"L'armée vous ouvre les bras" promettent les slogans aux jeunes paysans russes enrôlés de force pour effectuer leur service militaire.
Ce sont de cruels étaux qui vont se refermer sur le doux Sergueï Borissovitch, ceux de la guerre qui broie en ces années 80 où l'URSS part soutenir le gouvernement de Kaboul contre les moudjahidin.
Pauvre Sergueï, "bon garçon ("au "regard limpide", au joli filet de voix) élevé dans un cocon protecteur, amoureux et fiancé à la jolie Vassilissa!
L'absurdité et la violence de la guerre en Afghanistan lui sautent aux yeux, monstrueuses.
Du bizutage obligatoire avec la brave Lenka forcée de se prostituer au quotidien ponctué de suicides,carnages,massacres,injustices,vols,barbarie,
vermine,diarrhée,amputations,morts,trahison,raclées,coups fourrés,trafics...
.plus que son pucelage, il y perdra son innocence, mais jamais complètement son humanité.
Comment peut-on réduire des hommes "à l'état d'animaux rampants" "ivres de drogue et de sang" interroge et dénonce à travers lignes Marina Vladi dans son roman poignant
le Voyage de Sergueï Ivanovitch. Comment transformer, malgré lui, un gentil p'tit gars en un assassin non consentant? Et des corps d'élite en barbares?
C'est un beau portrait d'homme que nous dresse là cette comédienne, actrice, auteur (
Vladimir ou le vol arrêté,
Récits pour Militza) qui a recueilli moult témoignages pour rester fidèle à la réalité.
Courageux, honnête,respectueux, sensible,crédule,brisé...Sergueï aura à surmonter bien des épreuves et notamment le piège pervers tendu par le sadique chef Svolodarski.
C'est un récit d'amour et d'amitié aussi, car s'il y a la fidélité de Vassilissa, il y a aussi l'émouvante entraide des "frères d'armes" et la générosité de Lenka.
L'écriture de Marina Vladi est alerte et son registre émotionnel riche (amour,honte,douleur,indignation,révolte,solitude,désarroi,désespoir,dégout,pitié,amertume,haine,espoir,mépris...). Elle maintient l'attention du lecteur par moult rebondissements inattendus.
Le voyage de Sergueï Ivanovitch est un excellent roman de guerre qui dénonce les horreurs de la guerre (pour dire plus jamais ça!), l'histoire "d'une génération sacrifiée" qui rappelle le livre témoignage
Les Cercueils de zinc de
Svetlana Alexievitch.
A noter également, sur ce même sujet brûlant concernant la guerre en Afghanistan, le livre choc du professeur et chef de service de psychiatrie
Patrick Clervoy : Dix semaines à Kaboul qui participera à une pause philo à la librairie Charlemagne de Toulon le 12/2 sous la houlette de la philosophe
Laurence Vanin Verna.