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Critique de MarianneL


Entrer dans l'univers d'Antoine Volodine et des écrivains post-exotiques, c'est pénétrer un monde clos et fascinant, parfaitement cohérent même s'il semble parfois chaotique, dans lequel les écrivains et leurs fictions sont mis en abîme de manière vertigineuse.

Paru en 2010 aux éditions du Seuil, «Écrivains» forme un morceau à la fois simple et génial de cet édifice littéraire, sept portraits d'écrivains du côté des perdants, dans un monde tragique qui renvoie aux heures les plus sombres de l'histoire contemporaine. Volodine nous montre la grandeur de ces écrivains aux marges, dissidents restés fidèles à la révolution, malades internés, écrivains analphabètes, incarcérés et torturés, écrasés par la noirceur de l'histoire et la défaite de leurs idéaux, mais toujours habités par la flamme de la lutte.

«Elle s'appelle Linda Woo. Si on veut se représenter sa tête et son apparence, on peut penser à un film du cinéma de Hong-Kong. Elle ressemble à Dora Kwok dans «Lonely Dragons». En réalité, elle est plus belle encore, car sur son visage la passion a laissé des traces, le feu de la lutte des justes contre les monstres. Derrière le masque de douleur et de solitude, sous la peau que le manque de soleil a enlaidie, subsiste une lumière que rien ne peut éteindre. Comme nous, elle a perdu toutes les batailles. Elle est magnifique mais elle a perdu.» (Discours aux nomades et aux morts)

Lecture bouleversante, «Comancer» met en scène un écrivain en proie à des tortionnaires déments, qui s'évade mentalement en se remémorant ses débuts en écriture, alors qu'il n'était qu'un petit garçon noircissant des couvertures de cahier en salle de classe.

«Ils reviennent à lui, ils le battent.
Il fait contre mauvaise fortune bon coeur, et il attend, presque tranquillement, que leur rage franchisse un nouveau stade et qu'ils le zigouillent. Il sait que la fin approche et plutôt que de faire le bilan de son existence, plutôt que d'invoquer la dernière décennie passée en asile, marquée par une longue chaîne monotone de bagarres et de journées de prostration, ou ce qui a précédé l'univers médical spécial, une vie de guérilla, de romans non publiés ou mal publiés et d'enfermement dans un quartier de haute sécurité, il préfère se réfugier dans la classe de Frau Mohndjee.» (Comancer)

Antoine Volodine arpente la ligne du temps, sans jamais nous lâcher la main, sur un chemin tragique qui fait écho à l'histoire malheureuse du XXème siècle et à ses génocides. Ses personnages supportent ces situations d'un tragique extrême grâce à l'humour distancié et fataliste de celui qui n'a plus rien à perdre, dont on trouve ici un sommet, dans le chapitre intitulé «Remerciements».

«Parmi les personnes à qui je suis formidablement redevable de m'avoir soutenu dans les moments difficiles, une place toute particulière doit être réservée à Tatiana Vidal, à son mari Olaf et même à leur bébé Carmelita, pour les encouragements qu'ils m'ont prodigué alors que, songeant à me défenestrer, j'avais déjà enjambé le rebord du balcon de leur vingt-deuxième étage. Sans leurs paroles réconfortantes, intelligentes et appropriées, et sans les sanglots stridents de Carmelita, je crois bien que je n'aurais jamais terminé mon roman «Macbeth au Paradis».» (Remerciements)

On ne finit jamais de lire et relire Volodine.
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