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EAN : 9782352045939
300 pages
Les Arènes (01/03/2017)
  Existe en édition audio
4.03/5   1335 notes
Résumé :
Les citadins regardent les arbres comme des "robots biologiques" conçus pour produire de l'oxygène et du bois. Forestier, Peter Wohlleben a ravi ses lecteurs avec des informations attestées par les biologistes depuis des années, notamment le fait que les arbres sont des êtres sociaux. Ils peuvent compter, apprendre et mémoriser, se comporter en infirmiers pour les voisins malades. Ils avertissent d'un danger en envoyant des signaux à travers un réseau de champignons... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (254) Voir plus Ajouter une critique
4,03

sur 1335 notes
Emportez ce livre dans un sac avec un encas, à boire, de quoi vous couvrir… et partez vous enfoncer dans la forêt... la vraie, la primaire, l’originelle, pas celle domptée ou massacrée par l’homme.

Enlevez vos chaussures et marchez sur l’humus, sentez la vie sous vos pieds, devinez tout le microcosme là dessous, un monde insoupçonné qui participe à la bonne santé de la forêt, pour peu que l’on veuille bien la laisser évoluer en paix... les champignons ne sont pas en reste, au sol ou sur les troncs, ni les oiseaux qui se chargent parfois de transporter les graines et assurent la perpétuation des espèces.
Respirez ! L’air est plus pur dans la forêt et serait même un gage de longévité... même si la nuit le CO2 est en augmentation.

Chut ! Percevez les petits craquements et autres chuchotements du sous-bois : les feuillus se parlent, peut-être essayerez-vous de comprendre ce qu’ils échangent comme informations. Levez le nez vers la cime des arbres, cherchez où se niche la lumière, scrutez le balancement des houppiers dans le vent, leur orientation, leur ballet dans le ciel et même, qui sait ? leur chant... ou champ électrique. Parce que les arbres communiquent, ils se préviennent de tout un tas de choses, ils émettent alors des odeurs, fragrances subtiles pour repousser un ennemi... ou attirer un ami.

Écoutez également le chant du pinson qui, mieux qu’une grenouille, vous annonce l’arrivée imminente de la pluie.
La vie est très très lente dans la forêt, le rapport au temps est différent, mais la société des arbres semble bien organisée, avec des bébés arbres savamment élevés par leurs parents, des malades soignés avec une sorte d’empathie par les voisins, solidarité quand on fournit le glucose à son prochain par le truchement des racines et des liens bien réels... le modèle de cet éco système semble exemplaire. On soupçonne une sensibilité particulière au bout des racines qui permettrait de capter des signaux et de les transmettre. Les troncs, quant à eux, renseignent par une transmission précise des bruits perçus ; les arbres font alors leurs propres déductions.

L’auteur est un amoureux des arbres, un vrai. Il nous conte sa forêt avec passion et nous parle des Hêtres, Chênes, Épicéas... comme de ses amis... Je ne vous détaillerai pas tout le descriptif des découvertes dues à des spécialistes passionnés qui ont consacré leur vie à la recherche. Le livre est très complet dans ce sens. Je suis allée de surprises en surprises... la lecture est agréable, malgré un petit côté un peu scolaire par moment... et je pense que je le relirai d’ici quelques mois.

