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Marguerite Pozzoli (Traducteur)
EAN : 9782742756551
151 pages
Actes Sud (31/08/2005)
3.62/5   29 notes
Résumé :
"Il ne rompt pas, T'Albanais, mais il plie tant qu'on voudra" : par cet "envoi" aux accents faussement joyeux débute l'histoire d'Elona-Ornela-Eva, triple et pourtant unique héroïne d'une délicieuse fable de la dictature. Elle est née dans ce pays qu'Enver Hoxha assujettit sous sa bonne étoile. Sur le jeu de l'oie où la voici lancée, il y a certes quelques cases à éviter soigneusement — à commencer par la prison (son père est détenu pour d'indéfinissables raisons po... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Un livre où l'on plonge dans le quotidien du peuple albanais, où la misère et la pauvreté sont visibles de toutes parts, où le peuple est surveillé et emprisonné pour si peu, un rien. le tout vu à travers les yeux d'une gamine de 13 ans qui aimait passionnément sa mère et haïssait totalement son père. Et c'est bien grâce à ce regard enfantin, parfois naïf, que les nouvelles défilent sous mes yeux avec de temps en temps un brin d'humour, une note d'espoir mais aussi et malgré tout beaucoup de grandes tragédies humaines.

Univers machiste, conflits conjugaux où l'homme gagne toujours, où les femmes sont considérées comme des objets, et celles qui ont la malchance d'être jolies comme des putes...

Alors, pour sortir un peu de cette misère, d'autant plus quand on est une adolescente, on s'évade par les rêves, par les livres. On se raccroche à des petits riens, du moment qu'ils nous apportent un peu de bonheur, des photos, des cartes postales de l'Italie...

Une découverte frappante de l'Albanie... Et dire que ce n'est qu'à quelques kilomètres d'ici...

Un autre monde...

Un autre temps...

Un autre peuple...

Un autre auteur : Ornela Vorpsi

Un autre roman : le pays où l'on ne meurt jamais
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Il Paese Dove Non Si Muore Mai
Traduction : Marguerite Pozzoli en collaboration avec l'auteur


Plus qu'un roman véritable, ce petit livre de cent-cinquante pages est une suite de scènes et de portraits ayant pour toile de fond l'Albanie communiste dans laquelle naquit l'auteur. Celui-ci appartenant au sexe féminin, le point de vue diffère sensiblement et met l'accent sur l'extraordinaire machisme qui caractérise la population mâle du pays, si policés que s'attachent à paraître ses membres les plus cultivés.

Ce machisme, certes, on le voyait déjà poindre son nez écoeurant ici et là, tant dans "Le Général de l'Armée Morte" de Kadare, dont l'essentiel de l'intrigue se déroule, il est vrai, dans l'Albanie rurale, que dans les romans de Fatos Kongoli, romans plus urbains certes mais dans lesquels le statut de la femme est loin d'être toujours facile. Vorpsi, elle, évoque le phénomène avec une franchise totale : son héroïne, Elona-Ornela-Eva, se voit tout de suite suspectée de "putinerie" dès lors qu'elle passe de l'enfance à l'adolescence.

Ce qui exaspère encore plus la lectrice, c'est que, comme d'habitude dans ce genre de sociétés, les femmes sont les premières à vouer la féminité au Diable et au péché. La mère de l'héroïne la menace de faire vérifier sa virginité par le médecin alors que la pauvre petite vient à peine d'atteindre ses treize ans et est par ailleurs si surveillée, tant à droite qu'à gauche, qu'elle aurait bien du mal à s'en aller courir une précoce prétentaine. En outre, comme le dit le proverbe albanais : "Un homme se lave avec un bout de savon et redevient comme neuf mais une fille, même la mer ne la lave pas."

Raisonnement pour le moins absurde, en particulier à mes yeux de Bretonne qui a tous les jours sous les yeux les millions de litres d'eau, bien froide et bien verte, de l'Atlantique. Raisonnement d'homme, ajouterai-je, et d'homme injuste et sournois, raisonnement sans doute repris et ressassé par la bonne vieille église chrétienne - Vorpsi est orthodoxe - et, de manière générale, par toutes les religions patriarcales dont nul n'ignore la haine profonde qu'elles vouent à la Femme.

Alors, bien sûr, on ne parle pas toujours sexe et virginité des filles dans "Le Pays Où L'On Ne Meurt Jamais". Certaines scènes sont plus légères et font sourire ou alors, comme tout ce qui touche à l'indifférence du père de l'héroïne, indignent et/ou attendrissent. Mais, en dépit de tous mes efforts, c'est avec un malaise certain et la volonté bien arrêtée de ne jamais visiter l'Albanie que j'ai refermé ce livre qu'il faut lire car si déjà les écrivains albanais mâles sont peu traduits chez nous, la situation est encore plus grave pour leurs homologues féminines. Ce qu'on ne peut que déplorer parce que, tant que la littérature albanaise s'exprimera essentiellement par la voix masculine, il lui manquera quelque chose de très important : l'autre moitié de son soleil. ;o)
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"Je dédie ce livre au mot humilité, qui est absent du lexique albanais. Une telle absence peut donner lieu à des phénomènes très curieux dans la destinée d'un peuple."

