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EAN : 9782896156276
524 pages
Editions Alire (09/04/2011)
4/5   272 notes
Résumé :
La stupidité des hommes a jadis ruiné la planète Terre. La sensibilité des femmes permettra-t-elle de la réparer, ou plutôt de la laisser se réparer ? C'est la question que se pose Lisbeï au cours d'une longue vie aventureuse qui va la mener du Pays des Mères, où les sexes vivent séparés, vers un avenir encore incertain où ils parviendront peut-être à se retrouver.
Ce beau roman, qui a reçu plusieurs prix (dont, pour sa traduction américaine, le prix spécial... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (69) Voir plus Ajouter une critique
4

sur 272 notes
Un quasi coup de coeur ! Certes ce n'est pas une lecture fluide, c'est complexe, touffu, le lecteur a souvent l'impression qu'il ne se passe pas grand-chose, alors qu'en fait Lisbeï a grandi, évolué, et que la société qui l'entoure évolue, elle aussi.
Ce roman traite de thèmes intellectuellement très riches et soulève bien des questions. L'écriture utilise une féminisation de pas mal de mots (souvent en créant un nouveau mot comme la printane pour le printemps) et surtout grammaticalement le féminin l'emporte sur le masculin. D'habitude je n'aime pas trop ça, mais là c'est totalement justifié par l'histoire elle-même, car cette langue reflète les évolutions sociétales, et en plus, cela n'a guère gêné ma lecture. On suit Lisbeï depuis ses cinq ans et on découvre le fonctionnement de la société qui l'entoure, en même temps qu'elle, par ses yeux. Comme une sorte de roman d'apprentissage, mais avec des extraits de notes ou des lettres d'autres personnages qui apportent au lecteur d'autres points de vue, parfois en lui donnant une clé, parfois en l'emmenant à se poser de nouvelles questions. Il y a beaucoup de non-dits, beaucoup de questions trouvent réponse, mais pas toutes. le lecteur est comme Lisbeï, il cherche à comprendre mieux le pourquoi des traditions.
C'est un univers extrêmement riche et complexe, post-apocalyptique. Dans un passé lointain, il y a eu le Déclin, l'humanité a quasiment disparu et depuis il naît beaucoup plus de femmes que d'hommes. Qui plus est, une sorte de maladie infantile sévit. On découvre très vite qu'après le Déclin, la société a connu une période de patriarcat dur, le Harem, auquel a succédé une période de matriarcat tout aussi strict, les Ruches. Ensuite, une nouvelle religion est apparue et a donné naissance au pays des mères, encore un matriarcat, mais bien plus pacifié. Reste que les hommes sont réduits à des objets, ainsi que les femmes, quoi que socialement mieux valorisées, pendant leur période de reproduction. Tout cela interpelle Lisbeï et d'autres personnages.
A côté de la question des genres, c'est aussi, voire surtout, un roman sur le rapport au poids et à la vision de l'Histoire. Lisbeï s'interroge, cherche à percer les mystères de sa civilisation, à repousser les règles de la tradition et à connaître et révéler les vérités historiques. Elle veut comprendre sur quoi repose son univers, elle a soif de découvertes.
C'est d'autant plus riche et complexe que le Pays des Mères est constitué de régions très différentes avec de notables variantes de fonctionnement et une grande diversité des cultures.
C'est un roman-univers, sans l'ombre de manichéisme. Je sais déjà que je le relirai : il fait partie de ces romans qu'il faut lire et relire pour en apprécier les détails, les subtilités et les non-dits.
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En 1992, la française Élisabeth Vonarburg publie un énorme ouvrage rapidement récompensé par une multitude de prix, dont le prix spécial du Philip K. Dick Award et le prix Boréal.
Acclamé par Ursula K. le Guin en personne (excusez du peu !), Chroniques du Pays des Mères acquiert rapidement le statut d'oeuvre culte et devient l'un des univers de science-fiction les plus appréciés de tous les temps.
Près de 27 ans plus tard, les éditions Mnémos rééditent ce monument accompagné d'une préface de Jeanne A. Debats.
Une occasion en or pour les lecteurs de (re)découvrir ce chef d'oeuvre intemporel à l'intelligence acérée.

Au temps des Capteries
Bien des siècles après la fin de notre civilisation moderne, après ce que l'on considère comme le Déclin (une ère de bouleversements climatiques majeurs), une nouvelle société s'est installée sur les ruines des échecs passés.
Dans un monde où la fertilité des femmes ne permet que rarement de mettre au monde des garçons, les hommes sont devenus une rareté…et les femmes gouvernent les Capteries du Pays des Mères, un ensemble de Citadelles-États réunies en fédération et régit par des Assemblées.
C'est dans l'une de ces Capteries, celle de Béthély, que naît Lisbeï, une petite fille parmi tant d'autres qui vit dans la Garderie, un endroit protégé où les mosta (les « non-personnes ») doivent faire leurs premiers pas et leurs premières armes loin du regard des autres.
Car dans ce monde dévasté, une étrange Maladie peut brutalement emporter les jeunes enfants. Ce n'est qu'après sept années de vie ou après avoir survécu à ladite maladie que la mosta devient une dotta (une jeune fille) avant d'intégrer pour de vrai une société divisée en castes de couleurs : les Vertes n'ont pas encore eu leurs règles, les Rouges sont en âge de procréer et doivent être régulièrement inséminées artificiellement pour perpétuer les Lignées, et les Bleues, celles qui sont incapables d'avoir des enfants du fait de leur âge ou d'une stérilité précoce.
Au Pays des Mères, les hommes n'ont pas les mêmes droits que les femmes. On les utilise pour inséminer les Rouges et quelques élus ont le droit de féconder directement la Mère (celle qui dirige la Capterie) après la Célébration, un étrange rite hérité des enseignements de Garde, sorte de Jésus féminin qui a également donnée le culte d'Elli à ses soeurs.
Lisbeï, alors qu'elle est encore très petite, comprend qu'elle n'est pas comme les autres, qu'elle voit plus loin et ressent les choses avec plus de force. Sortie de la Garderie, elle rencontre sa Mère, Selva, Capte de Béthély. Elle apprend qu'elle est la prochaine Mère de Béthély et que sa demi-soeur, Tula, encore dans la Garderie, sera sa Mémoire, celle qui se souvient de l'Histoire.
Mais les choses ne vont pas vraiment se passer ainsi…

