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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Bienvenue dans ce Volodinistan que mon amie HordeDuContrevent aime tant, bienvenue dans cette extraordinaire perle du « postexotéisme » inventée par Antoine Volodine, bienvenue dans ces quarante-neuf narrats ou moments de prose qui composent l'ossature Des anges mineurs. On entre dans cette littérature comme on entre en religion, avec toutes ses croyances et tous ses doutes. On se noie dans les mots de cet auteur comme on peut se noyer dans le torrent impétueux et sauvage d'une montagne. L'univers raconté ici, est post apocalyptique. C'est un monde où tout se meurt, où tout est en voie de disparition. Où les hommes et les femmes sont devenus aussi rares que les anges et les dieux.

Nous nous attachons au cours de cette histoire à quelques survivants. Des hommes tout d'abord comme Enzo Mardirossian, le régleur de larmes ou Fred Zenfl, le dernier écrivain de cette terre; des femmes aussi comme les deux belles Djaliyla Solaris et Bella Mardirossian ou la forte Babaïa Schtern, prisonnière du neuvième étage d'un immeuble en ruine où ses fils l'engraissent dans le but inavouable de la manger, sans oublier la Rita Arsenal ou le Robby Milioutine. Antoine Volodine va tenter tout au long de son livre, de nous dresser le portrait d'une dizaine de personnages. Mais comme il nous l'affirme haut et fort au début de son oeuvre, cette description ressemble plus à « une photographie truquée, qui rend difficile la perception des traces laissées par ces êtres».

Le personnage principal de ce quasi-conte moderne se nomme Will Scheidmann. On découvre au fur et à mesure de la lecture que c'est lui le véritable narrateur. Et quand je dis on, c'est pour dire lui…C'est dans ces déserts urbains aux immeubles vides, sur cette terre de brique rouge où la vie est en voie d'extinction, qu'un groupe de vieillardes immortelles et amnésiques cherchent à lui donner vie. Ces vieilles sorcières mongoles vont à partir de morceaux de chiffon et d'incantations chamaniques, animer un poupon de chiffons, plutôt une sorte de golem en chiffons. Et ce golem incarné par Will scheidmann n'aura de cesse comme dans le mythe de se retourner contre elles pour les détruire.

La prose d'Antoine Volodine est aussi limpide que magnifique. Elle nous aide à parcourir ce monde dévasté et chose incroyable, à apprendre aussi à l'aimer. Il sait trouver dans la noirceur de ce chaos, des touches de lumière et de couleurs. le rouge brique côtoie le gris béton en se mêlant au vert steppe. Son style est proche du Boris Vian de l'écume des jours. Une poésie qui sert l'histoire, une imagination qui la transcende. Les quarante-neuf chapitres ou narrats se complètent, s'emmêlent et se confondent pour ne faire plus qu'une seule et unique histoire. L'histoire d'un aboutissement, d'un achèvement du monde plus que de sa fin.

Merci à Antoine Volodine pour m'avoir à la fois bousculé, déboussolé, secoué mais aussi fasciné, impressionné et surtout enchanté. Cest son livre qui donne envie de découvrir son oeuvre comme c'est souvent une seule perle trouvée qui donne envie de fabriquer un collier. Entre être Arroseur d'étoiles ou Planteur de rêves, le choix est assez difficile quand on pose la question directement à ses amis. La réponse est souvent mitigée tant les deux métiers semblent exotiques. Pour Antoine Volodines la question ne se pose même pas, car comme pour son personnage Enzo Mardirossian, il a choisi d'être pour sa part Régleur de larmes et son recueil Des Anges Mineurs est bien là pour nous l'affirmer voire pour nous le confirmer…

« Je sais ce qu'aurait pu me dire le régleur [de larmes] : que tout en moi était détraqué, pas seulement les larmes, et que je pleurais n'importe comment et en désordre, et souvent à contretemps, ou sans cause, ou que je restais impassible sans raison ».
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— La curiosité est un bien beau défaut —

« L'étrange est la forme que prend le beau quand le beau est sans espérance. »

Curieux livre. Tous propos sur les livres d'Antoine Volodine (et de ses avatars) pourraient, devraient débuter par cet avertissement circonspect qui invite à l'étonnement. J'ai eu du mal à entrer dans celui-ci, séquencé en 49 courts chapitres qui le rendent plus digeste — et en ce sens plus accessible — que des oeuvres de plus grande ampleur (Terminus radieux pour ma part), mais aussi moins immersif.

