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EAN : 9782213599076
143 pages
Fayard (28/05/1997)
4.33/5   12 notes
Résumé :
Recueil publié en 1996 précédé du Discours prononcé devant l'Académie Nobel le 7 décembre 1996, à Stockholm.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Je ne sais pas », étaient les mots préférés de Wislawa SZYMBORSKA, espiègle poétesse polonaise. C'est par le battement de ces mots qu'elle expliquait la venue de son inspiration.
Interrogerez vous et le delta du rêve apparaîtra!
L'arbre de la connaissance ne cesse de croître, et pousse les branches au delà du visible. Suivre ses branches est un voyage. Un exode toujours exigé pour n'en plus connaître d'infligé.
Elle aura connu la guerre, les cendres, les larmes de sel, les combats, et le poids des despotes qui écrasent les hommes . Mais au milieu de ce tumulte incessant, l'inspiration a toujours fait entendre sa voix.
Elle donna ainsi esprit aux choses : Nous ne savons pas alors regardons davantage et plus loin.
Et ce loin c'est le rêve, ce n'est pas l'irréel, mais le sentiment des choses, de la clairvoyance des riens.
On pose mille questions comme si on posait ses pas.
Un pas entraînant un autre et nous voilà dans un espace que nous nous imaginions pas.
Dans ce recueil, édité chez Fayard dans collection Poésie, son discours prononcé devant l'Académie Nobel en 1996, lors de la remise de son prix de littérature, est un texte dans lequel, elle nous dit sa résidence en poésie. Langage humble, pétillant, étonnant, limpide.
Elle était poète et n'en s'excuse pas, ne s'en glorifie pas. Elle a pour le monde, pour tous les mondes, une si belle ambition ! Lucide et aimante. Elle aime le monde, la terre, les bêtes, les fleurs, et nous...les hommes... les gens . Ces gens, qu'elle ne sait pas. Et c'est dans la promesse de la multitude des réponses, des possibles qui peuvent naître, qu'elle aime vivre parmi nous.
La vie ? elle « l'attrape par la feuille ». Humour grinçant, images étincelantes « Je parlais du soleil en m'éteignant moi même ». Elle voit l'importance de ce que nous nommons minuscule, l'insignifiant ( « Tarsier » ). Elle remercie son coeur pour ses soixante dix mérites à la seconde. Elle observe « conspirer l'acrobate de la tête jusqu'aux pieds contre celui qu'il est ». Elle croque l'icône de la Grand mère et nous la montre persister à tout hasard qui n'adviendra jamais. Elle s'étonne de notre place, du hasard de notre nature, questionne notre responsabilité, se joue de la divine humanité qui nous habite, de la singularité de nos particul-arités « Tout perdu, dispersé, semé aux quatre vents, je m'étonne moi même du peu de moi qui reste ».
Elle regarde partout, soulève tout, retourne tout : une danseuse prend la pose ? Elle interroge l'instant, le mouvement, l'art éternel face à l'éternité artificielle. Elle titille cet inconfort dans lequel nous nous maintenons à tant vouloir paraître tel que nous voudrions être.
Nous sommes nombreux, amoureux, tremblants et souvent monstrueux.
Elle donne tous ses mots à cet espace de liberté qu'est la poésie. Elle est libre sous son pommier et ne le quittera jamais « Seul un prisonnier tient à rentrer chez lui ». Ce vingtième siècle, selon elle était politique, et nous sommes des enfants de ce siècle . La liberté porte des millions de traces de barbelés. Si on peut parfois en jouir, on ne doit jamais la négliger. L'élan de notre pensée dépend de la liberté.
Wislawa SZYMBORSKA met parfois ses mots entre parenthèses pour faire apparaître son idée dans toute sa dimension et créer le relief qui manquait au sujet. Sa poésie est vivante. Elle nous montre, depuis l' « extraordinaire », toutes les possibilités qui vivent dans le monde, et qui nous échappaient parce que nous ne les voyions pas.
Rendons hommage à Piotr Kaminski pour son grand travail de traduction.
Astrid SHRIQUI GARAIN
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Un coup de foudre dés la première lecture,
comme les battements du coeur d'un adolescent,
et chaque fois que je veux lire à nouveau ses vers, cette même inquiétude, ne vais-je pas la décevoir cette femme que j'aime?
serai-je un lecteur capable de lire, de comprendre sa simplicité qui me ramène à moi ?
Je ne sais jamais,
je suis le lecteur inhabité
qui répond à une question par une question,
je suis le mille et unième, celui qui n‘existe pas,
parce que les statistiques de l'histoire parleront de mille,
le unième sera la fumée dans un nuage humain qui passe au dessus…
Et toujours comme elle je relis L Ecclésiaste,
je regrette de ne pouvoir être tous les hommes et toutes les femmes,
j'essaie de ne pas créer moi-même les raisons de mes haines et de ma sottise.
J'ai du mal à le faire;
et je lis à nouveau Szymborska;
elle me regarde,
et l'espace d'un temps, ce regard me rend beau.
Elle me réinvente.
Il y a tant de vers à aimer,
poète sans certitude autre que son ignorance.
J'ai une chance
je la connais et je l'aime - je l'ai déjà dit, tant mieux….
Et je sais qu'elle m'aime
Chacun de ses vers est écrit pour moi….
Et pour vous
si vous ne l'avez encore jamais lue
vous serez aussi
condamnés à la Szymborgaisation à perpétuité.