Une société au féminin
Divisé en cinq parties, cet énorme pavé rassemble la vie et l'oeuvre de Lisbeï, petite fille promise à un destin extraordinaire dans une société tout bonnement fascinante où Élisabeth Vonarburg imagine un pouvoir matriarcal absolu…mais pas sanglant. On apprend rapidement que le Pays des Mères n'est pas la première restructuration sociale apparue depuis le Déclin et que le monde a d'abord connu l'essor des Harems, société dictatoriale où les hommes survivants étaient devenus de terribles dictateurs avant d'être réduits eux-mêmes en esclavage par les femmes des Ruches, une variante féministe extrême caractérisée par sa violence et son hermétisme. Grâce aux enseignements de Garde, une prophétesse new-age, et à ses Compagnes, les Ruches sont tombées pour devenir ce Pays des Mères. Si l'on pourrait voir dans cette création littéraire une utopie féministe, Élisabeth Vonarburg nous détrompe rapidement et fait preuve d'une subtilité bien plus sidérante dans son approche. le Pays des Mères explique la nécessaire évolution vers la stabilité d'un système matriarcal qui peut facilement tombé dans les mêmes travers de violence que celui des hommes. Mais ce système, pour aussi pacifique qu'il semble être, n'est pas parfait et Lisbeï en fera plusieurs fois l'expérience dans son épopée. La place des hommes fait ici écho à celle des femmes dans notre société et explique un point fondamental pour la réussite du roman : le féminisme n'est pas un nouvel extrémisme qui doit juste inverser les injustices mais un mouvement pour l'égalité entre les sexes. On notera d'ailleurs que les plus orthodoxes des Croyantes, les Juddites, sont toujours vues d'un mauvais oeil tout du long de l'aventure et représentent de façon assez fabuleuse les travers d'une tradition matriarcale aveugle et, forcément, délétère.

De Mères en mères
Curieusement, au Pays des Mères, le lecteur découvre que les femmes n'ont pas totalement réussi à se débarrasser d'un vieux schéma masculin : celui de leur représentation en temps que reproductrices. Nourries par la crainte de la disparition de l'espèce et sans cesse préoccupées par un pool génétique trop étroit pour permettre à n'importe qui de se reproduire avec le premier venu, les Capteries ont instauré un système de Lignées pensé pour éviter la survenue d'aberrations génétiques condamnées aux Mauterres ou à la mort.
La principale caractéristique de cette hiérarchie induit une division des femmes entre celles qui sont en âge et en capacité de se reproduire. de même, il s'avère rapidement évident que le fait de ne pas pouvoir avoir d'enfant n'est pas une malédiction si terrible et que l'insémination à répétition devient une forme de terreur silencieuse qui condamne les femmes à avoir des enfants, programmées comme elles le sont dès leur plus jeune âge pour devenir des mères. Dans Chroniques du Pays des Mères, le lecteur trouve une réflexion fascinante sur cette obligation naturelle et sociale qui enferme les femmes dans des cases et qui, souvent, détruit des vies ou des aspirations. de façon méticuleuse, Lisbeï nous rend compte de cet énorme boulet qui va de pair ici avec le tabou amoureux : la reproduction oui, l'amour, non, surtout pas avec un homme. La liberté sexuelle prend dès lors un tout nouveau sens et les femmes du Pays des Mères deviennent autant de moteurs de réflexion pour le lecteur sur la condition féminine actuelle et la pression sociale qui pousse à avoir un enfant. Bien sûr, cela ne veut pas dire que le livre est contre l'enfantement mais, comme pour tout, chacune devrait avoir le choix.
Autre élément génial, la langue imaginée par Vonarburg s'est féminisée pour refléter une société majoritairement féminine. Et non seulement le féminin l'emporte mais, en plus, les lieux et adjectifs du passé ont lentement glissé dans leur orthographe pour refléter l'évolution inexorable de la langue. le monde est donc bien mouvement.

