux secrets, aux mesquineries ou faiblesses du partenaire, le respect qu'ils se portent et ce sentiment non pas oppressant mais libérateur au contraire que leurs destins sont liés, qu'ils ne peuvent plus se passer l'un de l'autre..264
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Vidéo de Frédéric Vitoux
Lecture de Frédéric Vitoux tiré du livre Figures d'écrivains, dirigé par Étienne de Montety.
Découvrez un portrait inédit de la littérature française. La visage, la plume et la voix de 70 grandes figures des lettres réunies pour un cadavre exquis historique.
Pour en savoir plus : https://www.albin-michel.fr/figures-decrivains-9782226436351
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