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EAN : 9782234090118
112 pages
Stock (03/02/2021)
4.33/5   9 notes
Résumé :
« J’ai avorté deux fois et je suis la preuve qu’un avortement peut provoquer l’indifférence ou une déflagration. Je suis la preuve qu’il peut occuper vingt ans ou les seules semaines nécessaires à son accomplissement. Qu’il peut être l’unique issue envisageable ou simplement permettre d’attendre un meilleur moment.
Alors, j’ai été lasse des discours péremptoires sur les raisons pour lesquelles les femmes devraient y avoir recours et sur ce qu’elles devraient,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans ce « livre-témoignage », l'auteure a choisi, pour parler de la façon très diverse dont les femmes peuvent vivre un avortement, et des raisons tout aussi diverses qu'elles ont d'y avoir recours, d'entrecouper les chapitres racontant son histoire à elle (marquée par deux avortements et une grossesse désirée) de courts récits que lui ont fait des femmes sur leur avortement. Elles ont aujourd'hui dix-sept, vingt-huit, trente-cinq, quarante-cinq, soixante, quatre-vingt-dix ans... Elles ont avorté à seize, vingt, vingt-cinq, trente, trente-sept, quarante-deux ans... C'était dans les années 70, 80, 90, 2000, 2010... Elles étaient à ce moment-là sous pilule, sous stérilet ou sans contraception, athées ou croyantes, célibataires endurcies ou mariées et déjà mères de plusieurs enfants... Elles n'ont pas douté un seul instant de leur désir d'avorter, elles ont hésité, elles voulaient cet enfant et un concours de circonstances défavorables les a fait changer d'avis, ou bien elles s'y sont senties obligées par égard pour l'enfant lui-même, pour un précédent enfant né très peu de temps avant, pour leur couple ou leurs études...
Bref, des profils extrêmement variés. S. Vizzavona a recueilli le récit de chacune d'elles, le long de quelques lignes à quelques pages (la plupart font au moins une page). Elle cite à chaque fois les paroles mêmes de la femme (elle s'était armée d'un dictaphone pour conduire les entretiens), ou bien les reformule, après s'être assurée auprès de l'intéressée qu'elle se reconnaissait dans cette synthèse et que cette dernière ne trahissait pas, involontairement, sa pensée.
Surtout, elle s'est toujours efforcée de ne jamais porter de jugement, quel qu'il soit, sur ce qui lui était dit et les situations ou sentiments qui lui étaient racontés. C'est apparent tout au long du livre, et elle le rappelle dans sa conclusion : « Ce livre va être publié, et mon éditrice me demande d'écrire une conclusion, mais je n'y arrive pas.
Je ne souhaite y tenir qu'un seul propos : la parole autour de l'avortement doit être libre et accessible pour déculpabiliser les femmes et renforcer un droit qui ne pourra jamais être acquis tant que la société exigera de celles qui l'exercent qu'elles s'en repentent. Depuis le début de ce travail, je me refuse donc à la moindre opinion sur tout ce que j'entends. Je n'ai rien à en dire. Je m'efforce de n'être qu'une passeuse de mots et d'émotions. »
C'était sa règle de travail principale, pour ne pas dire unique. Et c'est là-dedans que réside la force de cet ouvrage, indubitablement. J'avoue que j'ai pu m'attendre à ce que, sur un tel sujet, le texte soit gâché par du militantisme intempestif et déplacé ou des positions agressives et à l'emporte-pièce – mais il n'en est rien. Au contraire : certains témoignages, certes très minoritaires, mettent en garde contre la tendance que peuvent avoir certains à partir du principe qu'une femme confrontée à une grossesse imprévue désire forcément avorter. Ainsi, le témoignage de Rachel m'a serré le coeur (j'en ai publié la majeure partie, dans les citations de ce livre).
Écouter des femmes parler avec sensibilité d'un moment de leur vie, témoigner de ce qu'elles ont vécu, c'est tout ce que propose « Interruption ». Au lecteur, ensuite, s'il le souhaite, de se faire sa propre opinion.
Un livre qui se lit très rapidement et facilement, qui émeut et contraint à abandonner ses préjugés – et, à l'instar de l'auteure, suspendre son jugement.
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J'ai eu connaissance de ce livre et par la même occasion envie de le lire en écoutant une émission sur France Inter, La bande originale de Nagui et Leila Kaddour Boudadi, à laquelle était invitée Pascale Arbillot pour parler de la pièce tirée de cet ouvrage.
L'avortement !? Un mot qui recouvre tant de choses !! de la souffrance, physique, et morale beaucoup mais pas toujours, du jugement, énormément. Une chose que DES HOMMES souvent veulent rendre illégale. Un problème essentiellement de FEMME, car le jour où elles avortent, il n'y a pas souvent d'homme concerné pour leur tenir la main dans ce moment difficile. C'est toujours à elles qu'on jette la pierre. Comme si elles s'étaient auto-fécondées…