Gnothi seauton
Autre axe de réflexion de ce monstrueux roman-univers, la place de l'Histoire, des histoires et de la tradition. À côté du voyage initiatique de Lisbeï à travers le Pays des Mères, Élisabeth Vonarburg se penche sur l'importance de notre Histoire et la pérennité des contes et légendes d'où le vrai peut toujours surgir quand on s'y attend le moins. Comprendre sur quoi nous sommes en train de nous tenir à l'heure actuelle, voilà une chose fondamentale, savoir qui nous sommes pour savoir où aller. Ce n'est pas un hasard si Lisbeï deviendra exploratrice et avant-gardiste, c'est aussi par besoin de découvrir encore et encore mais surtout de remettre en question les évidences, d'aller voir derrière le rideau de nos enseignements pour mettre en doute et déterrer de nouvelles choses. Ce personnage inoubliable qu'est Lisbeï ne se caractérise pas seulement par sa profonde humanité mais aussi, et surtout, par son refus d'accepter ce qu'on lui sert, sa volonté constante de découvrir d'autres horizons et d'apprendre insatiablement. Véritable déclaration d'amour au savoir, à la recherche, à l'enseignement, à l'exploration, Chroniques du Pays des Mères nous offre des horizons aussi multiples que passionnants, où l'on découvre les différentes Capteries et les différents modes de vies, sans jugement mais avec un esprit critique constant pour nous permettre de remonter les choses à l'endroit.

Vertige narratif
Mais ce qui fait la force de ce roman, c'est surtout son univers, incroyablement bien pensé et qui ne laisse pas la place à la catégorisation à l'emporte-pièce, qui triture ses personnages dans tous les sens pour dévoiler contradictions et secrets, amours et peines. L'écriture magnifique d'Élisabeth Vonarburg abolit nos préjugés et offre un voyage émouvant en diable, rythmé par les doutes et les peines de Lisbeï comme par ses joies, établissant la jeune fille comme une héroïne inoubliable. Il faut également dire un mot de la structure, alternant la forme épistolaire et la forme romanesque, qui met en relief l'entreprise de Lisbeï dans sa soif d'apprendre…pour se rendre finalement compte qu'une autre personne nous rapporte tout cela.
Un vertige saisi alors le lecteur lorsqu'il regarde en fin d'ouvrage la Tapisserie finement ouvragée par l'autrice, une malicieuse écrivaine capable de nous raconter l'histoire d'une femme à la recherche d'une légende et qui devient elle-même une légende…avant de nous être rapporté pendant ces centaines de pages d'une intelligence époustouflante. Chroniques du Pays des Mères n'est pas seulement exceptionnel par ses personnages ou par son univers mais aussi, et surtout, par le raffinement de l'ensemble et sa structure, beaucoup plus importante et plus forte qu'on ne l'aurait cru de prime abord.

Chroniques du Pays des Mères plonge dans une société matriarcale perfectible où l'extrémisme n'a pas sa place quelque soit votre genre ou vos croyances. Roman-univers unique emportée par une héroïne intemporelle, le roman d'Élisabeth Vonarburg mérite amplement sa place de chef d'oeuvre.
Un livre inoubliable pour une histoire inoubliable.
Lien : https://justaword.fr/chroniq..
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Un "autre" monde advenu après le Déclin, vers 2120, au lendemain d'une catastrophe écologique ou du moins l'exploitation non réfléchie de la terre.
Un monde ultra féminisé. Les femmes sont bien plus nombreuses que les hommes : tout se lit, se dit au féminin comme une dominance, un besoin de nier la part masculine des vies.
Un monde qui semble avoir trouvé une paix relative au lendemain d'affrontements de pouvoirs.

Lisbeï va être notre guide dans cette société. de l'"enfante" qu'elle est jusqu'à la jeune femme, c'est par ses yeux et ses réactions, en tout cas en suivant ses pas et son esprit que nous allons découvrir Béthély, terre où elle vit et plus tard les autres régions-provinces qui finalement ont toutes une façon personnelle de vivre et ont leurs propres règles qui régissent la vie au sein du groupe.

Lisbeï, née pour devenir La Capte (celle qui prend les décisions pour tous) et éduquée à cette fin et qui devra fuir Béthély, au moment où il sera évident qu'elle ne peut porter d'enfant, période où elle découvre également des documents qui peuvent remettre en cause le dogme religieux sur lequel repose l'évolution des sociétés précédentes pour arriver à celle qui est la sienne...


C'est un récit lent, qui détaille la vie de Lisbeï, son mode d'éducation, ce qui est attendu de sa personne, quel sera son rôle et donc toute l'histoire de la société dans laquelle elle évolue Puis vient l'éloignement, la recherche pour essayer de trouver une "vérité" face aux documents qui viennent contredire une croyance jusque là inébranlable.

Ce qui est frappant à Béthély, par rapport aux autres provinces, c'est le peu de sentiments qui sont échangés : les enfants sont conçus sans amour, sont élevés en pouponnière, les mères sont absentes, les pères n'existent pour ainsi dire pas, on ne s'attache pas aux enfants parce qu'ils peuvent mourir très vite et le chagrin ne doit pas être.
Il faut toujours enfanter pour que la lignée perdure...
Et finalement, ce manque d'affection, j'ai eu l'impression qu'il contaminait tout le récit et toute la vie de Lisbeï. Elle éprouve, petite fille, une affection immense pour sa demi-soeur mais en sera éloignée et finalement, toute sa vie durant, elle n'aime que très peu et ne s'aperçoit pas qu'on peut l'aimer, l'apprécier... C'est terrifiant.
Aussi quand la remise en cause du dogme vient ébranler les croyances de chacune, il n'est pas très étonnant de voir le déni de la majorité : tout est si fragile et si peu étayé de valeurs humaines pour ne pas parler d'humanisme. Tout comme, l'exploration envisagée de terres encore jamais visitées ne provoque aucun enthousiasme : pourquoi aller vers d'autres peuples, d'autres Cultures ? Pourquoi tendre une main, espérer une rencontre alors que la société reste finalement source d'égoïsme. Même celles qui vivent en couple ne semblent pas conjuguer les mot "amour" au quotidien et dans le temps.