Par contre, dans le lexique albanais, on trouve pas mal de synonymes de putain, de traînée, de pervertie, de traître, de vendu, de tuerie, aussi... Eh oui, la "Mère-Parti" n'est pas si affectueuse que cela, sa terre se nourrit beaucoup plus du sang de ses filles lassées d'insultes que d'engrais. A croire que là-bas la Nature n'aime pas le beau, ne supporte pas la grâce surtout si elle est humaine, et qu'elle entame alors une lente procédure conduisant à l'auto-destruction de la beauté.

En effet, toute fille qui présente quelques traits avantageux mérite les marques du mépris, les lacérations de la cruauté... que ce soit dans la rue ou dans la maison... "certaines règles naissent ainsi dans l'esprit d'un peuple, tout naturellement comme les feuilles sur une plante. Elles se fondent en gros sur thèse unique : qui est belle est une pute, qui est laide - la pauvre! - ne l'est pas."

Un pays où les sentiments ne sont jamais tièdes, où l'extrême est roi, le coeur passionné... Je t'aime ou je te hais, mais jamais à moitié..

Votre seul espoir : la nuit. Seule la solitude de la nuit, la torpeur qui s'installe une fois glissée sous les couvertures permet le repos de ces âmes agrippées chaque jour par la haine.. A ce moment-là seulement vous connaîtrez un peu de ce mot qu'on prononce tout bas : liberté.

Sinon, il vous reste l'option du suicide. Et encore... : "le suicide ne fait pas partie des grandes aspirations du peuple albanais ; celui-ci, dans son perpétuel combat pour une vie décente, néglige le refuge que la mort peut offrir". Ah. Porte donc ta honte, même après ta mort. Après tout, une "baisée dans les buissons" ne peut rien faire de bon.

Et lorsque l'Albanais tente l'exil, lorsque l'Alabanais met le pied sur une autre terre que la sienne, il comprend alors qu'il est mortel. Il n'aspire donc plus qu'à une chose : retourner là d'où il vient, ce pays où l'on ne meurt jamais.

Un récit dur comme la boue séchée des briques ornant le toit du camp d'internement. Acéré, comme la haine envers celui qui respire. Ironique aussi, comme ces hommes qui forniquent et disent ensuite à leurs "brèves" compagnes d'aller se faire recoudre, pour le suivant. Sans pudeur, mais sans voyeurisme non plus. Cru, sans être obscène. Vrai.
Lien : http://www.listesratures.fr/..
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J'ai déniché ce roman chez un bouquiniste et l'ai acheté sans trop savoir à quoi m'attendre. Jusqu'ici le seul auteur albanais que j'avais lu c'était l'excellentissime Ismaïl Kadaré, j'étais donc prête pour une nouvelle expérience.
Et c'est bien d'une expérience dont il s'agit ici. Je n'ai pas vraiment eu l'impression de lire un roman mais plutôt de discuter avec une inconnue ou de regarder à travers le trou d'une serrure.
Sans réel début, sans réelle fin, il s'agit d'un petit bout de vie d'un intensité déconcertante.
Comment moi, l'occidentale, en 2014, puis-je ne pas être écoeurée, choquée par les moeurs décrites dans cet ouvrage? Je bondissais d'indignation à chaque phrase, chaque page m'a soulevé le coeur.
Le problème c'est que l'écriture est assez redoutable d'efficacité et qu'il est difficile de ne pas vouloir en savoir plus.
Était-ce une expérience agréable? Pas vraiment! Lecture intéressante? en revanche oui!

Une découverte surprenante.
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Je découvre Ornela Vorpsi, née à Tirana, puis émigrée à Milan, désormais installée à Paris. Elle a publié ce livre de souvenirs datant de son adolescence. L'Albanie, c'était un drôle de petit pays d'Europe, peuplé d'hommes fiers, machistes sans états d'âme et obsédés par les femmes. Les plus belles d'entre elles sont "nécessairement" des putains. Entre Albanais, on se hait réciproquement tout le temps qu'on vit et on aime les autres seulement quand ils sont morts. Le titre du roman prétend qu'on ne meurt pas en Albanie: ce n'est pas vrai, on y meurt, mais on ne veut surtout pas le savoir ! La pauvreté extrême touche tout le monde, sauf quelques privilégiés. Quand Ornela vivait à Tirana, le pouvoir était entre les mains de communistes fanatiques (qu'on disait "pro-chinois") qui gouvernaient d'une manière tyrannique. L'auteure mentionne les horreurs de cette dictature, mais sans jamais insister lourdement.

