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Citations sur Songes de Mevlido (11)

Mevlido leva la brique une deuxième fois, et Berberoïan, qui détestait qu’un inférieur lui cogne sur la tête, se hâta de reprendre son autocritique.
– Oui, admit-il. Des peccadilles. Jusqu’ici je n’ai reconnu que cela, des peccadilles. Mais maintenant… Maintenant, je vais…
Il se racla la gorge et redressa un peu l’échine.
– Maintenant, je vais être sincère.
Un rideau de sang lui coulait sur les yeux, et, derrière cette buée rouge, il voyait les représentants des masses qui assistaient à son humiliation et s’ennuyaient. Ce qu’il avouait n’avait rien d’original ; quant à la violence de la scène, elle n’avait pas de quoi émouvoir des policiers habitués à participer à des tabassages. Mevlido, du reste, n’abusait pas de la situation. Il tapait avec mesure, continuant à traiter Berberoïan comme un supérieur hiérarchique, et, s’il lui avait écorché le crâne, c’était après avoir amorti le coup. Le préposé à l’idéologie, Balkachine, n’était plus là pour vérifier la férocité des impacts, et, au fond, l’interrogatoire se déroulait sans grande casse. En raison du grade de l’accusé, qui était tout de même commissaire, Balkachine s’était déplacé, mais pour s’éclipser au bout d’un quart d’heure, après un discours sur la morale prolétarienne qui avait endormi tout le monde. C’était une séance d’autocritique bâclée, une de plus : un moment théâtral qui avait eu sa raison d’être autrefois, deux ou trois cents ans plus tôt, au temps où les guerres contre les riches n’étaient pas toutes perdues, mais qui aujourd’hui, à la fin de l’histoire – pour ne pas dire à la fin de tout – , avait dégénéré en pure sottise rituelle.

(Incipit)
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On avait dépassé minuit. Il faisait très chaud. Comme toutes les nuits en été depuis une quinzaine de décennies, l’impression d’étouffement ne s’était pas atténuée avec le soir. Il allait falloir patienter jusqu’à l’aube pour retrouver de quoi respirer, un peu d’éphémère fraîcheur.
Dans le tramway, les passagers avaient fermé les yeux et ils ballottaient sur leurs sièges. Outre le conducteur et Mevlido, ils étaient six, tous des hommes ou, du moins, des individus mâles ou principalement non femelles. Sous l’influence des miasmes qui soufflaient depuis les maisons insalubres, chacun somnolait ou agonisait le plus loin possible de ses voisins. Je me rappelle très bien la scène : je faisais partie de ce groupe et, tout en appliquant moi aussi la procédure recommandée pour vivre ou pour dormir, j’observais les choses entre mes cils. Nous étions tous habillés dans le même style, chemisette blanche au col graisseux ou T-shirt maculé de cambouis, pantalon de toile militaire, tongs ou vieilles chaussures fatiguées. On ne peut rien espérer d’autre, à cette heure, de ceux qui empruntent la ligne circulaire et rentrent chez eux, dans les mondes de second ordre, les havres pour réfugiés et les ghettos.
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- On va vous organiser une incarnation dans un type bien, poursuivit Deeplane.
Mevlido bougea encore sa rude tête de bonze pugiliste. Il continuait de feuilleter les nombreuses sections et sous-sections du dossier groseille. "Ne pas prendre contact avec les araignées, lut-il. Ne pas parler aux rats. Ni aux rats, ni aux araignées. Ne pas participer à des cérémonies où l'on évoque l'âme des morts. Refuser tout entretien avec un psychiatre. (Il tournait les pages). Accepter son destin quel qu'il puisse être. Accepter sa différence quelle qu'elle puisse être. Dissimuler sa différence. (Il y avait des centaines d'instructions. La plupart paraissaient sensées.) Toujours trahir les vainqueurs", lut-il encore. Ses doigts froissaient des intercalaires jaune paille ou jaune canari, ou bleus, ou gris cartonneux.

p. 196
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elle préférait concentrer dans ses cordes vocales toute la magie du moment - dans ses cordes vocales et sa respiration.... La scène sur laquelle elle se produisait était presque circulaire, on aurait pu la comparer à la bouche refermée d'un cratère. En son centre, la mudang se lamentait et créait sans cesse de la beauté, quelque chose d'éphémère et fondamental que seuls les morts ou leurs semblables pouvaient entendre
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Depuis leur perchoir du garde-manger, les cafards l'observaient sans mot dire. Lui-même ne leur adressait pas la parole. Il restait recroquevillé dans le bac à douche.

p. 366
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Les classes dirigeantes se sont gangstérisées , les pauvres obéissent .
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Sa maigreur lui donnait l'air d'un gueux famélique, et son visage anguleux avait le teint bleuâtre des graphomanes, de ceux qui restent enfermés devant du texte pendant des mois, heure après heure, sans jamais respirer autre chose que la fragrance douteuse des mots, avec pour dérivatifs un sommeil nerveux et peu réparateur, la lecture de glossaires inextricables, et des rêves.

p. 212
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Les classes dirigeantes se sont gangstérisées, les pauvres obéissent.
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Dehors ,il ne pleuvait pas.
La pluie ne crépitait pas sur Poulailler Quatre.
La pluie ne mitraillait pas les toits.
La pluie ne dansait pas en tambourinant sur les tôles.
La pluie ne se manifestait pas.
La pluie était ailleurs.
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L’art de Mingrelian, influencé par le post-exotisme, joue avec l’incertitude, l’inaboutissement, le brouillage des contraires, le néant.
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