Nous sont offerts ici des témoignages de femmes, des jeunes et des moins jeunes, qui ont vécu le recours à l'avortement. Ça nous raconte aussi les femmes face à la société et tous ces donneurs de leçons qui ont un avis sur tout, et surtout sur ce qu'ils ne comprennent pas. Qui vous plantent des petits couteaux dans le coeur avec des petites phrases assassines et débiles : avortement de confort ; fallait faire attention ; horloge biologique ; égoïste de ne pas faire d'enfant ; pas une femme accomplie sans enfant ; et patati et patata… TAISEZ-VOUS ! Vous faites du bruit pour rien !! Vous brassez du vent et vous êtes blessants !

De nombreux témoignages de femmes, qui regrettent parfois mais pas souvent et toujours assument, ponctués du récit de l'autrice de ses deux avortements passés et de son désir d'enfant quand la quarantaine se pointe en même temps que l'homme de sa vie.

Ce livre bat en brèche tous les clichés. Il y a autant d'histoires d'avortement que de femmes qui avortent.
Mais ce livre aurait été incomplet sans témoignages de femmes qui ont avorté clandestinement à une époque où la loi l'interdisait. L'autrice leur donne la parole pour clore cet ouvrage.
Finalement avec le recul et à travers ce livre je me rend compte que c'est terrifiant d'être femme, jeune, féconde, moins jeune. Que de risques et de responsabilités ! Et que de silences !! Quand je pense qu'on a osé nous appeler "le sexe faible". On porte tellement de choses sur nos épaules.
Lien : https://mechantdobby.over-bl..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Témoignage de Rachel

[...] Je suis allée voir ma gynécologue pour une visite de routine, Victoire devait avoir trois ans, Paul dix mois, et je n'avais toujours pas eu mon retour de couches. J'étais complètement épuisée et déboussolée mais je n'y réfléchissais pas trop ; quoi de plus normal que cette fatigue avec deux jeunes enfants ?
Je suis assez proche de ma gynécologue, alors on a parlé de tout ça, de la famille, de mon travail, de mon boss épouvantable. Puis je me suis déshabillée et je me suis allongée. Elle a commencé son examen, tout allait bien, et elle a voulu faire une échographie. Elle a calmement sorti sa sonde pendant que nous discutions, ajusté sa machine, puis elle a regardé son écran, avant de le retourner brusquement en criant : « Ne regarde pas.»
J'étais enceinte d'environ deux mois et je n'avais rien senti. Je suis tombée des nues.
Sa réaction spontanée a été de me rassurer, de m'expliquer que ce n'était pas grave et que tout se ferait simplement ; elle m'a indiqué la marche à suivre et donné les coordonnées de confrères à contacter. Elle était prévenante et s'efforçait de m'éviter de culpabiliser. Mathieu, qui, de toute façon, ne voulait pas d'un troisième enfant, a pris le relais. Dans les mêmes termes. À peu de chose près.
En quelques mots et pensant sincèrement m'aider en allant dans mon sens, ils ont planté en moi la certitude que l'avortement s'imposait, qu'aucune autre option n'était à envisager, et que c'était ce que je souhaitais.
Sonnée par cette situation inattendue, manipulée par la fatigue et les hormones, je me suis laissé porter. Personne n'a eu l'idée de me demander ce que je voulais faire, pas même moi.
Quand je repense à cette période, je me vois comme une marionnette, agissant par automatisme, sous hypnose. Aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi je ne me suis pas réveillée, pourquoi je n'ai pas arrêté tout ça.
J'ai le souvenir d'une seule pensée rationnelle au sein de ce magma émotionnel : je ne voulais pas que mon fils se sente écrasé par un bébé trop proche de lui. Mais je ne sais pas si c'est ce qui m'a réellement guidée à l'époque ou si c'est une justification à laquelle je me raccroche maintenant.
Ce dont je suis sûre, en revanche, c'est que, si c'était à refaire, je ne le referais pas. C'est un immense regret.
Au-delà, c'est aussi une décision que j'ai du mal à assumer car je trouve que cet avortement était en quelque sorte injustifié. J'étais enceinte de l'homme que j'aime et avec lequel j'avais déjà construit une famille magnifique ; cette grossesse était accidentelle, mais elle n'était pas catastrophique ; aucun obstacle ne nous empêchait d'avoir un autre enfant.
Tristesse, regrets, culpabilité : voilà donc de quoi ce boulet était fait.
Aujourd'hui j'en suis débarrassée mais je ne cesserai jamais de penser à cet enfant que je n'ai pas eu.
C'est un garçon et il a un prénom.
Quand regarde mon fils et ma fille assis sur un canapé, il est là, à côté d'eux.
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Témoignage d'Annie, quatre-vingt-dix ans :