Un peu d'un vin du centre de l'Europe, un Tokaj me désinhibe et me permet de revenir à chaque rendez vous malgré cette angoisse de la décevoir. Ses vers me reviennent devant l'enfer de Bosch, en écoutant les suites pour violoncelle de Jean Sébastien
Beaux mariages….

Je n'ai trouvé ses oeuvres complètes qu'en anglais (il n'existe pas à ma connaissance d'édition des oeuvres complètes en français)

© Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Coup de foudre

Ils sont convaincus, tous les deux,
qu’un sentiment soudain les a réunis.
Belle est cette certitude
mais plus belle encore l’incertitude.

Certains que, puisqu’ils ne se connaissent pas,
entre eux rien ne s’était jamais passé.
Et qu’en pensent les rues, escaliers et couloirs
où depuis des lustres ils pouvaient se croiser?

J’aimerais leur demander
s’ils ne se souviennent pas —
peut-être, dans ce tourniquet,
autrefois, face à face?
quelque « pardon » dans la cohue?
un « c’est une erreur » au téléphone?
Mais je connais par avance la réponse.
Non, ils ne s’en souviennent pas.

Ils seraient fort étonnés d’apprendre
que, depuis un bon moment
le hasard jouait avec eux.

Sans être tout à fait prêt
à se faire destin pour eux,
il les rapprochait et les éloignait,
il les croisait en chemin
pour s.écarter aussitôt
en riant sous cape.

Il y eut des signes, des indices,
illisibles, mais quelle importance.

Qui sait, peut-être il y a trois ans,
sinon mardi dernier,
une feuille avait volé
d’une épaule l’autre?
Quelque chose de perdu et de ramassé?
Peut-être ce ballon, déjà,
dans les aubépines de l’enfance.

Il y eut verrous et sonnettes
où, bien avant l’heure dite,
un toucher se couchait sur un autre toucher?
Des valises, côte à côte, à la consigne?
Un rêve identique, une nuit,
aussitôt effacé le matin?

En fait, tout début n’est jamais qu’une suite,
et le livre des événements
à jamais ouvert au milieu.
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Nuages

La description des nuages
exige de faire diligence —
en une fraction de seconde
ils ne sont plus eux, ils sont autres.

Leur trait principal consiste
à ne jamais reproduire
ni formes, ni teintes, ni poses, ni dessins.

Jamais porteurs d’aucune mémoire,
légers, ils survolent la gravité des faits.

Témoins de quelque chose — vous voulez rire!
au moindre souffle, voilà qu’ils s’éparpillent.

En regard des nuages
la vie semble solide,
presque enracinée, quasi éternelle.

À côté des nuages
les pierres sont nos cœurs,
nous pouvons compter sur elles,
alors qu’eux : des cousins lointains et volages.

Que les gens soient, s’ils y tiennent,
et qu’ils meurent ensuite un à un,
les nuages n’en ont rien à faire
de ces affaires
extraordinaires.

Au dessus de ta vie parfaite
et de la mienne, imparfaite pour l’instant,
ils paradent, fastueux comme avant.

De périr avec nous ils ne sont point tenus.
Pour voguer, nul besoin d’être vu.
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À mon cœur, un dimanche


Sois remercié, mon cœur,
qui t'appliques si bien, es si prompt à la tâche,
sans compliment, sans récompense,
de par ton zèle inné.

Soixante-dix mérites à la seconde,
Chacune de tes contractions
est comme la mise à l'eau
d'un bateau qui prend la mer,
et part pour un tour du monde.

Sois remercié, mon cœur
qui sans cesse,
m'extrais de ce grand tout,
distincte, même endormie.

Tu veilles à ce que je ne perce
le songe de part en part,
de part en part, départ
à tire d'ailes inutiles.

Sois remercié, mon cœur,
pour ce réveil nouveau,
Et bien qu'on soit dimanche,
jour de repos pour tous,
entre mes côtes
tu t'agites toujours, comme avant la grand' fête.


p.62
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Trois mots étranges

Quand je prononce le mot Avenir,
sa première syllabe appartient déjà au passé.

Quand je prononce le mot Silence,
je le détruis.

Quand je prononce le mot Rien,
je crée une chose qui ne tiendrait dans aucun néant.
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DISCOURS AU BUREAU DES OBJETS TROUVÉS


J’ai perdu quelques déesses entre le sud et le nord
ainsi que bon nombre de dieux entre l’est et l’ouest
Quelques étoiles s’éteignirent pour moi, le ciel m’est témoin.
Une de mes îles, puis une autre sombra dans les abysses.
Je ne me souviens plus où j’ai laissé mes griffes,
qui parade dans mes poils, qui occupe ma carapace.
Mes frères et sœurs sont morts avant d’atteindre la rive,
un seul petit os en moi fête cet anniversaire.
Je sortais de moi-même, dilapidais vertèbres,
perdais mes esprits un nombre incalculable de fois.
Depuis longtemps j’ai fermé mon troisième œil à ce propos,
haussé les branches et passé la nageoire.

Tout perdu, dispersé, semé aux quatre vents.
Je m’étonne moi-même du peu de moi qui reste :
seule et unique personne, provisoirement humaine,
qui cherche son parapluie perdu il y a une semaine.
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