Un livre assez déstabilisant qui m'a mise mal à l'aise. Une lecture parfois laborieuse et quelques touches surprenantes comme la référence au "Petit Prince" de Saint-Exupéry, la mythe de Pénélope, l'évocation d'Ys, la cité engloutie et la description d'une religion qui reprend, au féminin, les grands traits du Christianisme…

Je m'attendais davantage à un récit sur la question d'un avenir face à un non respect de ce que nous possédons, ressources, nature et plus imaginatif…

J'aurais souhaité être plus enthousiaste pour terminer…


Mais je remercie Babélio et les éditions Folio qui m'ont permis de lire cette écrivaine !
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Ce roman de science-fiction, féministe et humaniste, est incroyablement dense et captivant.

Longtemps après une catastrophe écologique majeure qui a décimé la population de la Terre, en particulier les hommes, peu nombreux désormais à naître, et après plusieurs périodes troublées, l'humanité, dotée d'une technologie primitive, s'est répartie en provinces. Elle est fragilisée par sa division entre de nombreux courants spirituels et idéologiques et par sa hantise de la disparition de l'espèce humaine, tant la mortalité infantile, causée par la Maladie, est importante.

Ce Pays des Mères est un monde matriarcal organisé, cohérent, avec son histoire, sa géographie, ses langues, sa religion et ses lois, qui rappelle plusieurs dystopies romanesques :
La procréation sans acte sexuel fait songer au « Meilleur des mondes », ainsi que l'eugénisme balbutiant (tenter d'optimiser les enfants à naître en alliant des Lignées compatibles).
L'inventivité langagière, à « 1984 ». Non seulement le travail sur la langue, mais encore les liens entre langage et pouvoir (pouvoir de compréhension du monde et pouvoir sur les autres).
La répartition des femmes selon leur fertilité, en vêtements de couleurs différentes (vert avant, rouge pendant la période de fertilité, et bleu après celle-ci ou plus tôt si on s'avère stérile), et l'obligation de procréer si on est fertile, à « La Servante écarlate ».
Ce roman est pourtant loin d'être une dystopie. La paix règne et un certain progressisme gagne du terrain chez ces humaines, même si la vie quotidienne est contraignante, en raison du passé troublé et assez mal connu, de zones encore polluées inhabitables, de la technologie pré-industrielle et de cette quasi-obligation de procréer. Certains métiers donnent cependant plus de liberté, pérégrine, exploratrice. L'état de Bleu(e) également, qui vous met en retrait de la procréation.

Le corps de ce roman est entrecoupé par une dizaine de lettres entre différents personnages et, surtout, par le journal intime de Lisbeï, l'héroïne, que l'on suit de sa petite enfance jusqu'à son décès. Lisbeï, dès son plus jeune âge, désire par dessus tout comprendre le monde. Elle est la première-vivante (la fille aînée) de la Mère de Béthély, une des cités de la province de Litale, au sud du Pays des Mères. Elle doit lui succéder, mais s'avère stérile, c'est donc impossible et elle passera directement du statut de Verte à celui de Bleue, cédant la place de Mère à sa soeur cadette Tula. Elle va suivre un chemin original, à la recherche des traces du passé, et contribuera à l'évolution mentale et sociale de ses contemporains.

Les points qui me paraissent importants :
- le travail sur la langue ; et quelle chance de pouvoir lire ce roman en version originale, sans être tributaire de la justesse d'une traduction ! Seul le genre féminin existe désormais, sauf dans les langues archaïsantes, comme le vieux « frangleï » et cela crée un nouveau système grammatical -symbolique d'un système de valeurs différent. le neutre (qui est masculin en français) est féminin au Pays des Mères ; ainsi, on dit « quelqu'une », et le pronom impersonnel « il » est même remplacé par « Elli », le nom de la divinité, ce qui donne « Elli pleut », « Elli fait beau ».
D'autre part, sur le plan du vocabulaire, la créativité de l'auteure est tout simplement extraordinaire, puisque, en plus d'une grammaire différente, elle a formé tout un corpus de mots, à partir de racines latines le plus souvent, parfois par approximation phonétique aussi, qui se comprennent aisément sans qu'un lexique soit nécessaire. C'est ainsi pour les animaux, « les pescas, les pidges voyageuses, les buffales... » ; les lieux, « la schole » ; le découpage du temps, avec les mois de « marsie, avrilie, maïa, junie, julie, oste... » et les saisons de « la printane » ou de « l'hiverne » ; la géographie, avec la « mer Tiranée », les quatre provinces de « Litale, Baltike, Brétanye et Escarra » ; les langues de « litali ou frangleï », etc