J’ai juste envie de vous dire : LISEZ-LE ET PRENEZ-EN DE LA GRAINE !
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Tranches de vie.
Alors que j'étais jeune et large d'épaule, à l'époque où je bossais chez Roussel, il y avait un type prénommé Jean François. Tous les matins il s'arrêtait sur le trajet qui menait de son magasin au bureau principal, devant tous les arbres (une douzaine de peupliers) pour leur souhaiter le bonjour. Inutile de dire que mon collègue et moi nous étions pliés comme des baleines. Tout de même ça m'interpellait : pourquoi faisait-il ça ? Mine de rien j'avais du respect pour ce garçon qui se foutait bien que deux gros blaireaux se moque de lui.
Petit garçon (huit à treize ans) les potes et moi avions comme limite de notre territoire "le gros hêtre" sur la route de Vandrimare, dans le virage en équerre juste avant d'attaquer la côte. Nous y avons joué, fait du cross à vélo sous sa voilure pendant des centaines voire des milliers d'heures. Rarement nous dépassions cette borne naturelle qui forçait le respect par son immensité. Adulte, j'y suis un jour repassé, les bûcherons l'avaient ratatiné.
Mon père lui, m'emmenait dans les forêts qui entourent le village de mon enfance, il les connaissait comme sa poche. Nous allions chercher des champignons, ramasser des châtaignes, chercher des fougères, du gui-houx à Noël ou simplement promener le chien. Je me rappelle d'une cabane de bûcherons, la porte n'était jamais fermée à clef, c'était l'époque John Wayne à la télé, cette cabane c'était déjà les prémices de l'ouest américain.
Ma cousine Christelle elle, a noué une étroite relation avec un chêne. Elle va le voir plusieurs fois par semaine avec Buck son chien et c'est comme-ci cet arbre les attendait. Elle arrive à échanger avec lui … Ma cousine c'est un peu une fée … Pour qui a des yeux il peut entrevoir ses ailes.
A la maison, tous nos animaux sont enterrés près du tilleul, qui dégage une si bonne odeur quand arrive l'été. Des milliers de bourdons et d'abeilles viennent y butiner jusqu'à plus soif. Quand les fleurs fanent, un tapis d'insectes morts jonche le sol. Assis le dos collé au tronc, j'écoute le doux vrombissement, un rayon de soleil filtre à travers le feuillage et réchauffe mon visage.
Avec Api nous empruntions le chemin derrière le château de Radepont. Dès les premiers pas, nous nous sentions protégés, nous ressentions la bienveillance des arbres. Les oreilles au vent, la truffe sur la piste d'un animal passé par là, nous nous enfoncions dans le sous-bois jusqu'à nous perdre, en quête de quelques brins de muguet, de jacinthe, d'anémone ou de coucou. En 98 elle est décédée, je n'y suis jamais retourné.
Au moment de classer ce livre sur Babélio, à étiquette j'ai inscrit : nature. Et puis chemin faisant je me suis ravisé et j'ai ajouté : spiritualité.
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Une seule envie en tournant la dernière page : aller faire une balade en forêt !

C'est un excellent document scientifique , avec de grandes qualités pédagogiques. On en apprend des choses sur les hêtres et les sapins , sur les collemboles et les lichens , sur la croissance des séquoias et sur la chlorophylle. Et si on les assimile aussi bien, c'est grâce au talent de conteur de l'auteur et son art de nous transmettre sa passion.

Du coup, les vegans n'ont qu'à bien se tenir. Parce que si les chênes sont capables d'émotions, de souffrance, on ne voit pas pourquoi il n'en serait pas de même pour les carottes et les salades!
Ne faisons pas de mauvais esprit : il n'empêche que les capacités de communication, et de coopération , car il s'agit bien de cela, lorsqu'on fait parvenir aux voisins des messages d'alerte sur la présence d'un prédateur qui s'en prend à votre écorce, sont bien étonnantes .

On retient également la formidable complexité des interactions , entraide ou concurrence , entre tous les éléments composant le système écologique forestier : insectes, champignons, bactéries , virus, l'équilibre fragile se fait autour de la lutte de chacun pour sa survie. Ça fonctionne, tant que le prédateur suprême n'y met pas son grain de sel : coupes claires, nettoyage, voire destruction pure et simple , nos congénères n'y vont pas de main morte

Une pensée pour les arbres des villes, que Maxime Leforestier (le bien nommé) avait chanté naguère :

« Comme un arbre dans la ville
Pour pousser je me débats
Mais mes branches volent bas
Tout prêt des autos qui fument
Entre béton et bitume »


Quand la passion s'allie à l'art de conter et au désir de transmettre, cela donne un superbe récit, à lire, relire, et offrir.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Reçu sous le sapin il y a peu, j'ai pensé que la meilleure méthode d'hivernage était de lire ce livre avant d'avoir le houppier réchauffé par le soleil printanier.

J'ai songé aussi à ceci: si les arbres sont ces êtres vivants alors la tronçonneuse est la pire arme de destruction massive inventée par l'homme. Car oui, les arbres et les plantes sont des "êtres" capables de mémoriser, de prendre des décisions et d'apprendre. "Elles pensent!" (Sciences et Vie de Décembre 2017) !
De l'anthropomorphisme? de nombreux résultats d'expériences laissent à conclure que non: on tient le bambou.

