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EAN : 9782922145229
334 pages
Editions Alire (31/03/2007)
3.85/5   102 notes
Résumé :
La civilisation humaine est presque détruite et dans la cité souterraine où ils sont enfermés, les scientifiques cherchent une solution aux désastres qui rongent la Terre. Il reste une dernière chance : Elisa, l'une des rares enfants, fruit d'expériences génétiques, aux capacités physiques étonnantes, peut faire espérer une humanité résolument nouvelle. Mais saura-t-elle se libérer de son passé ? Et qu'en sera-t-il des hommes et des femmes qui, hors de la Cité, ont ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
3,85

sur 102 notes
Un bon roman post-apocalyptique ....

Ce texte a été rédigé en 1981et il était dispo chez Denoël mais il a été refondu en 1998 et il est disponible sous cette forme chez alire ..
Il est crucial de privilégier cette dernière édition ...

C'est un excellent roman qui m'a apporté la fabuleuse satisfaction de découvrir un auteur et qui a suscité le désir ardent de parcourir sa bibliographie .

Le monde qui est le nôtre a sombré et c'est un autre monde qui commence alors que les legs du passé vont également trépasser...

Dans des cités de rares survivants explorent l'ingénierie sociale et la génétique dans but de rendre l'humanité survivante , extérieure à ces villes , plus fonctionnelle et plus viable ...

Une jeune fille qui est un prototype va devoir se connaître .. s'explorer et s'affranchir de son créateur .

L'humanité est affligée d'un déséquilibre : Il nait beaucoup plus de filles que de garçons .
Il en découle des troubles sociaux et la survie de l'espèce est peut-être compromise .

Mais la nature fait bien les choses et les espoirs sont permis à ceux qui espèrent et qui sauront dépasser leurs préjugés ..

Un superbe roman psychologique soigné et légèrement dérangeant qui mobilise la politique ... la génétique ... la sociologie ... l'ingénierie sociale , pour créer un univers passionnant que l'on a absolument pas envie de quitter ..

Effectivement il y a quelque chose de la main gauche de la nuit dans cet univers , il faut l'avouer . Il y a quelque chose sur le fond et dans l'atmosphère aussi .

Un roman de qualité .
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Manipulations génétiques dans un proche futur
*
Lecture commune faite avec @Witchblade (et @anne_the_boyz: non-membre)
*
Un roman post-apocalyptique dans ma PAL depuis un bon moment.
L'auteure franco/canadienne est peu citée parmi les grands de la SF (c'est encore un petit milieu mais qui tend à s'étendre progressivement, tant mieux). Le livre a reçu le grand prix de l'imaginaire en 1982. Et puis il a été oublié jusqu'à ce qu'une maison d'édition le republie (refondu) en 1998.
*
Notre monde en train de sombrer dans le chaos . Non, pas de zombie, ne vous en déplaise! Mais plutôt un virus. Une drôle de maladie impliquant une naissance surnuméraire de bébés filles.
Une cité - cachée et isolée du reste de la civilisation - a pour but de redistribuer les cartes à sa manière. Entre génétique et robotique, elle projette de créer une nouvelle race d'humains (légèrement modifiés mais avec des capacités de régénération cellulaire). Dans cette ambiance surréaliste, une jeune fille, Elisa, sera la première prototype. Avec elle, le lecteur apprendra bien des secrets de cette cité mystérieuse.
Elisa se fera aider d'hommes-machines. Et c'est bien à ce moment-là qu'on se rendra compte de l'effroyable pouvoir des IA (intelligence artificielle).
*
Au début de ma lecture, j'ai eu la sensation de me perdre dans l'histoire. Je vous avoue que j'ai failli lâcher. Mais en sachant que mes 2 acolytes me suivaient tout le long, j'ai continué. Je me suis emmêlée dans les dates, les lieux, les actions des protagonistes. Je ne voyais pas vraiment où l'auteure m'emmenait. Il me fallait beaucoup d'imagination car les descriptions se faisaient rares. Entre passé et présent, le texte me semblait nébuleux.
Puis le déclic ! Au moment où Elisa débute son Projet, je me suis laissée emporter dans la complexité et très grande richesse du récit.
*
C'est dense, d'une écriture simple mais directe et des thèmes passionnants dans un univers élaboré.
En 1982 (parution), les IA n'étaient pas encore dans l'esprit des chercheurs. Prémonition? Aujourd'hui, ce livre est brulant d'actualité !
On entrevoit aussi la question du genre (question de libre-arbitre), le rapport de force homme-femme, la manipulation mentale, la génétique à outrance. Toutes ces questions traitées avec intelligence et finesse (sans parti pris, hormis peut-être le côté féministe, notamment dans la guerre des pouvoirs).
Quelques invraisemblances dans les dialogues entre Paul et Elisa, une apparition soudaine d'une "race" batarde (les Cesti), une guerre semi-avortée mal restituée dans l'intrigue).
*
On peut quand même dire que ce roman est inclassable. Par sa construction, ses thèmes, son avant-gardisme, le mélange entre questions philosophiques et scientifiques, c'est l'originalité avec un grand O.
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Je n'ai pas boudé mon plaisir et je vous le recommande très chaudement. Même pour certains qui seraient réfractaires au genre de la SF, voyez-le comme un essai d'anticipation. (Notre futur lointain?)
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3 fois que je commence à écrire un avis, 3 fois que j'efface tout et que je recommence... C'est très difficile pour moi d'écrire une critique sur ce roman très riche, très profond. J'ai du mal à structurer ma pensée, à organiser mes idées et même à trouver mes mots. Il doit me manquer un truc dans le cerveau ou bien c'est un livre qui aura besoin d'être "digéré" par ma tête ou bien il est trop tôt...

