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Critique de Arimbo


Arimbo
17 septembre 2021

« J'ai vu des archipels sidéraux, et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur…… »

Le monde des livres est ainsi fait d'archipels sidérants, et d'îles aux trésors, que l'on découvre au détour de nos passages sur Babelio.

Comme ce monde du post-exotisme de Volodine qui m'était totalement inconnu.

Plusieurs belles critiques, enthousiastes et pertinentes de ce livre, et d'autres, de Volodine, par mes « amies » ou « amis » Babeliotes m'ont amené à la lecture de Terminus radieux, ma première rencontre avec cet auteur. Et je crois que ce ne sera pas la dernière.

Encore un texte hors-normes, d'une formidable complexité (j'imagine sans les saisir complètement toutes les références et intertextualités), pessimiste et ironique à la fois, et, une fois passée la première étape qui cherche une narration « ordinaire » et ne trouve pas un fil d'intrigue, et que l'on se laisse porter, c'est magique, vraiment.

Un récit qui bouscule les codes de la narration, la dimension du temps et de l'espace, l'identité des personnages, avec un résultat qui vous laisse ébahi.


Dans cette dystopie, la Deuxième Union Soviétique a été vaincue par une coalition capitaliste, et sa capitale l'Orbise envahie. Trois soldats de l'Orbise, Kronauer, Iliouchenko et Vassilia Marachvili, ont fui dans une zone de steppe inhabitable car irradiée par l'explosion de plusieurs centrales nucléaires. Vassilia est mourante, Kronauer essaie de rejoindre un village dont il a vu la fumée au loin pour trouver de l'aide, Iliouchenko monte dans un train dont les occupants exténués cherchent désespérément à rejoindre un camp, imaginé comme un havre de paix et fraternité.
Le village (ou camp) Terminus radieux que découvre Kronauer n'a rien qui correspond à cet adjectif, hormis le fait qu'une pile nucléaire y « rayonne » , alimentée par une vieille femme de plusieurs centaines d'années, résistante aux radiations, la mémé Ougdoul.
Étrange village, dont le maître est un Solovïeï, une sorte de dictateur
mi-chamane, mi-clone de Staline, qui entre dans les pensées de ses trois filles Tanya Schmidt, Myriam Oumarik, Hannko Vogoulian , et tyrannise ses beaux-fils.
Kronauer est fait prisonnier par Solovieï
La suite ne se raconte pas, elle se vit.
Le lecteur va se demander si les protagonistes sont morts ou vivants, ou dans un état intermédiaire, va voir un Solovieï sous forme d'un corbeau, va assister aux errements fantomatiques du train qui emmène Iliouchenko, etc..Puis, l'espace et le temps deviennent incertains, ainsi que l'apparence des êtres, une multitude d'événements aux contours dont le sens semble nous échapper se produisent.

C'est extraordinaire et magnifiquement écrit.

Que d'images étonnantes, que de réflexions ce récit évoque, et je ne peux toutes les citer: la désolation d'un monde post-apocalyptique, où l'être humain disparaît peu à peu dans l'abime nucléaire, et où la nature reprend ses droits, ce pourrait être tout aussi bien la catastrophe climatique, la nostalgie de l'égalité et de la fraternité du monde post-soviétique (même si l'auteur nous parle de la deuxième Union Soviétique), l'ironie cruelle que représente la recherche désespérée d'un camp qui serait le paradis sur terre (notamment dans le chapitre au titre ironique « éloge des camps »), l'emprise sur les esprits de Solovïeï, un point qui a petite échelle pousse à l'extrême le 1984 d'Orwell, l'énigmatique concert donné devant les occupants du train, le sens du cri du corbeau Solovïeï, la dilatation du temps, l'effort absurde de l'héroïne Hannko Vogoulian a garder par écrit la mémoire des faits passés, que d'énigmes incroyables.

Volodine nous décrit, je trouve, et de façon allégorique, un monde pessimiste et sans espoir de l'après-communisme, un monde dont le sens est perdu.

Enfin, je redis mon admiration pour la structure du récit, de ces 49 chapitres, dont ceux très courts de la dernier partie intitulée Narrats, et pour la langue magnifique.
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