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Critique de Foxfire


C'est à la fois avec curiosité et appréhension que je me suis lancée dans la lecture de « La liste », lecture que j'ai faite en commun avec Deidamie. L'argument me plaisait mais je craignais de me retrouver à lire l'équivalent littéraire d'un teen movie bas du front. Finalement, ce fut une bonne surprise, par certains aspects « la liste » ressemble en effet à un teen movie, et c'est tant mieux, mais se révèle, par d'autres aspects, bien plus que cela, et c'est tant mieux aussi.

« La liste » n'est pas exempt de défauts, le principal étant l'écriture, ce qui est tout de même dommage. L'écriture n'est que fonctionnelle, il n'y a aucun style.
Mais passons rapidement sur cet aspect. « La liste » s'est avéré beaucoup plus intéressant que ce à quoi je m'attendais. le ton du roman est très singulier. le récit, qui utilise beaucoup de codes inhérents aux fictions adolescentes que ce soient les romans, les films ou les séries, dégage une forme de légèreté mais derrière cet aspect léger il y a une forme de gravité, et même de rugosité, d'âpreté que j'ai trouvé intéressante et originale.

« La liste » est surtout l'occasion, à travers l'évocation de 8 jeunes filles très différentes, de dresser le portrait d'une jeunesse superficielle et cruelle. C'est un monde d'apparences où tout sonne faux, les amitiés, les amours. Tout n'est que jugement et comparaisons. La galerie de personnages est forcément inégale. le personnage de Danielle est le moins réussi. Fade, terne, manquant d'une véritable caractérisation, elle m'a laissée indifférente. Je n'ai pas compris le personnage de Sarah, sans doute aussi à cause d'une caractérisation un peu légère. de plus, j'ai trouvé que les développements autour de ce personnage n'étaient pas crédibles. 4 jours sans douche, et elle ressemble déjà à une clocharde, elle a des démangeaisons et des cheveux innommables. Il suffit d'avoir vécu des occasions où on est contraint de la jouer un peu roots, par exemple un festival, pour savoir que ce n'est pas en 4 jours qu'on se retrouve dans cet état-là. On pue un peu, d'accord, mais les gens ne changent pas de trottoir non plus. Cette exagération dessert le propos.
J'ai évoqué les deux personnages que je n'ai pas aimés. En revanche, d'autres m'ont totalement séduite. Candace est un personnage assez caricatural, c'est la peste typique des teen movies mais quel personnage jouissif. C'est celle qu'on adore détester. Ce personnage m'a amusée. Dans le registre des pimbêches, Margo est un personnage assez complexe et plutôt fouillé. J'ai beaucoup aimé Jennifer que j'ai trouvé tour à tour touchante et détestable, une jeune fille pleine d'aspérités. L'auteure a l'intelligence d'éviter de lui imaginer un happy end, facilité qui aurait démoli tout le propos du bouquin. La relation entre Abby et sa soeur Fern est assez intéressante aussi même si cette rivalité entre les deux soeurs (complexe d'infériorité intellectuelle pour l'une, complexe physique pour l'autre) aurait pu être développé davantage.
J'en viens maintenant aux deux personnages que j'ai préférés, sans doute parce que ce sont ceux à qui je me suis identifiée. Tout d'abord Lauren dont le désir d'émancipation m'a parlé de façon personnelle. Ensuite Bridget, personnage qui m'a vraiment remué intimement, et même un peu douloureusement. J'ai souffert de troubles du comportement alimentaire qui ont commencé dans l'adolescence et se sont prolongés adulte pendant de nombreuses années, des périodes de boulimie et 3 périodes d'anorexie, dont une assez sévère. Autant dire que je connais un peu le sujet, de l'intérieur. Trop souvent, les fictions qui abordent ce sujet le font mal et se vautrent dans les clichés et les facilités. Rien de tout cela ici, le sujet est abordé avec subtilité et réalisme. L'auteure ne cherche pas le spectaculaire mais la vérité. Et pour ça, je suis reconnaissante. L'auteure ne met pas en scène un squelette vivant obsédé par les mannequins et qui se répète sans cesse « je suis grosse ». Bridget est une jeune fille que les gens trouvent jolie, qui a une part de superficialité, comme toutes les ados, mais qui ne se résume pas à cela. Bridget n'est pas vraiment dans le déni, elle sait qu'elle a un problème, tout comme je le savais à l'époque, elle sait qu'elle se fait du mal, tout comme je le savais. Chaque cas est particulier et provient d'un vécu personnel mais il y a tout de même des traits communs. J'ai reconnu ce que j'ai traversé dans tellement de choses décrites : ce besoin de contrôle permanent, l'impression d'être 2 en une, le fait d'avoir conscience d'avoir un problème, se faire régulièrement des promesses "dès que j'aurai atteint mon objectif j'arrête" tout en sachant pertinemment qu'on se ment à soi-même, les stratégies pour que personne ne découvre qu'on a un problème, le fait de comptabiliser ce qu'on mange (je me souviens que je tenais un cahier où je notais le poids, le nombre de calories, de glucides, lipides et protéines que j'ingurgitais)... Deidamie, ma co-lectrice, a parlé dans nos échanges de « verrouillage mental qui rend sourd et aveugle à tout ce qui est extérieur à sa propre souffrance ». Deidamie a posé là des termes très justes et cela prouve que l'auteure a su faire comprendre ce que vivait une personne anorexique, en évitant tout spectaculaire malsain et en ne se vautrant pas dans le misérabilisme pleurnichard. L'auteure ne cherche ni à choquer, ni à faire pleurer dans les chaumières. Elle n'omet pas la forme d'égocentrisme qui existe dans cette maladie, tout en faisant comprendre qu'il ne s'agit pas là d'égoïsme, la nuance est réelle. Cette justesse, cette honnêteté me laissent penser que l'auteure a sans doute connu l'anorexie, directement ou indirectement.

Je remercie Deidamie pour avoir partagé cette lecture avec moi. Si le roman a des défauts, ils sont compensés par ses qualités qui en font une lecture intéressante. La tonalité du roman, à la fois léger et rugueux, est audacieuse et culmine dans les toutes dernières phrases au ton très désabusé.
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