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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"L'histoire du monde est pleine de révolutions; on n'y voit que des guerres civiles, tumultes, séditions causés par la méchanceté des princes, et je ne sais ce qu'il faut admirer le plus à cette heure de l'impudence des gouvernants ou de la patience des peuples."
( A. France, "Les opinions de M. Jérôme Coignard")

Oui, à toutes les époques, le peuple a toujours été patient, conciliant et accommodant. Mais il ne peut pas se plier infiniment aux injustices des autorités religieuses ou politiques; il ne peut pas éternellement continuer à donner sans rien recevoir. Et parfois, le vase déborde...

Pourquoi cet opuscule, et pourquoi maintenant ?
Je l'ai acheté, parce qu'en l'ouvrant au hasard dans une librairie, j'ai vu que cela parle aussi de Jan Hus et des émeutes religieuses en Bohême au 15ème siècle. J'y ai trouvé un peu plus, et somme toute, c'était assez instructif.
La guerre des pauvres... Elle éclate à chaque fois que les gens ordinaires, les masses, les nations, sont poussés à bout. Ceux qui commandent mal ne peuvent qu'être mal obéis, ainsi va le monde. Il suffit alors d'une voix qui ose parler, une petite étincelle, qui met le feu au désir collectif de justice.

Vouillard a choisi Thomas Müntzer, un prédicateur radical du 16ème siècle, comme un exemple de cette "voix du peuple", et je me demande quelles étaient les raisons de son choix. Je sais seulement que Müntzer a été d'abord bien accueilli et écouté par les universitaires pragois qui partageaient les mêmes opinions sur la réforme de l'Eglise que lui, mais son fanatisme les a rapidement découragés, et Müntzer a été banni de Prague. Dénoncer la fausseté des prélats, leurs distorsions des textes bibliques et leurs indulgences, retour à la pureté chrétienne, oui; les appels aux meurtres et aux pillages, non. Le fanatisme n'a jamais été une solution.
Bien plus radical que Luther lui-même, le soulèvement que Müntzer a provoqué en Saxe ne fait que démontrer une fois de plus que même en militant pour une cause juste, le fanatisme est aveugle et pousse parfois les gens à commettre l'irréparable. Mais aussi que ceux qui se sentent menacés ripostent souvent par la force. Müntzer finit décapité, et sa tête est exposée à la vue de la petite armée de ceux qui pensaient qu'ils n'avaient plus rien à perdre.

Mais tel était aussi le cas de John Wyclif avec sa traduction de la Bible en anglais, afin de créer un lien direct lecteur-Dieu. La sainte Eglise crie au sacrilège, et Wyclif est condamné, tout comme plus tard William Tyndale et bien d'autres, dont le livre ne parle plus. C'est presque inutile, car toutes ces histoires sont pratiquement identiques.
John Ball se soulève contre la poll-tax, et il est exécuté.
Jan Hus croit que le concile de Constance le laissera défendre ses opinions réformatrices, mais il finit sur le bûcher coiffé d'une couronne d'hérétique avant même d'avoir la possibilité d'y prendre la parole. Un bouc émissaire, pour montrer à tous ces rebelles que la justice des riches n'a que faire de la justice divine.

Mais les pauvres sont seulement pauvres. Ils ne sont pas sots, sourds et aveugles. Certaines choses doivent changer, quand le temps y est propice.
J'ai dit que le livre est instructif, mais certainement plus politiquement qu'historiquement. Comment ne pas y voir des parallèles avec le mouvement des Gilets Jaunes ? Mais j'hésite entre la possibilité de le voir comme un avertissement que tous ces soulèvement populaires "finissent mal, en général" (comme dit la chanson), et un subtil message d'espoir.
Tout ça n'a pas servi à rien, et je pense à une autre chanson qui dit "people have the power". Même un minuscule grain de sable dans les rouages huilés du pouvoir peut enrayer la machinerie et la dévier doucement de sa trajectoire. Il le faut. Et peut-être qu'un jour "la vérité triomphera" vraiment, comme dit la devise tchèque inspirée par les paroles de Jan Hus. Mais quand et comment ?
Trois étoiles et demi pour le style vif d'Eric Vouillard dans ce petit concentré sur la guerre des pauvres.
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