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Citations sur Histoire des Voyages de Scarmentado (10)

J’allai en Hollande, où j’espérais trouver plus de tranquillité chez des peuples plus flegmatiques. On coupait la tête à un vieillard vénérable lorsque j’arrivai à La Haye. C’était la tête chauve du premier ministre Barneveldt, l’homme qui avait le mieux mérité de la république. Touché de pitié, je demandai quel était son crime, et s’il avait trahi l’État. « Il a fait bien pis, me répondit un prédicant à manteau noir ; c’est un homme qui croit que l’on peut se sauver par les bonnes œuvres aussi bien que par la foi. Vous sentez bien que, si de telles opinions s’établissaient, une république ne pourrait subsister, et qu’il faut des lois sévères pour réprimer de si scandaleuses horreurs. » Un profond politique du pays me dit en soupirant : « Hélas ! monsieur, le bon temps ne durera pas toujours ; ce n’est que par hasard que ce peuple est si zélé ; le fond de son caractère est porté au dogme abominable de la tolérance, un jour il y viendra : cela fait frémir. »
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On me montra la place où la bienheureuse reine Marie, fille de Henri VIII, avait fait brûler plus de cinq cents de ses sujets. Un prêtre ibernois m’assura que c’était une très-bonne action : premièrement, parce que ceux qu’on avait brûlés étaient Anglais ; en second lieu, parce qu’ils ne prenaient jamais d’eau bénite.
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Je vis au bout d’une allée d’orangers et de citronniers une espèce de lice immense entourée de gradins couverts d’étoffes précieuses. Le roi, la reine, les infants, les infantes, étaient sous un dais superbe. Vis-à-vis de cette auguste famille était un autre trône, mais plus élevé. Je dis à un de mes compagnons de voyage : « À moins que ce trône ne soit réservé pour Dieu, je ne vois pas à quoi il peut servir. » Ces indiscrètes paroles furent entendues d’un grave Espagnol, et me coûtèrent cher. Cependant je m’imaginais que nous allions voir quelque carrousel ou quelque fête de taureaux, lorsque le grand inquisiteur parut sur ce trône, d’où il bénit le roi et le peuple.
Ensuite vint une armée de moines défilant deux à deux, blancs, noirs, gris, chaussés, déchaussés, avec barbe, sans barbe, avec capuchon pointu, et sans capuchon ; puis marchait le bourreau ; puis on voyait au milieu des alguazils et des grands environ quarante personnes couvertes de sacs sur lesquels on avait peint des diables et des flammes. C’étaient des juifs qui n’avaient pas voulu renoncer absolument à Moïse, c’étaient des chrétiens qui avaient épousé leurs commères, ou qui n’avaient pas adoré Notre-Dame d’Atocha, ou qui n’avaient pas voulu se défaire de leur argent comptant en faveur des frères hiéronymites. On chanta dévotement de très belles prières, après quoi on brûla à petit feu tous les coupables ; de quoi toute la famille royale parut extrêmement édifiée.
Le soir, dans le temps que j’allais me mettre au lit, arrivèrent chez moi deux familiers de l’Inquisition avec la sainte Hermandad : ils m’embrassèrent tendrement, et me menèrent, sans me dire un seul mot, dans un cachot très-frais, meublé d’un lit de natte et d’un beau crucifix. Je restai là six semaines, au bout desquelles le révérend père inquisiteur m’envoya prier de venir lui parler : il me serra quelque temps entre ses bras, avec une affection toute paternelle ; il me dit qu’il était sincèrement affligé d’avoir appris que je fusse si mal logé ; mais que tous les appartements de la maison étaient remplis, et qu’une autre fois il espérait que je serais plus à mon aise. Ensuite il me demanda cordialement si je ne savais pas pourquoi j’étais là. Je dis au révérend père que c’était apparemment pour mes péchés. « Eh bien, mon cher enfant, pour quel péché ? parlez-moi avec confiance. » J’eus beau imaginer, je ne devinai point ; il me mit charitablement sur les voies.
Enfin je me souvins de mes indiscrètes paroles. J’en fus quitte pour la discipline et une amende de trente mille réales. On me mena faire la révérence au grand inquisiteur : c’était un homme poli, qui me demanda comment j’avais trouvé sa petite fête. Je lui dis que cela était délicieux, et j’allai presser mes compagnons de voyage de quitter ce pays, tout beau qu’il est.