"Le silence de la cité" est un roman brillant qui aborde de nombreux thèmes passionnants. C'est un roman assez exigeant qui demande une certaine implication du lecteur. Il ne faut pas s'attendre à un post-apo classique en commençant ce livre. Si le contexte est bien post-apo, le traitement est très original. le début du roman est assez déroutant et il faut un certain temps au lecteur pour se faire une représentation du monde créé par l'auteure. Vonarburg ne prend pas son lecteur par la main. Et ça déjà, c'est quelque chose que j'aime, quand je sens qu'un auteur fait confiance à son lecteur pour appréhender son univers. le contexte post-apo n'est pas vraiment au coeur du récit, il n'est pas moteur des événements, il sert plutôt de prétexte à l'auteure pour aborder des sujets complexes et très intéressants comme l'identité sexuelle, le libre-arbitre, la liberté, la justification du recours à la violence, le transhumanisme (je ne sais pas si le mot existait à l'époque mais le traitement qui est fiat de ce thème dans le roman est saisissant)... Des thèmes riches, passionnants, brûlants d'actualité pour certains, éternels pour d'autres, et traités de façon très intelligente et subtile par Vonarburg.

Pour autant, l'auteure n'oublie pas de se poser à hauteur d'humain et "le silence de la cité" a un côté roman d'apprentissage assez marqué qui m'a beaucoup plu. Tout au long du roman, Elisa apprend à connaître le monde qui l'entoure (d'abord la cité puis le monde "extérieur") mais aussi et surtout elle-même (son corps, ses désirs, ses choix...). Ce personnage est très beau, très attachant. On la suit tout au long du livre dans son évolution. On la voit grandir, se confronter au monde, aux autres et aussi à ce qu'elle est.

Certains passages m'ont moins convaincu et ne m'ont pas semblé apporter quelque chose au récit. Par exemple, je n'ai pas bien compris l'apport des Sesti au récit. Pour autant, même lors de ces passages dont je n'ai pas saisi la portée, je ne me suis pas ennuyée.

"Le silence de la cité" est vraiment un très bon roman qui fait appel à l'intelligence du lecteur, le stimule tout en n'oubliant pas de mettre de l'émotion dans son histoire. Une grande réussite qui m'a fait passer un excellent moment, ce que j'ai grand peine à transmettre ici.