Peter Wohlleben, tel un vieux sage et surtout en tant que garde-forestier, livre une expertise pointue tout en montrant des talents de conteur qui m'ont fait passer de gland sous son chêne à instruit aux fruits de l'arbre de la connaissance.

Oui, car je crois dorénavant que lire c'est un peu comme se nourrir en captant la lumière du soleil. Et comme l'aulne, c'est prélever dans des sols marécageux de riches substances nutritives.

Par exemple, quand à l'automne les arbres chatoient de mille feux en exhibant des jaunes, oranges et rouges. On dira enfin: "Ah! c'est le retrait de la chlorophylle".

Bien qu'un peuplier par les vents et pour renforcer un faible ancrage souterrain, il convient de suivre les réflexions, glanées au fil du temps par M.Wohlleben - le bouleau d'une vie! – pour à l'avenir se porter comme un charme.
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Fascinants et enchanteurs, ces secrets qui se bruissent de branches de chêne à feuilles de hêtres depuis des générations ! Nous promet-on de nous révéler « Ce qu'ils ressentent » et « Comment ils communiquent » et l'on imagine ces géants verts avec un coeur qui palpite ; la forêt s'anime sous nos pas croustillants et cet univers moelleux devient féérique, comme la jolie couverture. La tentation est vive de faire ami-ami avec notre arbre préféré, le prendre dans nos bras - son large tronc rassurant, son odeur envoûtante et sauvage, la douceur de ses feuilles qui nous caressent et ses jolies branches jouant avec nous dans le vent. S'ils nous écoutent et nous parlent, alors nous devrions méditer les conseils que ces vieux sages bruissent à nos oreilles quand le vent les ébouriffe et que la magie opère. Puis contre le réconfort de leurs présence, prêtons aussi attention à leurs bobos : ces trous béants dans lesquelles les chouettes font leurs nids, ces lacérations faites par le chèvrefeuille, ces jolies boules de gui, pompant leur énergie…


Aucun arbre n'est une île. Les racines d'arbres amis s'enlacent en cachette et ne se lâchent plus, même si l'un d'eux est mourant. Ainsi les plus forts maintiennent les plus faibles en vie durant des années ! « les forêts sont des superorganismes » aussi organisés que les fourmilières. On ne peut s'empêcher longtemps de faire le parallèle entre eux et nous : Ils prennent soin de leur communauté ; ils développent des amitiés éternelles, faite de présence rassurante et de soutien ; ils respirent, réagissent aux blessures, tombent malades, saignent, crient, ont besoin de sommeil, aussi - et pourraient même avoir un cerveau ! Leurs grandes silhouettes ébouriffées, drapées dans leur posture sereine, nous ramènent à notre rapport à l'autre et à nous-même, questionnent nos certitudes et supériorité. Je me souviens d'un film magnifique où une étrange épidémie décimait les humains : il s'avérait qu'à force d'être maltraités par eux (pollution, pesticides, etc…), les végétaux avaient développé une défense : une substance qu'ils se communiquaient entre eux et aux humains par le touché et par le vent, et qui se répandait au fur et à mesure que les hommes mouraient… Comme ces acacias qui augmentent leur toxicité lorsqu'ils sont dévorés par les girafes, et préviennent leur congénères voisins en émettant un gaz. Une sorte d'insecticide.


Si au départ on se méfie de la tendance à l'anthropomorphisme, nous avons en réalité énormément de points communs avec cette espèce que l'on maltraite, sous prétexte que, n'étant pas humaine, elle serait inférieure et ne ressentirait rien. Après cette lecture, il est impossible de ne pas frémir à l'idée de ces arbres de plantations, destinés à ne vivre qu'une petite centaine d'années dans un sol pauvre, calibrés pour mourir jeunes ; Ou à l'idée de « ces enfants de la rue » : citadins sans racines profondes, sans famille puisqu'elle est régulièrement décimée, sans contact sous le goudron pour se faire des amis et survivre ensemble. Vie solitaire et triste, qui fait immédiatement réfléchir sur notre façon de vivre et de consommer… « Quand on sait qu'un arbre est sensible à la douleur et a une mémoire, que des parents-arbres vivent avec leurs enfants, on ne peut plus les abattre sans réfléchir ni ravager leur environnement en lançant des bulldozers à l'assaut des sous-bois. » Ça ne veut pas dire qu'il faut arrêter de consommer du végétal ; Mais de même que les animaux commencent à être mieux considérés en tant qu'êtres vivants, il s'agirait d'arrêter de traiter les arbres comme des choses, et de les utiliser de manière raisonnée. La Constitution des Suisses, par exemple, édicte une « obligation de traiter les animaux, les plantes et tout organisme vivant dans le respect de la dignité de la créature ».