Qui sont les personnages dont nous sont donnés des instantanés, dont les rappels à d'autres chapitres exigent une sacrée mémoire ou de revenir en arrière pour repérer la trace, chercher des liens ?
De quel(s) monde(s) est-il question(s) ? Tantôt l'univers post-exotique cher à Volodine, son ambiance russo-asiate, avec ses patronymes, ses rites chamaniques, la nostalgie des camps, d'un paradigme concentrationnaire popote sous la surveillance bienveillante des miradors… Et tantôt la plongée, l'exploration, l'immersion pour quelques minutes des personnages dans un monde plus proche du nôtre…

On s'y perd, c'est sûr. Puis une présence centrale, une entité, un personnage se dessine dans une position rayonnante et ordonne confusément l'ensemble, rappelle au lecteur le texte ouvrant le roman, précédant les 49 « narrats », 49 instantanés romanesques titrés du nom des anges mineurs qui ont traversé la mémoire du locuteur, locuteur qui peut-être aussi bien l'auteur nommé Volodine que l'entité centrale évoquée, et qui appelle narrat « une séquence poétique à partir de quoi toute rêverie est possible, pour les interprètes de l'action comme pour les lecteurs. »

Confusément, et précisément parce que rien n'est clair, tranché : on erre entre onirisme et réalisme, entre les mondes, ni vivant ni mort ou les deux à la fois. le personnage (l'entité centrale) est vieux de 48 d'existence et de cent milliards d'années de mort.

[A ce sujet, je digresse — un peu ou pas du tout — pour dire mon impression de lecture, proche de celle des Détectives sauvages de Bolano, l'impression d'être en visite, bienvenu dans un monde qui existe indépendamment du livre, qui a commencé bien avant et se finira, s'il se doit finir, bien après ma lecture. Serait-ce cela le post-exotisme, un tourisme étrange dans un ailleurs qui n'est nulle part, si ce n'est où nous mène la prodigalité de l'auteur ?]

« Car il s'agit aussi [les narrats] de minuscules territoires d'exil sur quoi continuent d'exister vaille que vaille ceux dont je me souviens et ceux que j'aime. »

Qui est donc le locuteur ? Il « pétrit » sa prose pour lui-même, pour nous et pour la bande de vieilles révolutionnaires et chamanes tricentenaires, ex-pensionnaires de la maison de retraite du Blé-Moucheté où des « vétérinaires avaient parqué des vieilles femmes qui ne mourraient pas, qui ne se modifiaient pas et qu'on ne pouvait pas manger. »

D'une boule de chiffons et d'incantations elles ont donné vie à un petit-fils pour sauver l'humanité raréfiée et comme en léthargie : Will Scheidmann.
Pas de bol, maladresse, impuissance, il a rétabli le capitalisme, l'exploitation de l'homme par l'homme et ses mafias.
Depuis elles n'ont de cesse de le fusiller, avant de céder au pouvoir émollient de ses narrats.

« Il avait été établi que les narrats étranges qui s'échappaient de la bouche de Scheidmann colmataient les brèches dans les mémoires ; même si, plutôt que des souvenirs concrets, ils remuaient des rêves ou des cauchemars qu'elles avaient faits. »

Le temps entropique mue Will Scheidmann en une boule, une meule de goémon sur laquelle sèche un crâne, sorte de mascotte Cetelem organique dont à défaut de narrat on mordille les lambeaux de chair. Beurk.

Will Scheidmann c'est aussi Yasar Dondog ; Fred Zenfl probablement, le dernier écrivain et ses murmurats dont les livres sont « construits sur ce qui reste quand il ne reste rien. » Fred Zenfl, référence intermédiaire entre Volodine et Scheidmann qui sont plus ou moins, plus et moins l'un l'autre.

Je est un autre — et vice versa. À moi seul bien des personnages ! (je paraphrase un titre de John Irving.)