Challenge Multi-défis 2017 - 45 (item 4 : un roman d'apprentissage)
Challenge Atout prix 2017 - 12 (Grand prix de l'imaginaire 82 - Prix Rosny aîné 82)
Challenge ABC 2017-2018 - 7/26
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Livre lu en lecture commune avec kateginger, cela aurait dû être fait précédemment avec un autre roman issu d'une pioche. Je ne sais plus du tout comment ce livre a atterri dans ma PAL, sans doute suite à la critique enthousiaste d'un ami de Babelio. Je ne me souviens plus du résumé mais ça fait un moment que j'avais envie de le ressortir de ma PAL. Je ne connais que de nom cette auteur.

L'histoire semble alterner entre passé et présent où on suit la jeune Elisa et son père Paul. Nous évoluons dans un monde post-apocalyptique où les hommes ont été remplacés par des machines ou des hommes-machines. Au début, l'histoire semble assez confuse. Différentes scénettes de vie s'enchaînent dans une Cité quasi vide sans qu'on sache vraiment où l'auteur veut nous mener. L'histoire se révèle intrigante même s'il ne se passe pas souvent grand-chose. Des scènes de sexe apparaissent de temps en temps. J'aime bien le personnage d'Elisa, elle est encore jeune, elle se cherche et elle essaye de comprendre ce qu'il se passe autour d'elle. Certaines notions ne sont pas toujours simples à comprendre. L'histoire finit par se complexifier avec l'apparition d'un ami d'Elisa qui lui apprend la vérité sur bien des choses du passé et de présent. Nous passons ainsi un cap dans le roman et nous retrouvons Elisa hors de la Cité 4 ans plus tard. Elle apprend ainsi à vivre à l'Extérieur. Cette histoire comporte plusieurs parties où nous retrouvons Elisa à différentes périodes de sa vie, ce n'est pas toujours simple à suivre. Elle continue à évoluer et à chercher qui elle est vraiment. Dans la troisième partie, le temps s'accélère, de longues périodes ne nous sont pas racontés, peut-être pour couper court à la monotonie qu'est devenue la vie d'Elisa avec son grand Projet. J'étais bien loin d'imaginer une histoire comme ça, l'auteur a vraiment créé quelque chose d'hors norme entre exploration du sexe et de l'identité, et expérimentation sur les gênes et les humains. Étrange comme concept, finalement il est normal que ce livre ait eu différents prix littéraires. Elisa passe son temps à se poser énormément de questions sur le Projet, sur ses enfants, sur le Dehors, sur ses émotions… C'est intéressant et finalement, ce n'est pas du tout lassant puisque ce roman est basé sur la recherche de l'identité. Heureusement, passé la moitié du roman, l'auteur choisit quand même de rajouter un peu d'action à son histoire. On y comprend enfin la raison de cette étrange couverture d'une jeune fille en compagnie d'un tigre blanc. Je n'aurais vraiment pas imaginé une histoire pareille, l'univers est riche et complexe, bourré de questionnement en tous genres. Où on essaye de comprendre en même temps qu'elle qui est Elisa...

Comme vous l'aurez compris, ce roman a été une excellente découverte de cette auteur et de son style si particulier. Cette Elisa est un personnage atypique, que de questionnement en elle mais en même temps, vu comment elle a été élevée, elle était la dernière enfant de la Cité au milieu de vieillards et de machines. Elle apprend à vivre comme elle peut et à survivre dans un monde différent. J'étais loin d'imaginer une histoire pareille mais en même temps, l'auteur a réussi à me tenir en haleine tout au long du roman, même les questionnements n'étaient pas ennuyeux. Ils faisaient tout le personnage d'Elisa. Il me donne envie d'en découvrir d'autres de cet auteur, dont une série peu connue « Tyranaël ». Ce roman mérité totalement son Grand Prix de l'Imaginaire, dommage qu'il en soit pas si connu. le seul hic concerne les quelques coquilles qui se baladent, des accents manquants ou des lettres.

Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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Figure incontournable de la science-fiction francophone, la québécoise Élisabeth Vonarburg reste largement moins connue dans nos contrées qu'elle ne devrait légitimement l'être. Récemment, plusieurs rééditions bienvenues ont permis de jeter un coup de projecteur sur son oeuvre avec les deux briques intégrales regroupant l'ensemble du cycle de Tyranaël chez Les Moutons Électriques et la reprise par Mnémos de son roman le plus connu, le splendide Chroniques du Pays des Mères.
Ce dernier roman, aussi intelligent que nuancé, permettait de visiter un futur dans lequel les femmes étaient devenus majoritaires et où elles avaient réorganisé la société en profondeur. Pourtant, point d'utopie naïve chez Élisabeth Vonarburg mais une véritable réflexion sur le savoir et le souvenir à travers l'inoubliable personnage de Lisbeï. Après cette réédition capitale, Mnémos s'attaque à l'avant-Chroniques du Pays des Mères avec sa préquelle écrite dix ans plus tôt : le Silence de la Cité. Que nous réserve Élisabeth pour ce retour aux sources ?

Sous la Terre, une nouvelle vie
Nous sommes bien avant l'avènement des Capteries, les Citadelles-États du Pays des Mères, et même bien avant l'émergence des Harems et des Ruches.
Ce que l'on sait en commençant le Silence de la Cité, c'est que le monde a pris fin et que les survivants, voyant la société s'écrouler sous le poids des guerres et du changement climatique, se sont réfugiés dans des Cités souterraines ultra-technologiques. du moins, ceux qui en avaient les moyens.
Au sein de l'une d'entre elles, une poignée de scientifiques tente de résoudre la crise traversée par l'humanité. Des scientifiques vieux, très vieux, trop vieux. Grâce à des techniques médicales avancées, les derniers habitants de la Cité ont réussi à étendre leur vie de façon hallucinante, frôlant les deux cents ans d'existence voire davantage. Seulement voilà, le traitement miracle n'est pas éternel et, un jour, le corps ne suit plus. Il faut alors laisser la chair au repos et faire appel à des robots imitant l'homme pour paraître en public.
Mais quel public ? En effet, avec le temps, les survivants se font de plus en plus rares. Seul Paul, Richard et une poignée d'autres scientifiques poursuivent les recherches en prélevant des gênes à l'extérieur sur des populations humaines en pleine mutation (au sens littéral comme figuré) à la surface du globe.
Paul pense avoir une solution au mal qui ronge l'humanité et découvre un pouvoir autorégénératif qui permettrait aux prochaines générations de pérenniser l'espèce. Mais cela a un coût et il observe un autre phénomène dont il ne sait que faire : il naît beaucoup plus de femmes que d'hommes à la surface. Les mâles sont-ils voués à l'extinction ?
Pour parfaire ses expériences, il donne naissance à sa création la plus parfaite, une jeune femme du nom d'Elisa veillée par son Grand-Père, Richard, et qui va bientôt comprendre que le sort de l'humanité repose en grande partie sur ses épaules et celle de Paul. Mais si la chair finit invariablement par lâcher malgré les traitements régénérateurs…qu'en est-il de l'esprit ?
Et si Paul, bien plus vieux qu'il n'en a l'air, perdait pied petite à petit ?
Au départ, le Silence de la Cité présente son univers de façon énigmatique, à la façon du futur Chroniques du Pays des Mères et l'on comprend progressivement que les deux fils narratifs représentent deux timelines différentes vouées à se rejoindre. Paul D un côté, Elisa de l'autre. Élisabeth Vonarburg pose les bases d'un univers où l'humanité sur le déclin se cherche une nouvelle voie. Celle, ultra-technologique, envisagée par Paul et qui voudrait transformer le faible être humain en une chose bien plus résistante, et celle, archaïque, qui voit les clans s'affronter à la surface et les femmes réduites en esclavage par les hommes-tyrans. Pour visiter ces contrées, Paul utilise des androïdes appelés ommachs. Par leurs yeux, le lecteur et Elisa se rendent compte que la situation a largement régressé et qu'il faudra, un jour ou l'autre, s'en mêler. Les premiers temps du récit ne sont pourtant pas forcément axés sur cette dimension mais plutôt sur l'histoire amoureuse entretenue par Paul et Elisa ainsi que la découverte par cette dernière des véritables moyens employés par le scientifique pour parvenir à ses fins. La suite, elle, sera logiquement ailleurs, dans le monde réel, hors de cette Cité-cocon où la jeune femme se découvrira pourtant un pouvoir fantastique : celui de changer de sexe.

