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Critique de Wazlib


Je n'ai jamais rien lu de Kurt Vonnegut, et je pense que bien des lecteurs de bon goût me jetteraient sans hésiter la pierre. J'ai toujours ce problème idiot et incompréhensible à-propos des oeuvres unanimement encensées (j'ai aussi un problème avec les oeuvres ayant un succès commercial important (bien souvent, c'est l'exact inverse des oeuvres « unanimement encensées », et aussi avec les oeuvres faisant le buzz, bref, j'ai 21 ans et quelques problèmes.). Je n'ai pas envie de les lire, je ne suis pas intéressé par leur lecture, et bien souvent, une fois le livre achevé (car je m'y résigne toujours à un moment donné), je regrette amèrement de ne pas l'avoir fait avant.
Je ne pense pas que la lecture de ce court « Elle est pas belle, la vie ? » me permettra de rentrer dans le club des lecteurs de Vonnegut, parce que d'une part ce sont des discours retranscrits sur papier (ce qui fait de moi un « entendeur de Vonnegut », et pas son lecteur…) ; et d'autre part parce que si le personnage de Vonnegut se livre ici à bien des confessions et qu'il, si j'ai bien compris, trahit d'innombrables fois son style fait d'humour grinçant et d'une taquinerie bienvenue, il n'y a ici absolument rien du talent d'écrivain. On en apprend beaucoup sur l'auteur, mais ceci s'éloigne assez du cadre de ses écrits. Les discours sont fort joliment exécutés, et le talent d'orateur de Kurty (je me permets déjà des petits surnoms amicaux) est à n'en pas douter incroyable. J'aurais aimé avoir un discours comme ça à la fin de mon lycée.
On se plonge donc dans la légèreté et la générosité de Vonnegut, ici, qui fait preuve d'une magnifique capacité à disgresser et exploser ses discours en mille morceaux pour mieux faire percevoir au lecteur le message qu'il souhaite faire passer. Il est tout de même assez impressionnant de constater que ce gars parvient à faire passer des idées claires alors qu'il change de sujet toutes les deux minutes. Mais voilà, le talent est là, et le style est absolument délicieux. L'auteur mélange une franchise indéfectible (il « dit » les choses, ne les masque quasiment jamais) et une taquinerie effrontée déplaçant les évidences pour mieux les révéler au final. Il va falloir par exemple, pour expliquer ce qui cloche dans la plupart des mariages américains, passer par l'histoire d'un homme que Vonnegut avait rencontré des années auparavant. Et de révéler ainsi ce que bien des couples aimeraient savoir, alors que leur relation se consume : le mari n'est pas assez de gens, la femme n'est pas assez de gens. Une famille, ce n'est pas deux parents deux enfants, mais une cinquantaine de personne, car il y a une nécessité à être plein de gens, via diverses organisations ou associations, une implication dans son voisinage ou sa ville, pour échapper à la solitude inhérente à la condition humaine. Vonnegut vous révèlera aussi ce que veulent les femmes, et ce que veulent les hommes (pour faire bonne figure). Il vous expliquera ce qu'est un rite de passage, et pourquoi il est nécessaire.
Il jouera avec les mots, perdra son auditoire pour mieux le surprendre et le déstabiliser avec une vanne dont il a le secret (c'est-à-dire, bien souvent, un humour à la fois surréaliste et peu épargnant).
Et disons-le nettement, ce bouquin redonne une énergie salutaire. Il met en forme, il regonfle à bloc. Parce que l'humanisme un peu naïf de Vonnegut est séducteur par son innocence, que la satyre de la société et la haie de l'ère technologique rassure et conforte que l'essentiel est ailleurs que dans un écran, parce que la famille et les liens unissant les êtres sont fantastiques, et parce que Vonnegut dit tout cela avec une maitrise délectable.
Bien sûr, le livre est court, et bien sûr, c'est complètement dispensable. Vous trouverez des dizaines d'autres livres traitant des mêmes thèmes de manière plus approfondie. Vous en apprendrez plus sur Vonnegut en lisant un de ces romans que ce recueil. Mais dispensable est peut-être un mauvais terme, au fond. Ce bouquin, c'est l'occasion de rentrer en communion avec ce vieillard sympathique et téméraire qu'était Kurt Vonnegut, et c'est l'occasion de l'entendre parler de pleins de petites choses de la vie avec son humour et son style virevoltant. C'est l'occasion de se réjouir de l'instant et de se dire que non, rien n'est perdu, au fond.
Evidemment, il faut y mettre un peu du sien pour cela. Ceci n'est pas un nouveau traitement antidépresseur.
Mais un chasseur de coup de blues, pourquoi pas.
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