- la thématique des relations humaines, de l'intimité, de la place de chacun dans la société.
Les questions, les relations sincères et sans faux-semblants, les remises en question, font peur à la plupart des habitantes du Pays des Mères. « Trop de silence », comme le dit une des protagonistes du roman. L'amour n'existe qu'entre femmes et n'est pas essentiel dans la vie des unes et des autres, pas plus que la sexualité. Les hommes sont légèrement inférieurs aux femmes, restent principalement cantonnés à la procréation par insémination, pendant leurs années de fertilité, et ne peuvent prétendre à certaines études ou à certains métiers. Les relations entre hommes et femmes sont presque inexistantes ; à ce titre, la conversation entre deux personnages du roman, l'héroïne Lisbeï et un homme, qui ressemble à une déclaration d'amour faite par celui-ci à celle-là, sans nommer ce sentiment, mais en détaillant des émotions et des désirs que NOUS relions forcément au sentiment amoureux, est un morceau d'anthologie

- plus largement, une réflexion sur la société et son expansion, la politique, la recherche scientifique et technologique, l'archéologie, nous est offerte grâce à ce retournement de perspectives, de point de vue, ce changement diamétral de code. Mais ce roman, loin d'être un simple renversement de la société patriarcale que nous connaissons, est beaucoup plus subtil, car il dépasse la simple confrontation des sexes (qui a eu lieu dans le passé à l'époque des Harems, puis des Ruches) pour proposer d'autres voies et une constante évolution.

L'écriture, tour à tour poétique ou philosophique, est toujours ciselée, telle cette réflexion de Lisbeï, qui découvre une horloge digitale solaire du passé indiquant les secondes : « ...ce minuscule et éternel présent qui filait en emportant sur place la conscience collée à lui, prisonnière d'une course rectiligne au but jamais atteint» ; mais non dénuée d'humour pour autant : « Si elle voulait être fidèle à elle-même , à ce qu'elle croyait, elle devait y aller. Toute seule, par principe, si personne d'autre n'y croyait. Etait-elle prête à devenir un cadavre à principes, cependant ? »

Je comprends que E. Vonarburg ait mis neuf ans à écrire ce roman-univers, savant et ambitieux, définitivement passionnant, y compris pour les lecteurs que la SF rebute -ce qui est mon cas habituellement.











Ce roman de science-fiction, féministe et humaniste, est incroyablement dense et captivant.
Longtemps après une catastrophe écologique majeure qui a décimé la population de la Terre, en particulier les hommes, peu nombreux désormais à naître, et après plusieurs périodes troublées, l'humanité, dotée d'une technologie primitive, s'est répartie en provinces. Elle est fragilisée par sa division entre de nombreux courants spirituels et idéologiques et par sa hantise de la disparition de l'espèce humaine, tant la mortalité infantile, causée par la Maladie, est importante.

Ce Pays des Mères est un monde matriarcal organisé, cohérent, avec son histoire, sa géographie, ses langues, sa religion et ses lois, qui rappelle plusieurs dystopies romanesques :
La procréation sans acte sexuel fait songer au « Meilleur des mondes », ainsi que l'eugénisme balbutiant (tenter d'optimiser les enfants à naître en alliant des Lignées compatibles).
L'inventivité langagière, à « 1984 ». Non seulement le travail sur la langue, mais encore les liens entre langage et pouvoir (pouvoir de compréhension du monde et pouvoir sur les autres).
La répartition des femmes selon leur fertilité, en vêtements de couleurs différentes (vert avant, rouge pendant la période de fertilité, et bleu après celle-ci ou plus tôt si on s'avère stérile), et l'obligation de procréer si on est fertile, à « La Servante écarlate ».
Ce roman est pourtant loin d'être une dystopie. La paix règne et un certain progressisme gagne du terrain chez ces humaines, même si la vie quotidienne est contraignante, en raison du passé troublé et assez mal connu, de zones encore polluées inhabitables, de la technologie pré-industrielle et de cette quasi-obligation de procréer. Certains métiers donnent plus de liberté, pérégrine, exploratrice. L'état de Bleu(e) également, qui vous met en retrait de la procréation.

Le corps de ce roman est entrecoupé par une dizaine de lettres entre différents personnages et, surtout, par le journal intime de Lisbeï, l'héroïne, que l'on suit de sa petite enfance jusqu'à son décès. Lisbeï, dès son plus jeune âge, désire par dessus tout comprendre le monde. Elle est la première-vivante (la fille aînée) de la Mère de Béthély, une des cités de la province de Litale, au sud du Pays des Mères. Elle doit lui succéder, mais s'avère stérile, c'est donc impossible et elle passera directement du statut de Verte à celui de Bleue, cédant la place de Mère à sa soeur cadette Tula. Elle va suivre un chemin original, à la recherche des traces du passé, et contribuera à l'évolution mentale et sociale de ses contemporains.