Même si ce n'est pas un roman, c'est avec le talent d'un conteur et animé par sa passion que l'auteur nous dévoile la vie secrète des arbres, comme l'annonce cet extrait du sommaire : leurs amitiés, leur solidarité, leurs amours, leurs âges, l'école forestière, les histoires d'eau (!), les avis de tempête, les logements sociaux (tous ces animaux avec qui ils doivent cohabiter !), le monde souterrain, les rapports de force, etc… Un monde palpitant s'ouvre à vous, comme une parenthèse enchantée. Oui, enchantée, parce qu' « il importe aussi d'en conserver le charme et les énigmes. Chaque jour, des drames et d'émouvantes histoires d'amour se déroulent sous le couvert des houppiers, dernières parcelles de nature, à nos portes, où des aventures restent à vivre et des mystères à découvrir. Et qui sait : un jour peut-être le langage des arbres sera déchiffré et de nouvelles histoires s'offriront à nous. D'ici-là, lors d'une prochaine promenade en forêt, laissez votre imagination vagabonder. Il arrive souvent que la réalité n'en soit pas si éloignée ! ».


Certains arbres ont-ils eu une importance particulière dans vos vies ?
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critiques presse (3)
BoDoi
14 novembre 2023
Tout en brassant une multitude d’informations sur les arbres et leur écosystème, on suit donc l’itinéraire d’un individu qui a pris conscience sur le tas et sur le tard de toute la richesse des forêts.
Lire la critique sur le site : BoDoi
LaPresse
16 octobre 2018
On y apprend la communication entre les arbres, qui forment pratiquement un peuple, avec leurs aînés, leurs enfants, leur entraide, leur résilience, et tout ça dans une autre durée que la nôtre, autrement plus longue. Vous ne verrez plus jamais la forêt de la même manière lors de votre prochaine balade après avoir lu ce livre.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaCroix
01 décembre 2017
Cet excellent livre est un best-seller mondial, nouvelle réjouissante puisque sa lecture, édifiante et fascinante, permet d’envisager le monde sous un tout autre prisme.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (294) Voir plus Ajouter une citation
Comme les forestiers aiment le dire: la forêt crée elle-même son milieu idéal.
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Et quand un arbre est coupé ? Meurt-il ?
Qu’en est-il par exemple, de cette souche multicentenaire évoquée au tout début du livre, que ses congénères maintiennent sous perfusion pour qu’elle ne meure pas ? Est-ce un arbre ? Si ce n’en est pas un, qu’est-ce que c’est ? L’affaire se complique quand la souche forme un rejet. Et cela est d’autant plus fréquent que, dans de nombreuses forêts, les feuillus ont longtemps été exploités par les charbonniers qui les coupaient pour fabriquer du charbon de bois.

Les souches ont formé des rejets qui constituent aujourd'hui, des siècles plus tard, la base d'une majorité de nos forêts de feuillus, notamment de chênes et de charmes. La méthode consistait à couper et à laisser repousser les rejets une quinzaine d'années environ avant de les couper à nouveau, de sorte que jamais les arbres n'atteignaient une grande ampleur.

À l'époque,cette pratique du taillis était dictée par la pauvreté des populations qui ne pouvaient se permettre d'attendre que les arbres grossissent. Les formes en cépées, que vous pouvez rencontrer aujourd'hui en forêt, en sont des vestiges, de même que les renflements globuleux à la base des pieds-mères, signe d'une prolifération des tissus due à l'abattage régulier des rejets.