« J'ai dit ce nom pour qu'on ne pense pas que je parle toujours de moi, et jamais des autres. Mais c'était moi. »
Va-t'en savoir ! « Et toi, dit-il soudain avec violence, de nous deux tu es lequel ? »

Dans une humanité, un monde en voie d'extinction : « On touchait déjà à une époque de l'histoire humaine où non seulement l'espèce s'éteignait, mais où même la signification des mots était en passe de disparaître. »

Qui renaîtra peut-être de « la poche ventrale » de la nièce du dernier mafieux éventré, comme du dernier roi pendu avec les boyaux du dernier curé, « une fille déjà baptisée Rim Scheidmann et qui rétablirait l'ordre, les camps et la fraternité sur terre. »

Pas mieux.De toute façon les masses ne sont jamais au rendez-vous.

En attendant ce jour hypothétique, on lira « le roman de Fred Zenfl que je préfère, il a été écrit pendant qu'une locomotive dépeçait et traînait son corps, c'est un roman assez amusant et varié pour plaire à toutes et à tous, lisez-le, lisez au moins celui-là et aimez-le. »

Publié récemment, Vivre dans le feu est annoncé comme l'avant-dernière pierre de l'édifice post-exotique. Il en comptera in fine 49, comme les narrats de nos Anges mineurs, nous laissant une basilique construite en poupée russe.


P.-S. : Après lecture des excellentes recensions qui m'ont précédé, je découvre notamment grâce à celle de Weirdaholic l'organisation en miroir des 49 chapitres (le régleur de larmes au début et à la fin aurait dû me mettre la puce à l'oreille).
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En fait, ce livre mériterait bien plus d'étiquettes que la seule de roman puisqu'il est beaucoup de choses à la fois. Composé de 49 "narrats", selon l'expression employée par l'auteur ou disons plutôt de fragments issues de points de vue différents, je me suis sentie un peu déroutée en entamant la lecture de ce livre, mais plus j'avançais dans l'histoire, plus j'ai compris que ces différents "narrats" avaient un point commun du nom de Will Scheidmann, un homme qui se retrouve attaché à un poteau d'exécution au beau milieu d'un champ près à se faire lapider pas des dizaines de vieille femmes, ces mêmes vielles femmes qui l'ont mis au monde des années plus tôt, l'ont élevé pour être "le vengeur", celui qui rétablirait un monde juste qui vaille la peine qu'on se batte pou lui.
On retrouve dans ce livre des personnages tout aussi étranges les uns que les autres mais qui se ressemblent bien plus qu'on ne le croient puisqu'ils luttent tous pour une même cause.

Ces courts fragments ainsi que la superbe écriture de l'auteur rendent le livre très agréable à lire. Vision post-apocalyptique pourrait-on dire et futuriste mais néanmoins bien plus réaliste que l'on ne voudrait bien le croire. A découvrir !
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Le terme les narrats inventé par Antoine Volondine désigne des textes de quelques pages et mis bout à bout, ils forment un tableau de la fin du XXème siècle : barbarie, guerre, génocides, individualisme...Il y est question aussi de capitalisme dont l'auteur en fait l'ennemi direct de la population, alors que ce système n'est plus en place.
Au niveau du décor, on est dans l'univers post-exotique avec ses campements et ses geôles, à savoir aussi que la consonance des noms des protagonistes sonnent russe et parfois asiatiques. de plus, quand ce ne sont pas aussi des personnages qui prennent la parole, ce sont des animaux.
Maintenant, je vais vous donner mon ressenti car ce serait dommage de vous en dévoiler davantage sur les narrats, à vous de le découvrir par vous-même si vous le souhaitez.
Donc, au début du livre j'étais un peu déroutée vu que je n'arrivai pas trop à me situer, mais au fil des récits cela a été nettement mieux et alors les pages se sont enchaînées. Il faut dire aussi que l'auteur possède une écriture assez remarquable : il manie très bien abomination et poésie.