Les points qui me paraissent importants :
- le travail sur la langue ; et quelle chance de pouvoir lire ce roman en version originale, sans être tributaire de la justesse d'une traduction ! Seul le genre féminin existe désormais, sauf dans les langues archaïsantes, comme le vieux « frangleï » et cela crée un nouveau système grammatical -symbolique d'un système de valeurs différent. le neutre (qui est masculin en français) est féminin au Pays des Mères ; ainsi, on dit « quelqu'une », et le pronom impersonnel « il » est même remplacé par « Elli », le nom de la divinité, ce qui donne « Elli pleut », « Elli fait beau ». D'autre part, sur le plan du vocabulaire, la créativité de l'auteure est tout simplement extraordinaire, puisque, en plus d'une grammaire différente, elle a formé tout un corpus de mots, à partir de racines latines le plus souvent, parfois par approximation phonétique aussi, qui se comprennent aisément sans qu'un lexique soit nécessaire. C'est ainsi pour les animaux, « les pescas, les pidges voyageuses, les buffales... » ; les lieux, « la schole » ; le découpage du temps, avec les mois de « marsie, avrilie, maïa, junie, julie, oste... » et les saisons de « la printane » ou de « l'hiverne » ; la géographie, avec la « mer Tiranée », les quatre provinces de « Litale, Baltike, Brétanye et Escarra » ; les langues de « litali ou frangleï », etc
- la thématique des relations humaines, de l'intimité, de la place de chacun dans la société
Les questions, les relations sincères et sans faux-semblants, les remises en question, font peur à la plupart des habitantes du Pays des Mères. « Trop de silence », comme le dit une des protagonistes du roman. L'amour n'existe qu'entre femmes et n'est pas essentiel dans la vie des unes et des autres, pas plus que la sexualité. Les hommes sont légèrement inférieurs aux femmes, restent principalement cantonnés à la procréation par insémination, pendant leurs années de fertilité, et ne peuvent prétendre à certaines études ou à certains métiers. Les relations entre hommes et femmes sont presque inexistantes ; à ce titre, la conversation entre deux personnages du roman, l'héroïne Lisbeï et un homme, qui ressemble à une déclaration d'amour faite par celui-ci à celle-là, sans nommer ce sentiment, mais en détaillant des émotions et des désirs que NOUS relions forcément au sentiment amoureux, est un morceau d'anthologie
- plus largement, une réflexion sur la société et son expansion, la politique, la recherche scientifique et technologique, l'archéologie, nous est offerte grâce à ce renversement de perspective, de point de vue, ce changement diamétral de code. Mais ce roman, loin d'être un simple renversement de la société patriarcale que nous connaissons, est beaucoup plus subtil, car il dépasse la simple confrontation des sexes (qui a eu lieu dans le passé à l'époque des Harems, puis des Ruches) pour proposer d'autres voies et une constante évolution.

L'écriture, tour à tour poétique ou philosophique, est toujours ciselée, telle cette réflexion de Lisbeï, qui découvre une horloge digitale solaire du passé indiquant les secondes : « ...ce minuscule et éternel présent qui filait en emportant sur place la conscience collée à lui, prisonnière d'une course rectiligne au but jamais atteint» ; et non dénuée d'humour pour autant : « Si elle voulait être fidèle à elle-même , à ce qu'elle croyait, elle devait y aller. Toute seule, par principe, si personne d'autre n'y croyait. Etait-elle prête à devenir un cadavre à principes, cependant ? »









Ce roman de science-fiction, féministe et humaniste, est incroyablement dense et captivant.
Longtemps après une catastrophe écologique majeure qui a décimé la population de la Terre, en particulier les hommes, peu nombreux désormais à naître, et après plusieurs périodes troublées, l'humanité, dotée d'une technologie primitive, s'est répartie en provinces. Elle est fragilisée par sa division entre de nombreux courants spirituels et idéologiques et par sa hantise de la disparition de l'espèce humaine, tant la mortalité infantile, causée par la Maladie, est importante.

Ce Pays des Mères est un monde matriarcal organisé, cohérent, avec son histoire, sa géographie, ses langues, sa religion et ses lois, qui rappelle plusieurs dystopies romanesques :
La procréation sans acte sexuel fait songer au « Meilleur des mondes », ainsi que l'eugénisme balbutiant (tenter d'optimiser les enfants à naître en alliant des Lignées compatibles).
L'inventivité langagière, à « 1984 ». Non seulement le travail sur la langue, mais encore les liens entre langage et pouvoir (pouvoir de compréhension du monde et pouvoir sur les autres).
La répartition des femmes selon leur fertilité, en vêtements de couleurs différentes (vert avant, rouge pendant la période de fertilité, et bleu après celle-ci ou plus tôt si on s'avère stérile), et l'obligation de procréer si on est fertile, à « La Servante écarlate ».
Ce roman est pourtant loin d'être une dystopie. La paix règne et un certain progressisme gagne du terrain chez ces humaines, même si la vie quotidienne est contraignante, en raison du passé troublé et assez mal connu, de zones encore polluées inhabitables, de la technologie pré-industrielle et de cette quasi-obligation de procréer. Certains métiers donnent plus de liberté, pérégrine, exploratrice. L'état de Bleu(e) également, qui vous met en retrait de la procréation.

Le corps de ce roman est entrecoupé par une dizaine de lettres entre différents personnages et, surtout, par le journal intime de Lisbeï, l'héroïne, que l'on suit de sa petite enfance jusqu'à son décès. Lisbeï, dès son plus jeune âge, désire par dessus tout comprendre le monde. Elle est la première-vivante (la fille aînée) de la Mère de Béthély, une des cités de la province de Litale, au sud du Pays des Mères. Elle doit lui succéder, mais s'avère stérile, c'est donc impossible et elle passera directement du statut de Verte à celui de Bleue, cédant la place de Mère à sa soeur cadette Tula. Elle va suivre un chemin original, à la recherche des traces du passé, et contribuera à l'évolution mentale et sociale de ses contemporains.