C'était il y a cinquante ans.
Le patron de mon mari nous a donné les coordonnées d'un médecin.
Nous sommes allés le voir, il m'a auscultée et nous a donné un rendez-vous le lundi suivant, à 9 heures du matin, à la sortie d'une gare en banlieue parisienne.
Le jour prévu, nous avons déposé les enfants à l'école puis nous nous sommes dirigés vers l'endroit indiqué.
Nous avons retrouvé le médecin sur le parking et il a dit à mon mari : « Vous restez ici, je vous ramènerai votre femme dans quelques heures ».
Je l'ai suivi, il m'a bandé les yeux et la voiture a démarré.
Nous sommes arrivés devant une grande maison et une femme m'a guidée vers une petite pièce au premier étage.
Elle a fermé les doubles rideaux de toutes les fenêtres, ils m'ont endormie.
Quand je me suis réveillée, ce n'était pas tout à fait fini, le médecin était toujours en train de fourrager à l'intérieur de mon vagin.
Il a terminé puis m'a fait monter à un autre étage, dans une espèce de grenier et il m'a demandé : « Où est l'argent ? Où est l'argent ? »
Cela devait être l'équivalent de cinq cents ou six cents euros, je ne sais même pas comment nous avions fait pour rassembler cette somme.
Je lui ai répondu : « Je ne l'ai pas, c'est mon mari qui l'a ». J'étais encore dans les vapes mais il m'a alors demandé de redescendre. La femme m'a fait sortir de la maison par une autre porte que celle par laquelle j'étais entrée, elle m'a rebandé les yeux et m'a reconduite vers mon mari.
Il lui a donné l'argent, elle est repartie.
Je suis montée dans notre voiture et j'ai dit : « Ouf ! ».
J'avais envie d'un croissant.
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Ils ne savent pas que mon cœur se serre dès que je rencontre un nouveau-né et que je suis hantée par l’éventualité de ne jamais sentir le mien contre moi, mais que toutes les décisions que j’ai prises, tous les choix que j’ai faits depuis que je m’imagine diriger ma vie l’ont été au nom d’une indépendance à laquelle je suis viscéralement attachée et que je ne suis pas prête à abandonner. Elle est si confortable.
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Je ne sais pas combien de fois j’ai dû me le répéter ce matin-là : j’ai quarante ans. Comme si le marteler pouvait rendre vraisemblable cette information encore inconcevable la veille, bien que tant redoutée. Comment est-il possible d’avoir vingt ans puis tout d’un coup quarante ? Il me semble que me réveiller homme ne m’aurait pas plus choquée.
Puisque je n’en perçois aucun symptôme mental, je n’arrive pas à m’y résoudre : aurais-je un jour le sentiment d’être une adulte ?
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J’avais beau savoir que tout cela le concernait autant que moi, je ne voulais pas vivre cette IVG autrement que de façon purement personnelle.
Je ne lui en voulais pas mais je trouvais la situation injuste : cette connerie, nous l’avions faite à deux et j’étais la seule à la subir. C’était bien moi qui étais enceinte et qui allais me faire avorter, il n’y avait qu’en moi que cela risquait de résonner.
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