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EAN : 9782020334020
264 pages
Seuil (18/03/2000)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Quoique encore une personne presque inconnu en France, Eric Voegelin est une figure centrale de la pensée politique, au même titre que Leo Strauss et Hannah Arendt.

L'originalité de La Nouvelle Science du politique (1952) – " le premier débat avec les problèmes réels depuis Max Weber ", disait Arendt – est d'interpréter la crise de la modernité en termes de gnosticisme : à l'instar des premières sectes chrétiennes, ou de Joachim de Flore au Moyen Âge,... >Voir plus
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Joachim [de Flore] rompit avec la conception augustinienne d’une société chrétienne en appliquant le symbole de la Trinité au cours de l’histoire. D’après sa conception, l’histoire de l’humanité se décomposait en trois périodes, chacune d’elles correspondant aux trois personnes de la Trinité (…) ces trois âges se caractérisaient par un accroissement sensible de plénitude spirituelle (...) l’eschatologie trinitaire de Joachim créa l’ensemble des symboles qui préside à l’auto-interprétation de la société politique moderne jusqu’à nos jours.

Le premier de ces symboles est celui de l’histoire conçue comme une séquence de trois âges, le troisième représentant clairement le Troisième et dernier Règne. La périodisation humaniste et encyclopédiste de l’histoire en histoire antique, histoire médiévale et histoire moderne constitue une variation sur ce symbole ; il en va de même des théories de Turgot et Comte concernant une série de phases théologique, métaphysique et scientifique, ou de la dialectique hégélienne des trois étapes de la liberté et de l’accomplissement de l’Esprit dans son autoréfléxion, voire de la dialectique marxiste des trois étapes du communisme primitif, de la société de classe et du communisme final, et, enfin, du symbole du Troisième Reich du national-socialisme – encore qu’il s’agisse là d’un cas particulier qui mérite qu’on l’examine plus en détail.

Le second symbole est celui du chef : il exerça une influence immédiate dans les mouvements des spiritualistes franciscains (…) renforcé par les spéculations de Dante sur le Dux du nouvel âge spirituel (…) il constitue ensuite une composante du Principe de Machiavel et, à l’époque de la sécularisation, il apparaît sous la forme des surhommes chez Condorcet, Comte, et Marx
(…)
Le troisième symbole, parfois mêlé au second, est celui du prophète du nouvel âge (…) l’intellectuel gnostique devient-il une composante de la civilisation moderne. Joachim lui-même est le premier exemple de ce genre (…) le quatrième symbole est celui de la communauté des personnes autonomes sur le plan spirituel (…) pouvant se passer de toute autorité institutionnelle (…) sous sa forme séculière, elle est devenue une composante importante du crédo démocratique contemporain (…) l’idée russe de la Troisième Rome se caractérise par le même mélange d’une eschatologie du règne de l’Esprit et de son accomplissement dans une société politique, à l’œuvre dans l’idée national-socialiste du Troisième Reich. (pp. 164-168)
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La mort de l’esprit est le prix du progrès. C’est Nietzsche qui a révélé ce mystère de l’apocalypse occidentale en annonçant que Dieu était mort et qu’Il avait été tué.

Ce meurtre gnostique est en permanence perpétré par les hommes qui sacrifient Dieu à la civilisation. Plus toutes les énergies humaines s’adonnent avec ferveur à la grande entreprise de salut en agissant de façon immanente dans le monde, plus les êtres humains qui s’engagent dans cette entreprise s’éloignent de la vie de l’esprit. Et puisque la vie de l’esprit est la source de l’ordre dans l’homme et la société, le succès même d’une civilisation gnostique est la cause de son déclin.

Une civilisation peut certes progresser et décliner simultanément, mais pas éternellement. Ce processus ambigu atteint nécessairement sa limite lorsqu’une secte activiste représentant la vérité gnostique organise la civilisation en un empire sous sa domination. Le totalitarisme, défini comme le gouvernement existentiel des activistes gnostiques, est la forme ultime d’une civilisation progressiste. (pp. 189-190)
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C’est à juste titre que les chrétiens étaient persécutés, car le christianisme contenait en germe une substance révolutionnaire qui le rendait incompatible avec le paganisme. La nouvelle alliance fut accusée d’augmenter l’incidence sociale de cette substance révolutionnaire. Ce qui rendait le christianisme si dangereux, c’était sa dé-divinisation, radicale et sans compromis, du monde.

C’est à Celse que revient la formulation peut-être la plus claire de la critique païenne la plus exhaustive du christianisme, dans son Alethês Logos, en 180 environ ap. J.-C. Les chrétiens, se plaignait-il, rejettent le polythéisme au motif qu’on ne saurait servir deux maîtres. C’était à, à ses yeux, tenir le « langage de la sédition (statis) ». Il reconnaissait la validité de cette règle entre les hommes mais, poursuivait-il, on ne retire rien à Dieu lorsqu’on sert sa divinité sous les différentes manifestations de son royaume. Bien au contraire, nous honorons le Tout-Puissant et nous lui agréons lorsque nous honorons beaucoup de ceux qui lui appartiennent, tandis que choisir de n’honorer qu’un seul Dieu introduit l’esprit de faction au royaume divin. Seuls les hommes se tenant à l’écard de la société humaine, et qui transfèrent ainsi leurs propres passions isolées sur Dieu, peuvent prendre ce parti. Ainsi les chrétiens sont-ils des factieux en matière de religion et de métaphysique, et leur rebellion est dirigée contre la divinie qui anime harmonieusement le monde entier jusque dans toutes ses ramifications. Et, étant donné que les différentes régions de la terre ont été attribuées dès le début à différents esprits dominants et à différents pouvoirs de contrôle, la sédition religieuse est simultanément une révolte politique : celui qui désire détruire le culte national veut également détruire les cultures nationales. Et, puisqu’elles ont toutes trouvé place dans l’Empire, lorsque les monothéistes radicaux s’attaquent aux cultes, ils s’attaquent en fait à l’édifice de l’imperium romanum. Non qu’il ne fût souhaitable, même d’après Celse, que les Asiatiques, les Européens et les Libyens, les Grecs et les barbares fussent unifiés sous une seule et même loi (nomos), mais, ajoute-t-il de façon méprisante, « quiconque croit que cela est possible, ne connaît rien à rien ».

La réponse d’Origène, dans son Contra Celsum, était au contraire que cela était non seulement possible, mais que cela ne manquerait pas de se produire. Celse, pourrait-on dire, perçut les conséquences du christianisme avec encore plus de clairvoyance que Cicéron les implications de la philosophie grecque. Il comprit le problème existentiel du polythéisme et il savait que la dé-divinisation chrétienne du monde signait la fin d’une ère de civilisation et transformerait de manière radicale les cultures éthniques de l’époque. (pp. 152-153)
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