Les points qui me paraissent importants :
- le travail sur la langue ; et quelle chance de pouvoir lire ce roman en version originale, sans être tributaire de la justesse d'une traduction ! Seul le genre féminin existe désormais, sauf dans les langues archaïsantes, comme le vieux « frangleï » et cela crée un nouveau système grammatical -symbolique d'un système de valeurs différent. le neutre (qui est masculin en français) est féminin au Pays des Mères ; ainsi, on dit « quelqu'une », et le pronom impersonnel « il » est même remplacé par « Elli », le nom de la divinité, ce qui donne « Elli pleut », « Elli fait beau ». D'autre part, sur le plan du vocabulaire, la créativité de l'auteure est tout simplement extraordinaire, puisque, en plus d'une grammaire différente, elle a formé tout un corpus de mots, à partir de racines latines le plus souvent, parfois par approximation phonétique aussi, qui se comprennent aisément sans qu'un lexique soit nécessaire. C'est ainsi pour les animaux, « les pescas, les pidges voyageuses, les buffales... » ; les lieux, « la schole » ; le découpage du temps, avec les mois de « marsie, avrilie, maïa, junie, julie, oste... » et les saisons de « la printane » ou de « l'hiverne » ; la géographie, avec la « mer Tiranée », les quatre provinces de « Litale, Baltike, Brétanye et Escarra » ; les langues de « litali ou frangleï », etc
- la thématique des relations humaines, de l'intimité, de la place de chacun dans la société
Les questions, les relations sincères et sans faux-semblants, les remises en question, font peur à la plupart des habitantes du Pays des Mères. « Trop de silence », comme le dit une des protagonistes du roman. L'amour n'existe qu'entre femmes et n'est pas essentiel dans la vie des unes et des autres, pas plus que la sexualité. Les hommes sont légèrement inférieurs aux femmes, restent principalement cantonnés à la procréation par insémination, pendant leurs années de fertilité, et ne peuvent prétendre à certaines études ou à certains métiers. Les relations entre hommes et femmes sont presque inexistantes ; à ce titre, la conversation entre deux personnages du roman, l'héroïne Lisbeï et un homme, qui ressemble à une déclaration d'amour faite par celui-ci à celle-là, sans nommer ce sentiment, mais en détaillant des émotions et des désirs que NOUS relions forcément au sentiment amoureux, est un morceau d'anthologie
- plus largement, une réflexion sur la société et son expansion, la politique, la recherche scientifique et technologique, l'archéologie, nous est offerte grâce à ce renversement de perspective, de point de vue, ce changement diamétral de code. Mais ce roman, loin d'être un simple renversement de la société patriarcale que nous connaissons, est beaucoup plus subtil, car il dépasse la simple confrontation des sexes (qui a eu lieu dans le passé à l'époque des Harems, puis des Ruches) pour proposer d'autres voies et une constante évolution.

L'écriture, tour à tour poétique ou philosophique, est toujours ciselée, telle cette réflexion de Lisbeï, qui découvre une horloge digitale solaire du passé indiquant les secondes : « ...ce minuscule et éternel présent qui filait en emportant sur place la conscience collée à lui, prisonnière d'une course rectiligne au but jamais atteint» ; et non dénuée d'humour pour autant : « Si elle voulait être fidèle à elle-même , à ce qu'elle croyait, elle devait y aller. Toute seule, par principe, si personne d'autre n'y croyait. Etait-elle prête à devenir un cadavre à principes, cependant ? »









Ce roman de science-fiction, féministe et humaniste, est incroyablement dense et captivant.
Longtemps après une catastrophe écologique majeure qui a décimé la population de la Terre, en particulier les hommes, peu nombreux désormais à naître, et après plusieurs périodes troublées, l'humanité, dotée d'une technologie primitive, s'est répartie en provinces. Elle est fragilisée par sa division entre de nombreux courants spirituels et idéologiques et par sa hantise de la disparition de l'espèce humaine, tant la mortalité infantile, causée par la Maladie, est importante.

