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Critique de MassLunar


J'adore le travail de Bastien Vivès. Autant le dire, c'est l'un de mes auteurs préfères dans le monde de la bd. Son style à la fois minimaliste et percutant s'harmonise parfaitement bien avec des intrigues tout en nuances entre fantasme et réalité. C'est la série Lastman qui m'a fait découvrir le travail de Mr Vivès, une série que je recommande chaudement aux amateurs d'actions et qui est blindée de références pop-culturelles.

Par la suite, Bastien Vivès avec des bd plutôt humoristique paru chez Delcourt ou des bd pornographico-comique comme Petit Paul, un titre qui a lui a valu beaucoup de controverse à l'époque. Cette controverse, nous la retrouvons dans ses romans graphiques , support sur lequel il s'llustre pleinement, avec Une Soeur. Je recommande vivement la lecture de cet album qui présente un amour d'été tout en émoi entre un garçon de 12 et une fille de 16 ans. C'est souvent troublant mais jamais malsain. Vivès joue aussi avec une fiction gentiment poussée sur ses limites morales sans jamais tombé dans la déchéance ou la crudité abusive.

Avec Quatorze Juillet, le dessinateur et co-scénariste change un peu de terrain. Après le jeu du fantasme dans Une Soeur et le Chemisier, Bastien Vivès s'aventure vers un terrain plus réel, plus actuel avec l'histoire d'un gendarme déterminé dans un petit village qui vient en aide à un artiste parisien et sa fille sur fond de menace d'attentat.

Changement de cadre et de perspective pour l'auteur qui travaille en collaboration avec Martin Quenehen à l'écriture du scénario. Martin Quenehen avait notamment écrit un témoignage en tant que prof dans une banlieue parisienne. Ce roman graphique baigne d'ailleurs dans une atmosphère plus sociale que les précédents même si on retrouve cette même nuance intimiste autour des personnages, cette envie de découvrir qui se cache derrière le masque et en l'occurrence, dans ce cas-là , derrière l'uniforme.

Parmi les personnages que Bastien Vivès a écrit et dessiné dans sa carrière, je pense que le personnage de Jimmy Girard est l'un de mes préfères. C'est un gendarme en mode tanké, lunettes de sports noires, air perpétuellement impassible, un gendarme qui en veut et qui pense avec force et détermination que nous sommes déjà en guerre contre les terroristes. L'album se focalise autour de ce personnage singulier, volontairement stéréotypé, pour mieux en révéler l'humanisme qui se cache derrière cet uniforme, une certaine générosité nuancée par le climat de méfiance et de suspicion actuelle. C'est un album génial qui nous fait réfléchir sur la figure du gendarme, sur la figure du héros. Et, justement, pour nous immerger dans ce récit, Bastien Vivès utilise sa meilleure arme : son dessin silencieux qui n'est jamais pollué par un trop plein de textes et de verbiage explicatif.

Si Bastien Vivès est pour moi l'un des meilleurs auteurs contemporains de la bande dessinée, c'est parce que c'est quelqu'un qui arrive à vous faire accrocher à une histoire avec peu de mots et quand bien même il y a du discours, des dialogues, ils résultent souvent d'une écriture très fine qui s'accorde parfaitement à la scène. Par exemple, les échanges entre le gendarme Jimmy Girard et l'artiste Vincent Louyot sont remarquablement écrits, tout part d'une tension formelle due à la contravention jusqu'à une certaine générosité masquée toujours derrière des paroles à la fois franches et mesurées. Il y a une véritable mécanique artistique qui vous happe dans cet album. Bien évidemment, le noir et blanc accompagné de nuances de gris sublime les scènes de cet album comme une course-poursuite haletante dans une cité, le cadavre d'un sanglier... Avec cet album, Vivès se lance davantage dans la mécanique du suspense et cela fonctionne. Son polar délivre des moments bien tendus avec une patte graphique qui se montre très inquiétante sur certains passages.

Un noir et blanc efficace, une narration diablement maîtrisé, une tension poussée à son paroxysme jusqu'à une fin ouverte des plus ambiguës. Qui est le héros, qui sont les victimes ? Dans un temps de méfiance qui frôle toujours la crise et le point de non-retour, Bastien Vivès et Martin Quenehen délivrent un polar graphique tendue et réfléchi.

Pour son nouveau roman graphique, Bastien Vivès accompagné au scénario par Martin Quenehen change de cap avec un polar fin et nerveux dans lequel le dessinateur-auteur utilise remarquablement son dessin minimaliste et silencieux au service de la réflexion sur l'image du héros, les stéréotypes, la méfiance et la haine engendrée par le contexte des attentats.
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