« Je ne sais pas », étaient les mots préférés de
Wislawa SZYMBORSKA, espiègle poétesse polonaise. C'est par le battement de ces mots qu'elle expliquait la venue de son inspiration.
Interrogerez vous et le delta du rêve apparaîtra!
L'arbre de la connaissance ne cesse de croître, et pousse les branches au delà du visible. Suivre ses branches est un voyage. Un exode toujours exigé pour n'en plus connaître d'infligé.
Elle aura connu la guerre, les cendres, les larmes de sel, les combats, et le poids des despotes qui écrasent les hommes . Mais au milieu de ce tumulte incessant, l'inspiration a toujours fait entendre sa voix.
Elle donna ainsi esprit aux choses : Nous ne savons pas alors regardons davantage et plus loin.
Et ce loin c'est le rêve, ce n'est pas l'irréel, mais le sentiment des choses, de la clairvoyance des riens.
On pose mille questions comme si on posait ses pas.
Un pas entraînant un autre et nous voilà dans un espace que nous nous imaginions pas.
Dans ce recueil, édité chez Fayard dans collection Poésie, son discours prononcé devant l'Académie Nobel en 1996, lors de la remise de son prix de littérature, est un texte dans lequel, elle nous dit sa résidence en poésie. Langage humble, pétillant, étonnant, limpide.
Elle était poète et n'en s'excuse pas, ne s'en glorifie pas. Elle a pour le monde, pour tous les mondes, une si belle ambition ! Lucide et aimante. Elle aime le monde, la terre, les bêtes, les fleurs, et nous...les hommes... les gens . Ces gens, qu'elle ne sait pas. Et c'est dans la promesse de la multitude des réponses, des possibles qui peuvent naître, qu'elle aime vivre parmi nous.
La vie ? elle « l'attrape par la feuille ». Humour grinçant, images étincelantes « Je parlais du soleil en m'éteignant moi même ». Elle voit l'importance de ce que nous nommons minuscule, l'insignifiant ( « Tarsier » ). Elle remercie son coeur pour ses soixante dix mérites à la seconde. Elle observe « conspirer l'acrobate de la tête jusqu'aux pieds contre celui qu'il est ». Elle croque l'icône de la Grand mère et nous la montre persister à tout hasard qui n'adviendra jamais. Elle s'étonne de notre place, du hasard de notre nature, questionne notre responsabilité, se joue de la divine humanité qui nous habite, de la singularité de nos particul-arités « Tout perdu, dispersé, semé aux quatre vents, je m'étonne moi même du peu de moi qui reste ».
Elle regarde partout, soulève tout, retourne tout : une danseuse prend la pose ? Elle interroge l'instant, le mouvement, l'art éternel face à l'éternité artificielle. Elle titille cet inconfort dans lequel nous nous maintenons à tant vouloir paraître tel que nous voudrions être.
Nous sommes nombreux, amoureux, tremblants et souvent monstrueux.
Elle donne tous ses mots à cet espace de liberté qu'est la poésie. Elle est libre sous son pommier et ne le quittera jamais « Seul un prisonnier tient à rentrer chez lui ». Ce vingtième siècle, selon elle était politique, et nous sommes des enfants de ce siècle . La liberté porte des millions de traces de barbelés. Si on peut parfois en jouir, on ne doit jamais la négliger. L'élan de notre pensée dépend de la liberté.
Wislawa SZYMBORSKA met parfois ses mots entre parenthèses pour faire apparaître son idée dans toute sa dimension et créer le relief qui manquait au sujet. Sa poésie est vivante. Elle nous montre, depuis l' « extraordinaire », toutes les possibilités qui vivent dans le monde, et qui nous échappaient parce que nous ne les voyions pas.
Rendons hommage à
Piotr Kaminski pour son grand travail de traduction.
Astrid SHRIQUI GARAIN