Ce Pays des Mères est un monde matriarcal organisé, cohérent, avec son histoire, sa géographie, ses langues, sa religion et ses lois, qui rappelle plusieurs dystopies romanesques :
La procréation sans acte sexuel fait songer au « Meilleur des mondes », ainsi que l'eugénisme balbutiant (tenter d'optimiser les enfants à naître en alliant des Lignées compatibles).
L'inventivité langagière, à « 1984 ». Non seulement le travail sur la langue, mais encore les liens entre langage et pouvoir (pouvoir de compréhension du monde et pouvoir sur les autres).
La répartition des femmes selon leur fertilité, en vê
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il y a beaucoup d'idées dans ce roman. Elizabeth Vonarburg imagine une société post-apocalyptique où les hommes ont presque totalement disparus, les société sont dirigées, organisées par des femmes pour des femmes, les rares hommes n'ont qu'un statut de reproducteur. Elle décrit tout une organisation complexe, avec une culture propre, une religion, et elle joue même sur le langage, ou le féminin a remplacé le masculin.
Malheureusement, toutes ces idées ne suffisent pas à en faire un roman passionnant, je me suis souvent ennuyé. le récit manque singulièrement de rythme, les bonnes idées du développement du récit en le ponctuant de passages épistolaires décalés de le temps, ne ressortent pas suffisamment, il y a beaucoup trop de non-dits et surtout, le style d'écriture est vraiment lassant, la syntaxe est très ordinaire pour ne pas dire maladroite, beaucoup de redites, pratiquement peu de descriptions qui auraient permis de mettre des images sur le récit, les sens sont peu mis en action, l'ensemble se contente des impressions des personnages, de questions sur ce qu'untel peut bien vouloir dire ou penser et le style interrogatif est d'ailleurs bien trop souvent utilisé.
J'ai bien failli abandonner définitivement ce livre à la fin de la première partie. J'ai bien voulu lui laisser une seconde chance, et quand le récit, par le biais de la recherche “archéologique”, s'est intéressé au passé, à l'Histoire, aux légendes et à ses interprétations, je l'ai trouvé beaucoup plus intéressant. Enfin, il y avait une histoire.
Le rapport au temps, à l'Histoire est de loin l'aspect le plus intéressant du récit. J'ai eu l'impression, à cause du style, du rythme et du découpage des chapitres, que L'Histoire avec un grand “H” n'était qu'un support pour faire valoir un propos féministe alors que tout l'intérêt du roman est l'inverse, l'orientation féministe du récit n'a d'intérêt que pour nous proposer un roman sur le poids et la vision de l'Histoire. C'est ce qu'il en ressort à la fin, c'est du moins ce que j'en retiens et que j'ai aimé, et du coup, j'ai l'impression que beaucoup de passages sont inutiles, en particulier cette première partie sur la jeunesse de Lisbeï.
Je n'ai pu m'empêcher de penser à Ursula le Guin, mais sans la qualité d'écriture et de rythme, et 625 page comme ça, j'ai eu des gros moments d'ennui et de découragement.
Passionnant et ennuyeux à la fois...
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Il y a des moments où, de la présence simultanée d'éléments disparates, jaillit soudain une étincelle qui se propage aussitôt. Tous ces éléments portent à notre insu une parcelle identique de sens inflammable. Et elles se combinent en nous, une chimie invisible se cristallise tout à coup en une illumination, comme on dit, "fulgurante". Une intuition irrésistible. Après, on reconstruit, on se dit que "c'était évident" mais on se trompe : c'est devenu évident. Les conséquences de cet éclair sont allées modifier notre conscience en amont, comme en aval la réalité que nous percevons : notre futur, mais aussi notre passé. Et il faut tout un travail pour reconstituer cette intuition dans ses détails, retrouver dans la linéarité des mots cette certitude globale qui a en quelque sorte court-circuité le langage et la durée : il faut essayer, péniblement, de revenir, de se souvenir de ce qu'on a su.
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Beaucoup de choses nous fâchent, des petites, des grandes. C’est normal. Ça t’es déjà arrivé, sûrement, de te cogner sur quelque chose et d’avoir envie de cogner à ton tour sur ce qui t’a fait mal, oui ? Et quand ce sont des personnes qui nous font mal, c’est plus facile de penser qu’elles l’ont vraiment voulu, et de vouloir leur faire mal à elles aussi. Mais la plupart du temps, elles ont des raisons de nous avoir fait mal. Souvent, c’est parce qu’elles ont mal aussi. Ça ne les excuse pas. Mais ça explique. Et parfois, on a un peu moins mal quand on comprend. Il y a toujours au moins deux côtés dans une dispute. Quelquefois, il y en a même davantage.
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La gardienne bleue s’appelait Antoné et c’était une Médecine. Elle avait vingt années. Elle aurait dû être une Rouge, mais elle n’avait jamais pu faire d’enfantes. Aussi était-elle une Bleue. C’était aussi une « pérégrine », une Bleue qui ne restait pas chez elle mais se promenait de Famille en Famille. Lisbeï était une Verte, ou une « dotta ». Les Mosta aussi étaient des Vertes, mais ce n’étaient pas des dotta. Il faudrait un certain temps à Lisbeï pour comprendre la nuance.
Les Bleues normales étaient celles qui ne pouvaient plus faire d’enfantes parce que leurs graines étaient épuisées, après 35 années, en général. Les Rouges seules étaient les » mères », celles qui faisaient les enfantes. On les appelait aussi « génitrices ». Mots, catégories, hiérarchies, les réponses se multipliaient de façon vertigineuse de l’autre côté du mur de la garderie. La plupart du temps, Lisbeï ne savait même pas à quelles questions correspondaient ces réponses qu’on laissait tomber en passant, comme si elles allaient de soi.On croyait donner des explications : on lui révélait surtout la profondeur de son ignorance.
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" Les femmes font des enfantes parce que sans cela la race humaine disparaîtrait. Et apparemment la race humaine n'a pas envie de disparaître, il y a quelque chose en chaque humaine qui la pousse à vouloir se reproduire ", dit Antoné, avec tout à coup une curieuse amertume.
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C’était une autre des certitudes de la garderie, une certitude majeure – un événement assez fréquent pour appartenir au tissu normal de la vie à la garderie. On tombait malade. On allait à l’infirmerie. Quelquefois, on en revenait. Plus souvent, on n’en revenait pas. Les gardiennes disaient alors : « Elle est allée rejoindre Elli » – quelque part au plafond, sans doute (mais plus haut que les nurseries), car la plupart des gardiennes levaient alors les yeux au ciel. C’était une de ces choses-qui-sont et qui sont normales ; toutes les mosta, et Lisbeï mieux que les autres, pouvaient le sentir : les gardiennes n’étaient pas vraiment tristes, elles acceptaient. C’était normal de « rejoindre Elli », d’» être avec Elli ». Elli était tout, partout, ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, disaient encore les gardiennes avec ce léger chantonnement où Lisbeï apprendrait plus tard à reconnaître une réponse toute faite ; et les questions des mosta s’arrêtaient là.
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