Le livre se compose d'un grand nombre de petits chapitres, tableaux de la vie quotidienne de l'adolescente qu'elle était alors. Ils font une peinture impressionniste de la vie familiale et de la société, sur un ton doux-amer. Pas de pathos, par exemple, dans l'évocation des emprisonnements (notamment celui de son père, qu'elle déteste) ou l'entraînement militaire obligatoire des très jeunes filles. La figure centrale, c'est celle de sa maman, une très belle femme convoitée par les hommes, en proie à une nervosité mal contrôlée, qui ne veut plus jamais revoir son mari. Les relations entre mère et fille sont parfois compliquées, mais essentielles pour Ornela.

C'est un joli livre de souvenirs sur la condition des adolescentes, mais dans le contexte particulier d'une dictature communiste.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... Parfois [grand-père] se tient à côté de moi pendant que je travaille, et je sais que, d'un instant à l'autre, il se mettra à me parler de l'Italie fasciste :

- "Qu'est-ce qu'on était bien, du temps de l'Italie, la pauvreté d'aujourd'hui, c'était impensable ! De nos jours, je ne peux même pas exercer mon métier ...

- Pourquoi tu dis ça, grand-père ? Bien sûr que tu peux l'exercer, il suffit de le vouloir, et puis, des avocats, on en a toujours besoin. Va à la mairie, demande ta place et tu verras qu'on te la redonneras.

- Mais je ne suis pas un juge, bordel de merde, je suis un avocat de la défense, et ce métier, grâce au parti communiste, il n'existe plus. Le Parti assure qu'il ne te condamne jamais inutilement, aussi n'a-t-on pas besoin d'être défendu. Un juge suffit. La défense, c'est le Parti lui-même qui s'en charge, en te jugeant par l'intermédiaire du juge qu'il appointe. Bref, le juge que tu as devant toi est aussi attentionné que s'il était là pour te tirer d'affaire." ... [...]
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[...] ... A la maison, les mêmes propos reviennent :

- "Ne t'en fais pas" (c'est ma mère qui parle), "je t'enverrai chez le médecin pour voir si tu es vierge ou pas."

Elle m'observe, menaçante, en murmurant entre ses dents, et moi, qui ai treize ans et qui ignore encore ce que les hommes ont dans leur pantalon (mystère qui, semble-t-il, est en rapport étroit avec tout ce qui a trait à la putinerie), je me sens une pute exemplaire. Le regard de ma mère me déshonore.



Je me glisse dans mon lit, effrayée, et je pense : "Si elle m'envoie vraiment chez le médecin, si on découvre que je ne suis pas vierge de nature, comme un enfant venu au monde avec une main en moins, sourd, aveugle ou, pire encore, sans amour pour la Mère-Parti, je ferai quoi ? Que ferai-je dans ce cas ?"

Le sommeil me surprend au milieu de ce monologue intérieur, tandis que, muette, je la supplie d'accepter cette vérité tragique, tombée sur nos têtes : "Je te jure, ma', je te le jure, je n'ai rien fait ! Je suis née comme ça ! Crois-moi ... je te le jure ..." ... [...]
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Il semblerait que le premier signe de vie sur terre, le plus primitif, le plus simple, ait été l’amibe : rien qu’une cellule. Puis les choses se compliquèrent : l’amibe commence à se multiplier et à varier en fonction du climat, du milieu, jusqu’au jour où toutes sortes d’espèces apparaissent sur terre. Puis, c’est le tour du chimpanzé, qui ouvre les portes à l’être humain. Ce dernier rêve bientôt de conditions idéales pour lui-même, l’état suprême d’être-au-monde, d’y-être-dans-le-monde : le communisme.

Bref, l’homme est une espèce héroïque, ne croyez-vous pas ? Il suffit de suivre le long parcours de l’amibe au rêve communiste qui frappe à notre porte pour comprendre sa grandeur.
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A présent, elle et Bukuria sont sans doute au travail dans les champs, piochant la terre, récoltant le maïs, se rééduquant. Il leur est interdit de s’éloigner du camp d’internement, une semi-prison où elles trimeront sans être payées, surveillées à chaque pas, et dormiront dans une baraque de torchis, haïes par les gens du village parce qu’elles sont des putes et que, en outre, elles viennent de la capitale ; l’Albanie entière travaille pour la capitale, qui est le rêve des paysans et leur servitude - toutes leurs récoltes y convergent.
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Le pays où l’on ne meurt jamais est fait de poussière et de boue, le soleil y brûle au point que, parfois, les feuilles de vigne rouillent et la raison se met à fondre. De là vient peut-être, tel un effet secondaire (et, il faut le craindre, irrémédiable), la mégalomanie, délire qui, dans cette flore, pousse de manière incontrôlable, comme une herbe folle. De là, aussi, l’absence de peur - à moins qu’elle ne soit due à la forme de poterie mal façonnée qui est celle du crâne des autochtones, tordu et aplati, royale demeure de l’insouciance, sinon de l’inconscience.
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