Changer le cours de l'histoire
Divisé en quatre parties, le Silence de la Cité va petit à petit dévoiler sa véritable thématique centrale : le libre-arbitre. Alors qu'Elisa découvre ce qu'il reste des sociétés humaines en surface et le destin des femmes, Élisabeth Vonarburg s'interroge sur le rôle de son héroïne dans cet univers qu'il lui est à la fois étranger et si familier. Ici, le Silence de la Cité préfigure déjà nombre des interrogations de Chroniques du Pays des Mères dans un monde où la femme, malgré son nombre, se retrouve réduite à l'état d'esclave par l'homme, toujours tout-puissant. Elisa, contrairement à Lisbei, devra choisir de défendre les siennes devant une société patriarcale qui n'en finit pas de crever et qui semble toujours plus brutal à mesure que la fin approche. Grâce à sa rencontre avec les Viételli, la jeune femme qui voulait en finir avec les Cités se rend compte qu'elle va devoir influer sur le monde, qu'elle le veuille ou non. Par le personnage de Judith, le lecteur comprend que la révolte gronde chez les femmes et qu'elles ne sont pas dupes de leur avantage numérique de plus en plus prégnant. Sauf que Judith, qui reviendra plus tard, devra composer avec la place qui est encore la sienne, une place remise en question par son idylle avec Hanse-Elisa et par ce qui en découlera.
Comme Elisa, Judith se voit offrir le choix. Et c'est de cela que parle le Silence de la Cité : la possibilité de choisir et de modeler son destin. le coeur du récit repose entre les mains de ses héroïnes mais Élisabeth Vonarburg n'aura de cesse de se demander si le libre-arbitre n'est qu'une illusion ou si, véritablement, l'on peut détricoter son destin.
Bien en avance sur son temps, le Silence de sa Cité s'intéresse également à la question de genres dans une troisième partie qui voit Elisa mettre au monde une nouvelle génération capable de changer de sexe à volonté ou presque. La question de l'identité se tranche relativement rapidement et la conclusion est sans appel : homme ou femme, l'esprit reste le même, l'individu véritable ne change pas derrière les attributs sexuels secondaires. La plus intéressante piste explorée par cette partie, c'est ce que permet ce changement périodique de sexe et sur les répercussions qu'il a sur ceux qui resteront hommes par la suite. Pourrait-on mieux traiter les femmes en se mettant littéralement à leur place ? Malgré cette réflexion intéressante, cette troisième partie apparaît comme le ventre mou du roman qui patine sur les relations entre Elisa et ses enfants alors que l'Extérieur, un temps oublié, se montre vite bien plus passionnant. D'autant plus que la question centrale reviendra vite sur ce qui fait le sel du roman : le choix d'agir (ou pas).

Qui remplacera les monstres d'hier ?
Dans la dernière ligne droite, le Silence de la Cité retrouve le génie d'avant et montre l'évolution de la société après l'intervention d'Elisa. le retour de Judith et la lente montée en puissance des femmes permet à Élisabeth Vonarburg de triturer un thème qu'elle aime particulièrement : est-ce parce que le pouvoir échoie entre les mains des femmes que la société va en devenir meilleure pour autant ? Guidée par les plus mauvaises raisons, revanche et haine, Judith veut renverser la vapeur. Pourtant comme croire que réduire les hommes en esclavage et tuer tous les autres permettra de donner naissance à une société enfin juste et égalitaire ? En sous-main, c'est la question de la méthode et des courants de pensées féministes qui se posent. La violence va-t-elle résoudre tous les problèmes entre hommes et femmes ? Est-elle absolument nécessaire ? Et si elle l'est, inverser les rôles ne sera-t-il pas simplement le nouveau germe d'une future révolte ?
Comme pour Chroniques du Pays des Mères, Élisabeth Vonarburg navigue entre la rage qui saisit le lecteur lorsqu'il s'aperçoit du sort réservé aux femmes et la réflexion posée de ce qu'il sortira de la destitution des tyrans d'hier…pour des tyrans de demain qui n'auront rien à leur envier.
Nuancé, intelligent et émouvant, le Silence de la Cité finit par là où il a commencé et repose la question du libre-arbitre, du choix de laisser le passé dans l'oubli et d'aller de l'avant pour une société plus juste où l'on étoufferait la rancoeur pour regarder l'avenir. Mais le destin nous en laisse-t-il l'occasion ou sommes-nous tous manipulés dans l'ombre par une volonté supérieure et inhumaine ? Seul le futur nous le dira.