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« Ces Turcs, dis-je à mes compagnons, sont des mécréants qui n’ont point été baptisés, et qui par conséquent seront bien plus cruels que les révérends pères inquisiteurs. Gardons le silence quand nous serons chez les mahométans. »
J’allai donc chez eux. Je fus étrangement surpris de voir en Turquie beaucoup plus d’églises chrétiennes qu’il n’y en avait dans Candie. J’y vis jusqu’à des troupes nombreuses de moines qu’on laissait prier la vierge Marie librement, et maudire Mahomet, ceux-ci en grec, ceux-là en latin, quelques autres en arménien. « Les bonnes gens que les Turcs ! » m’écriai-je. Les chrétiens grecs et le chrétiens latins étaient ennemis mortels dans Constantinople ; ces esclaves se persécutaient les uns les autres, comme des chiens qui se mordent dans la rue, et à qui leurs maîtres donnent des coups de bâtons pour les séparer.
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Le matin l’iman vint pour me circoncire ; et, comme je fis quelque difficulté, le cadi du quartier, homme loyal, me proposa de m’empaler : je sauvai mon prépuce et mon derrière avec mille sequins, et je m’enfuis vite en Perse.
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Cet Etat [NB : la France] était continuellement en proie aux guerres civiles, quelque fois pour une place au conseil, quelque fois pour deux pages de controverses. Il y avait plus de soixante ans que ce feu, tantôt couvert et tantôt soufflé avec violence, désolait ces beaux climats. C'était là les libertés de l'église Gallicane. «Hélas ! dis-je, ce peuple est pourtant né doux : qui peut l'avoir tiré ainsi de son caractère ? Il plaisante, et il fait des Saint-Barthélémy. Heureux le temps où il ne fera que plaisanter !»
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On disait, mais très-faussement, que la signora Olimpia, personne d’une grande prudence, vendait beaucoup de choses qu’on ne doit point vendre. J’étais dans un âge où tout cela me paraissait fort plaisant.
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Je voyageai en France. [...] Cet Etat était continuellement en proie aux guerres civiles, pour une place au conseil, quelquefois pour deux pages de controverse. Il y avait plus de soixante ans que ce feu, tantôt couvert et tantôt soufflé avec violence, désolait ces beaux climats. C'étaient là les libertés de l'église Gallicane. "Hélas ! dis-je, ce peuple est pourtant né doux : qui peut l'avoir tiré ainsi de son caractère ? Il plaisante, et il fait des Saint-Barthélemy. Heureux le temps où il ne fera que plaisanter !"
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Je naquis dans la ville de Candie, en 1600. Mon père en était gouverneur ;
et je me souviens qu’un poète médiocre, qui n’était pas médiocrement dur,
nommé Iro, fit de mauvais vers à ma louange, dans lesquels il me faisait
descendre de Minos en droite ligne ; mais, mon père ayant été disgracié, il
fit d’autres vers où je ne descendais plus que de Pasiphaé et de son amant.
C’était un bien méchant homme que cet Iro, et le plus ennuyeux coquin qui
fût dans l’île.
Mon père m’envoya à l’âge de quinze ans étudier à Rome. J’arrivai
dans l’espérance d’apprendre toutes les vérités : car jusque-là on m’avait
enseigné tout le contraire, selon l’usage de ce bas monde depuis la Chine
jusqu’aux Alpes. Monsignor Profondo, à qui j’étais recommandé, était un
homme singulier et un des plus terribles savants qu’il y eût au monde. Il
voulut m’apprendre les catégories d’Aristote, et fut sur le point de me mettre
dans la catégorie de ses mignons : je l’échappai belle. Je vis des processions,
des exorcismes et quelques rapines. On disait, mais très faussement, que
la signora Olimpia, personne d’une grande prudence, vendait beaucoup de
choses qu’on ne doit point vendre. J’étais dans un âge où tout cela me
paraissait fort plaisant. Une jeune dame de mœurs très douces, nommée la
signora Fatelo, s’avisa de m’aimer. Elle était courtisée par le révérend père
Poignardini et par le révérend père Aconiti, jeunes profès d’un ordre qui ne
subsiste plus : elle les mit d’accord en me donnant ses bonnes grâces ; mais
en même temps je courus risque d’être excommunié et empoisonné. Je partis
très content de l’architecture de Saint-Pierre.
Je voyageai en France ; c’était le temps du règne de Louis le Juste. La
première chose qu’on me demanda, ce fut si je voulais à mon déjeuner un
petit morceau du maréchal d’Ancre, dont le peuple avait fait rôtir la chair,
et qu’on distribuait à fort bon compte à ceux qui en voulaient.
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On n'avait rien à répliquer à un discours si sage. J'allais labourer le champ d'une vieille négresse, pour conserver mes oreille et mon nez. On me racheta au bout d'un an. J'avais vu tout ce qu'il y a de beau, de bon et d’admirable sur la terre : je résolus de ne plus voir que mes pénates. Je me mariais chez moi : je fus cocus, et je vis que c'était l'état le plus doux de la vie.
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