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Citations sur La guerre des pauvres (0)

Depuis longtemps, on éprouvait une impression troublante, pénible, il y avait tout un tas de choses qu'on ne comprenait pas. On avait du mal à comprendre pourquoi Dieu, le dieu des mendiants, crucifié entre deux voleurs, avait besoin de tant d'éclat, pourquoi ses ministres avaient besoin de tellement de luxe, on éprouvait parfois une gêne. Pourquoi le dieu des pauvres était-il si bizarrement du côté des riches, avec les riches, sans cesse ? Pourquoi parlait-il de tout laisser depuis la bouche de ceux qui avaient tout pris ?

Pages 13-14, Actes Sud, 2019.
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Ainsi, des quatre coins de l'Empire surgirent des hordes de misérables. Müntzer chantait, la foule venait. Le landgrave de Hesse n'en croyait pas ses yeux. Puis ce furent les ouvriers des villes, les fous, toute la paysannerie se souleva brusquement. Il y eut un grand effroi chez les nobles et les bourgeois. Les femmes quittaient le foyer, les enfants marchaient à travers champs la suite du Saint-Esprit. Les jeunes filles, les vagabonds, la populace atroce, les bêtes même ! On vit ainsi toutes sortes de gens, allant par deux ou trois, tout seuls aussi, partis sans bagage, sans rien. On ne savait pas ce qu'ils voulaient. Les seigneurs et leurs bandes armées n'osaient plus rien faire ; ils les regardaient passer, effarés. Une vague crainte commençait de naître. Que fallait-il décider ? On n'avait jamais vu ça. Tout le monde laissait derrière lui sa maison, sa cahute, et rejoignait la foule errante. Et où allaient-ils tous ces gens ? On l'ignorait. On craignait même de les disperser. Ils dormaient dans les bois, dans la paille, rêvant.

Pages 60-61, Actes Sud, 2019.
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Et maintenant, voici que le pape appelle à la croisade contre le roi de Naples, et voici que Jan Hus monte en chaire, dans la petite chapelle de Bethléem, et prêche la désobéissance ; il prêche l'amour, la prière, même pour les ennemis du Christ, et tonne que le repentir ne passe ni par l'argent des indulgences, ni par la violence des croisades, ni par le pouvoir des princes. C'est fait. Les mots sont dits de nouveau : "ni par l'argent ni par le pouvoir ni par les princes", ces mêmes petits mots qui changent de forme, de ton mais pas de cible, et qui, lorsqu'ils reviennent au monde, toujours s'acharnent contre l'argent, la force et le pouvoir. Ces mots vont petit à petit devenir les nôtres. Ils vont mettre longtemps, très longtemps à faire leur chemin jusqu'à nous. On les entend mal encore dans les prêches de Jan Hus, mais peut-être ne les avait-on jamais si bien entendus.

Pages 29-30, Actes Sud, 2019.
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Cinquante ans plus tôt, une pâte brûlante avait coulé, elle avait coulé depuis Mayence sur tout le reste de l' Europe, elle avait coulé entre les collines de chaque ville, entre les lettres de chaque nom, dans les gouttières, par les méandres de chaque pensée ; et chaque lettre, chaque morceau d'idée, chaque signe de ponctuation s'était retrouvé pris dans un bout de métal. On les avait répartis dans un tiroir de bois. Les mains en avaient choisi un et encore un et on avait composé des mots, des lignes, des pages. On les avait mouillées d'encre et une force prodigieuse avait appuyé lentement les lettres sur le papier. On avait refait ça des dizaines et des dizaines de fois, avant de plier les feuilles en quatre, en huit, en seize. Elles avaient été mises les unes à la suite des autres, collées ensemble, cousues, enveloppées dans du cuir. Ça avait fait un livre. La Bible.

Pages 8-9, Actes Sud, 2019.
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Mais Albert 7, quant à lui, était un sacré finaud, il savait comment les négociations doivent s'étirer dans le temps, afin de permettre aux puissants de regrouper leurs forces. Et puis l'attente sape le moral de ceux qui n'ont pas l'habitude de la guerre, et les dispose au compromis. D'autant que, depuis le début de leur existence, on les a habitués à tant de respect, tant de crainte, qu'ils sont tout prêts à croire encore un instant à la parole des princes. On préfère toujours croire à la parole du père. Notre désir s'ordonne à son registre.
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Le martyre est un piège pour ceux que l'on opprime, seule est souhaitable la victoire. Je la raconterai.
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Mais de quel trésor de distance et de délégation, de quel chantournement de l'âme se soutiennent les grands sophismes du pouvoir ?
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C'est alors que le duc Albert de Mansfeld entama des négociations.il fallait que ça traine en longueur, afin de démoraliser l'adversaire et gagner du temps. La négociation est une technique de combat.
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Pourtant la fausse parole transmettra entre les lignes un éclat de la vérité. « Ce ne sont pas les paysans qui se soulèvent, c'est Dieu!» - aurait dit Luther, au départ, dans un cri admiratif épouvanté. Mais ce n'était pas Dieu. C'étaient bien les paysans qui se soulevaient. A moins d'appeler Dieu la faim, la maladie, l'humiliation, la guenille. Ce n'est pas Dieu qui se soulève, c'est la corvée, les censives, les dîmes, la mainmorte, le loyer, la taille, le viatique, la récolte de paille, le droit de première nuit, les nez coupés, les yeux crevés, les corps brûlés, roués, tenaillés.
Les querelles sur l'au-delà portent en réalité sur les choses de ce monde. C'est là tout l'effet qu'ont encore sur nous les théologies agressives. On ne comprend leur langage que pour ça. Leur impétuosité est une expression violente de la misère. La plèbe se cabre. Aux paysans le foin ! aux ouvriers le charbon ! aux terrassiers la poussière ! aux vagabonds la pièce ! et à nous les mots ! Les mots, qui sont une autre convulsion des choses.
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Les discours prêtés aux princes, quant à eux, sont de faux manifestes. On dit que la vérité a plusieurs visages, dont l'un serait plus affreux que le mensonge, mais toujours caché.
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