Roman-prophète et héroïne déjà sublime, le Silence de la Cité préfigure déjà ce que sera le chef d'oeuvre d'Élisabeth Vonarburg bien des années plus tard. Récit à la fois douloureux et plein d'espoir, l'oeuvre de la québécoise s'interroge sur nos choix et notre capacité à défier l'injustice pour s'en libérer définitivement. Un livre forcément toujours d'actualité que l'on conseillera à tous les lecteurs qui désirent repenser le monde.
Lien : https://justaword.fr/le-sile..
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Elle ne savait pas qu’il pouvait mourir.
Il avait une peau brune toute ridée, une masse de cheveux blancs toujours en désordre, des yeux bruns qui souriaient au fond de leur réseau de rides ; ou bien c’étaient les rides qui souriaient. De toute façon, on ne pouvait pas dire s’il souriait en regardant sa bouche : il avait trop de moustache. Grand-Père. Elle l’appelait Grand-Père.
Elle ne savait pas que c’était un homme-machine.
Elle n’avait presque jamais besoin d’utiliser son bracelet de communication. Elle avait perdu sa poupée, elle était tombée, Gil ou Marianne lui avaient fait mal en jouant, ou elle s’était disputée avec eux, et il surgissait avant même qu’elle ait vraiment eu le temps de se mettre à pleurer. Il parlait, ou il ne disait pas grand-chose, mais il était toujours là quand il le fallait vraiment. Elle ne savait pas bien pourquoi, mais quand il sentait le tabac, ou l’herbe coupée, et que sa moustache était jaunie, il était davantage… là. Elle sentait très bien, alors, s’il était gai, ou sérieux, ou préoccupé – mais toujours comme il l’aimait. C’était Grand-Père.

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«Ah, mais suis-je bête ! Tu voudrais voir comment les femmes se battraient. J'avoue que ce serait intéressant... J'ai toujours pensé que les femmes étaient plus sanguinaires que les hommes. Même celles-ci, presque deux siècles d'esclavage ne les ont pas vraiment apprivoisées, si j'en juge par le discours de cette petite hier soir...» Il recommence à malaxer la masse résiliente du masque de chair, les sourcils un peu froncés, l'air pensif : «Dans un sens, remarque... Ce serait peut-être utile, une bonne leçon. Les mécontents seront calmés pour longtemps. Et il y aura des femmes en moins.»
Élisa l'écoute avec une incrédulité angoissée : depuis quelques instants, quelque chose de trouble s'est glissé dans le calme bienveillant de Paul.
«Des femmes en moins, répète-t-il en tordant le masque. C'est leur problème. Dehors. Trop de femmes. Ils n'en suppriment pas assez à la naissance. Et ici dans le Sud, ils les traitent trop bien, elles survivent trop longtemps. Plus elles vivent longtemps, plus elles font de filles, c'est un cercle vicieux. Il faut les supprimer avant qu'elles aient des enfants. Pas toutes, évidemment, mais régulièrement. Comme les mauvaises herbes.»
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Ou bien le sujet porteur se développe normalement, mais la faculté auto-régénératrice est presque entièrement inhibée, ou bien tu développes l’autorégénération mais c’est l’individu qui ne se développe pas. Philosophiquement, c’est un bel argument pour justifier l’entropie – un vieil argument d’ailleurs : grandir, c’est mourir un peu, mais sans mort pas de vie.

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Chacun est masqué ? La belle affaire. Ils le sont tous depuis longtemps. Des masques derrière des masques derrière des masques. Une apothéose du mensonge.
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Elle les observe avec amusement : après tout, le caractère n'a rien à voir avec le sexe : ils sont aussi insupportables en filles qu'en garçons. Mais non, pas insupportables. Jeunes, malicieux, débordants de vie.
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