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Critique de le_Bison


Henry Tyler est un privé neurasthénique. Il excelle, non pas dans les filatures, les constats d'adultères et les recherches de personnes disparues comme son métier pourrait le prévoir, mais dans la médiocrité négative. Sans aucune estime de lui, il considère sa vie sans saveur et sans intérêt. Il est même du genre à faire fuir ses éventuels clients plutôt que de les embobiner pour obtenir l'enquête. Ses journées, il les passe dans les tréfonds de San Francisco, dans les bars les plus miteux du quartier chaud de Tenderloin.

Elles se prénomment Domino, Kitty, Tournesol, Fraise, Saphir, Oiseau Jaune ou même Chocolat. Sous la plume de Vollmann, elles apparaissent comme les héroïnes de ce roman. Elles sont belles ou laides, parfois grosses et souvent sales, rarement en bonne santé physique ni même mentale. Elles chevauchent la rue de nuit comme de jour, étalent leurs formes et leurs charmes sur les trottoirs du Tenderloin, dans les parkings et sous-sols du quartier. Elles, ce sont des prostituées qui triment toute la sainte journée pour obtenir simplement de quoi se payer un fixe ou une dose le soir et ainsi tenir une heure, un jour de plus dans cette vie foutue et merdique. Sous un job des plus dégradants, ces travailleuses buccales ou vaginales m'apparaissent sous un nouveau jour : tendresse et émotion se dévoilent sous les tas d'immondices. Alors que certains salivent devant les vitrines des restaurants de Chinatown où pendent au dessus des plats de légumes fumants et riz cantonnais les canards laqués, poulets rôtis et tranches de porc rouges et craquantes, ces dames restent obnubilées par la coke pure, la coke crack (connu également sous le nom de blanche), le fentanyl, le speedball, la crystal blue persuasion, les quaaludes, le poppers, le speed rouge, le speed noir, le valium, la thorazine, la mescaline, la marijuana, la codéine, la morphine, le cognac et la bière.

A moins que l'héroïne de « La Famille Royale » soit en fait la Reine des Putes, une prostituée à la retraite qui prend soin de toutes ces (ses) filles. Elle les protège, les conseille, les aide telle une Mama africaine ou une maquerelle bienfaitrice. D'ailleurs existe-t-elle réellement ? N'est-ce pas une simple chimère, une illusion servant à illuminer de son aura ce pauvre quartier du Tenderloin.

Mais revenons à Henry Tyler, ce privé au bord du gouffre. Il semble avoir touché le pactole lorsqu'un riche investisseur l'engage pour retrouver... justement cette Reine des Putes. Il va errer dans les bas-fonds de San Francisco à la recherche de cette reine, celle qui deviendra plus tard SA reine. Mais que lui arrive t'il ? Tel un zombi fatigué, il navigue dans la chaleur et la puanteur de ces déchets de la société. Il est proche du précipice, d'un abîme dans lequel il semble incapable de sortir. Son seul tort : aimer Irène, la femme de son frère prétentieux et imbu. Alors lorsque le jour où Irène met fin à ses jours, Henry s'enfonce encore plus dans son gouffre. Peut-être sera-t-il sauver par sa reine ? Quelle doit être sa rédemption pour expier ses péchés, pour le punir d'avoir aimer sa belle-soeur ?

Mais revenons au roman, Henry met 200 pages à retrouver la reine des putes. Alors que va-t-il faire dans les 1100 pages restantes ? Il erre, il s'enfonce, il boit et baise des putes dans le Tenderloin. Il navigue parmi la pourriture tel une âme en peine. Il se clochardise petit à petit, en sombrant de plus en plus bas dans l'échelle de l'humanité. Il cherche sa voie, en même temps que sa foi parmi les autres détritus de la société. Et si en fait la réelle héroïne de ce roman était tout simplement la ville de San Francisco et son quartier chaud de Tenderloin. Je sens cet amour de l'auteur pour ce secteur et la passion qu'il s'est découvert pour ses prostituées. le langage est cru, celui de la rue des putes, les images plutôt immondes et la morale loin d'être saine. Mais c'est la vie et Henry côtoiera parfois avec plaisir, parfois avec dégoût d'autres déchets humains, tel Dan Smooth, un pédophile qui se prétend son ami et qui affirme que sa nièce de 5 ans prenait réellement du plaisir sexuellement. Rien ne lui sera épargné dans le Tenderloin où il découvrira tous les plaisirs sexuels les plus extrêmes dont j'ignorais presque leur existence tels l'ondinisme, la scatophilie ou la coprophagie. J'éviterai d'insister trop sur l'abject Smooth, et d'ailleurs Henry n'a même plus la force de le remettre à sa place, sur les abus sexuels sur des handicapées mentales ou sur les scènes sado-masochistes. Mais au milieu de toutes les ordures de notre société, ce roman rend l'un des plus bel et vibrant hommage aux prostituées en même temps qu'une vision plus que sombre de la vie californienne.

La nouvelle bible de San Francisco. Indispensable !
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
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