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Citations sur Terminus Radieux (68)

Le chant cristallin des gouttes retombant dans la vasque. Le goût de l’eau. Un lointain parfum de tourbe, de silice un peu poivrée. Une impression de transparence, d’éternité. L’émotion de pouvoir ressentir cela, de ne pas être mort encore.
Le silence de la forêt.
Le martèlement d’un pic creusant l’écorce avec violence, à quelques centaines de mètres de la fontaine.
Puis, de nouveau, le silence.
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Les panneaux d’interdiction et de danger rongés par la rouille. Sur une tête de mort encadrée de rouge et noir, des escargots qui, avant de mourir, avaient abandonné autour d’eux d’intenses traces de bave.
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C’était un homme de haute stature, barbu, broussailleux, avec une grosse figure de héros irascible. Ses cheveux et sa barbe étaient restés noirs, comme s’il avait toujours la quarantaine ou la cinquantaine, alors qu’il avait à peu de chose près le même âge que la Mémé Oudgoul. Il dominait Kronauer d’une bonne tête et, en largeur, les deux hommes n’étaient pas comparables. Avec son coffre et ses épaules de lutteur de foire, son ventre dont les abdominaux débordaient, le président du kolkhoze donnait une impression d’invincibilité. Ses iris, d’une couleur fauve, cuivrée, empiétaient sur l’espace réservé au blanc de l’œil – particularité qu’on observe généralement chez les rapaces et assez souvent aussi chez les thaumaturges. On ne pouvait rencontrer un tel regard sans tout faire pour ne pas s’y noyer, et on détournait les yeux, mais alors c’était avec un sentiment de petitesse et de défaite. Ce Solovieï était habillé d’une chemise blanche sans col, serrée à la taille par une ceinture de cuir dans laquelle il avait passé une hachette. Son pantalon en toile épaisse entrait en bouffant dans d’énormes bottes de cuir noir. Pour résumer, il paraissait être issu d’un récit de Tolstoï mettant en scène des moujiks et des koulaks, à une époque préhistorique, antérieure à la première collectivisation des campagnes.
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Il vient d’entrer dans une réalité parallèle, dans une réalité bardique, dans une mort magique et bredouillée, dans un bredouillis de réalité, de malveillance magique, dans une tumeur du présent, dans un piège de Solovieï, dans une phase terminale démesurément étirée, dans un fragment de sous-réel qui risque de durer au moins mille sept cent neuf années et des poussières, sinon le double, il est entré dans un théâtre innommable, dans un coma exalté, dans une fin sans fin, dans la poursuite trompeuse de son existence, dans une réalité factice, dans une mort improbable, dans une réalité marécageuse, dans les cendres de ses propres souvenirs, dans les cendres de son propre présent, dans une boucle délirante, dans des images sonores où il ne pourra être ni acteur ni spectateur, dans un cauchemar lumineux, dans un cauchemar ténébreux, dans des territoires interdits aux chiens, aux vivants et aux morts. Sa marche a commencé et maintenant, quoi qu’il arrive, elle n’aura pas de fin.
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Les herbes avaient des couleurs diverses et même chacune avait sa manière à elle de se balancer sous le vent ou de se tordre. Certaines résistaient. D’autres s’avachissaient souplement et attendaient un bon moment, après le souffle, avant de retrouver leur position initiale. Bruit des herbes, de leurs mouvements passifs, de leur résistance.
Le temps s’écoulait.
Le temps mettait du temps à s’écouler, mais il s’écoulait.
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Le chant cristallin des gouttes retombant dans la vasque.
Le goût de l'eau. Un lointain parfum de tourbe, de silice un peu poivrée. Une impression de transparence, d'éternité. L'émotion de pouvoir ressentir cela, de ne pas être mort encore.
Le silence de la forêt.
Le martèlement d'un pic creusant l'écorce avec violence, à quelques centaines de mètres de la fontaine.
Puis, de nouveau, le silence.
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Le vent de nouveau s’approcha des herbes et il les caressa avec une puissance nonchalante, il les courba harmonieusement et il se coucha sur elles en ronflant, puis il les parcourut plusieurs fois, et, quand il en eut terminé avec elles, leurs odeurs se ravivèrent, d’armoises-savoureuses, d’armoises-blanches, d’absinthes.
Le ciel était couvert d’une mince laque de nuages. Juste derrière, le soleil invisible brillait. On ne pouvait lever les yeux sans être ébloui.
(Incipit)
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Solovieï se piquait d'être non seulement révolutionnaire mais poète, et donc il estimait qu'il avait le droit de dire haut et fort ce qui lui passait par la tête. La perspective de devoir écrire des mensonges pour sauver sa peau le mettait en rage. Il sabotait ses autocritiques en y insérant des narrats ésotériques, des considérations sur l'apocalypse et des discours politiquement incorrects sur la sexualité et les rêves. Sur le papier officiel des dépositions, il exposait son espoir que viendrait un temps où chamanes, experts en sorcellerie, mages et disciples de l'oniromancie seraient seuls en charge de la lutte des classes et nomadiseraient librement dans les villes et les campagnes. Les relations de Solovieï avec les autorités s'étaient envenimées.
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Tous les mois, en effet, on nourrissait la pile. On ouvrait le lourd couvercle qui fermait le puits, et on balançait par-dessus la margelle une portion du bric-à-brac qu’on avait délaissé pendant une ou deux saisons, histoire de montrer qu’on n’agissait pas dans l’urgence et qu’on n’était pas impressionné par de misérables radionucléides. Des tables et des chaises, des postes de télévision, des carcasses goudronneuses de vaches et de vachers, des moteurs de tracteur, des institutrices carbonisées, oubliées dans leur salle de classe pendant la période critique, des ordinateurs, des dépouilles phosphorescentes de corbeaux, de taupes, de biches, de loups, d’écureuils, des vêtements apparemment impeccables, mais qu’il suffisait de secouer pour que s’en envole une nuée d’étincelles, des tubes de dentifrice gonflés d’un dentifrice qui bouillottait sans répit, des chiens et des chats albinos, des agglomérats de fer continuant à gronder de leur feu intérieur, des moissonneuses-batteuses neuves qui n’avaient pas eu le temps d’être inaugurées et qui scintillaient à minuit comme si elles paradaient sous le soleil, des fourches, des sarcloirs, des haches, des écorçoirs, des accordéons qui crachaient plus de rayons gamma que de mélodies folkloriques, des planches de sapin qui ressemblaient à des planches d’ébène, des stakhanovistes endimanchés, la main momifiée autour de leur diplôme, oubliés pendant l’évacuation de la salle des fêtes. Les registres de la comptabilité dont les pages tournaient toutes seules jour et nuit. L’argent de la caisse, les pièces de cuivre qui sonnaient et trébuchaient sans que nul ne s’en approche. Voilà le genre de choses qu’on balançait dans le vide.
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- On va vous interpréter un glorificat burlesque, annonça Matthias Boyol.
On ne sait pourquoi, car cela n'avait aucune importance, l'ancien commandant Pedron Dardaf sortit de son apparente torpeur, leva la main comme un gamin interrogeant son institutrice et demanda :
-Dis donc, Boyol, il y a une différence entre un glorificat burlesque et une mélopée tragi-comique, comme que vous nous en avez récité une la semaine dernière ?
Matthias Boyol eut l'air décontenancé pendant quelques secondes, parce qu'il était déjà absorbé par le spectacle qui avait commencé silencieusement en lui, mais il répondit de bonne grâce :
- Non, Pedron Dardaf. C'est exactement la même chose. C'est exactement la même foutaise poétique.
Puis la déclamation musicale commença.
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