Pour conclure, j'ai passé un bon moment de lecture mais malgré tout, je ne sais pas s'il va me marquer longtemps.
Lien : http://univers-des-livres.ov..
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La Terre a été décapée, stérilisée. Elle est couverte de cendre, présente l'aspect de la planète Mars. Elle est la résultante ultime du capitalisme finissant, où bien est ce une révolution planétaire qui a tout rasé dans une vaste déflagration? En tout cas la société est en pleine déliquescence. Des femmes pluriséculaires ont engendré un homme à partir de textiles obsolètes. Mais Will Scheidmann a trahit en réintroduisant les germes du capitalisme. La peine capitale est proclamé mais l'exécution tarde tant par la maladresse de ces vieilles dames que par l'action du condamné.

Le texte est composé de quarante-neuf instantanés romanesques ou séquences poétiques. Chaque narrat porte le nom d'un personnage traité incidemment dans la cellule narrative et qui n'est en général pas le narrateur. Celui ci est principalement omniscient , parfois il y a aussi un je. Il y a une interrogation autour du narrateur. Il est dit que Will Scheidmann compose des narrats au profit de ses mères, à raison d'un narrat par jour. Ne prolonge-t-il pas ainsi sa vie de narrat en narrat et retarde d'autant son exécution telle une Shéhérazade post apocalyptique? Chaque personnage traité dans une cellule narrative est récurent dans plusieurs autres, l'auteur nous obligeant sans cesse à revenir en arrière et à établir le lien et la continuité du texte. Ce qui frappe enfin c'est l'accroche immédiate des séquences narratives, la plupart des débuts de chapitre fournirait un excellent incipit pour une nouvelle ou un roman. Cette dystopie est singulière, elle est sujette à plusieurs interprétations, elle interpelle, on est réduit à des conjectures, c'est là son mérite.
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Antoine Volodine ne s'appelle pas Antoine Volodine mais Jean Desvignes. Il a une vision de l'écriture et de son oeuvre très organisée : il doit faire 49 romans (le dernier va paraitre bientôt) d'un genre qu'il a décidé d'appeler post-exotisme. Ce roman fait lui-même 49 mini-chapitres qu'il appelle narrat (ce qui veut dire « récit » d'après le dictionnaire). On comprendra qu'il valait mieux changer de nom pour une oeuvre aussi murement réfléchie… Ceci dit, si un mélange d'humour certain et de pédantisme me parait ressortir de tout ça, la construction et le style Des anges mineurs, premier roman de Volodine que je lis, est intéressant, assez étrange et bien écrit pour retenir l'attention… pendant un certain temps, disons. J'étais même assez fasciné par le lien de son patronyme d'écriture avec le rapport permanent de l'ambiance post-exotique et de l'histoire et la chute de l'URSS (goulags, révolution égalitaire bafouée, retour des mafieux capitalistes après 91, …). En découvrant dans sa bio qu'il a enseigné le russe pendant 15 ans, cet intrigant personnage devenait à la fois plus évident et plus mystérieux (je ne sais pas si je suis clair).
Enfin, quoiqu'il en soit, ce roman est intéressant, on s'y perd parfois un peu, mais comme Alexandre Volodine m'a intrigué et qu'il parait qu'il a fait un chef d'oeuvre récompensé par le prix Médicis, et même si je trouve qu'un certain manque d'émotion et d'empathie pour ses personnages m'a conduit à une lassitude vers les 10 derniers narrats (ah, c'est vrai que c'est chouette de parler comme ça !), je vais m'atteler à Terminus radieux dont le résumé démarre par « Alors que le dernier bastion de civilisation s'effondre avec la chute de la Deuxième Union soviétique… »
4* malgré des défauts (qui ne m'ont gêné que vers la fin) et pour l'originalité de la démarche
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J'ai commencé par goûter l'humour désespérant dans les premiers récits ou narrats (récits ne va pas du tout)
Une distorsion qui rend plus vrai ou plus sensible le constat même si nous venons au monde de tout autre façon, dans un but moins utilitaire, ou sans but, que Will Scheidmann.
Dans nos tentatives d'enchanter le monde, pour les autres si nous en avons le talent, ou le pouvoir, ou pour nous mêmes
Et le monde persiste à être fou.
Mais les enfants.. les arbres, la mer, les oiseaux...
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