Page 94
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Tendez l’oreille, les vieilles forêts de feuillus offrent un service météo à court terme d’une grande fiabilité : le pinson des arbres.
En temps normal, le chant de ce passereau brun roux à tête grise est une courte série de notes descendantes finissant en fioritures, flûtées et mélodieuses (ne dit-on pas gai comme un pinson ?).
Que la pluie arrive, aussitôt le pinson change de registre et ne répète plus qu’une seule note, claire, et moins charmante.

page126
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Les feuilles, elles, sont fines et tendres, donc pratiquement sans défense. Pas
étonnant que les hêtres et les chênes se défeuillent dès les premiers frimas. Mais
pourquoi, au cours de l’évolution, ces espèces ne se sont-elles pas, elles aussi,
dotées d’une enveloppe plus épaisse et de produit antigel? Est-ce bien
raisonnable de fabriquer tous les ans jusqu’à un million de nouvelles feuilles par
arbre puis de ne s’en servir que quelques mois avant de péniblement s’en
redépouiller? L’évolution semble avoir répondu à cette question par l’affirmative,
car lorsque les feuillus sont apparus sur Terre, il y a quelque 100 millions
d’années, les conifères étaient déjà là depuis 170 millions d’années. Les feuillus
sont donc un groupe plus moderne au sens de l’évolution. Et à y regarder de plus
près, leur comportement automnal est effectivement très sensé puisqu’il leur
permet de mieux résister aux tempêtes de la mauvaise saison. Quand celles-ci
commencent à souffler en octobre, la forêt risque gros. À partir de 100 kilomètres
à l’heure, les vents sont susceptibles d’arracher des grands arbres, et de telles
rafales, certaines années, déferlent toutes les semaines. Détrempé par la pluie,
spongieux, le sol n’offre plus guère d’ancrage aux racines, or la pression exercée
sur un arbre par une tempête peut atteindre 200 tonnes. Il faut être bien armé pour
ne pas basculer. Les feuillus le sont. Ils peuvent se débarrasser de tous leurs petits
auvents pour gagner en aérodynamisme. Cela représente 1 200 mètres carrés(40)
de surface totale qui s’envolent et retombent en tourbillonnant sur le sol de la
forêt. C’est un peu comme si un voilier avec un mât de 40 mètres de hauteur
affalait la grand-voile de 30 mètres sur 40. Et ce n’est pas tout. Le tronc et les
branches sont conformés de telle sorte que leur coefficient de pénétration dans
l’air est en partie inférieur à celui des voitures modernes. L’ensemble de
l’architecture présente en outre une flexibilité qui amortit puis répartit la pression
des rafales sur l’arbre dans son entier. La combinaison de ces qualités permet aux
feuillus de traverser l’hiver sans dommages. Si des tempêtes d’une intensité
exceptionnelle surviennent, comme il ne s’en produit que tous les cinq à 10 ans, la
solidarité communautaire prend le relais. Tous les arbres sont différents,
l’histoire que chacun vit influe sur la disposition et le déroulement des fibres de
bois du tronc. Il en résulte que si la première rafale courbe tous les arbres dans
une même direction en même temps, ils se redressent à des vitesses diverses.
Habituellement, ce sont les rafales suivantes qui renversent un arbre parce qu’il
subit une deuxième poussée, qui le courbe un peu plus alors qu’il est en plein
balancement. Mais dans une forêt intacte, l’entraide joue à plein. Lorsque les
houppiers repartent en arrière, ils se heurtent les uns les autres puisqu’ils
reprennent leur place à des rythmes différents. Tandis que l’un ploie encore vers
l’arrière, un autre balance déjà vers l’avant. Il s’ensuit un choc moins violent qui
agit comme un frein sur les deux arbres. Quand la rafale suivante survient, ils ne
se balancent quasiment plus et le compteur repart à zéro. C’est toujours fascinant
d’observer le balancement des houppiers dans le vent, les mouvements de flux et
de reflux, et le jeu de chaque individu au sein de la communauté. Mis à part le
fait, bien sûr, qu’il est fortement déconseillé de s’aventurer en forêt par grand
vent.
Revenons à la chute des feuilles. Tout nouvel hiver surmonté démontre la
pertinence des efforts déployés chaque année par les arbres pour renouveler leur
feuillage. Avec l’arrivée du froid, de multiples dangers les menacent. La neige,
par exemple, est redoutable si elle s’accumule sur la ramure. Mais quand les 1
200 mètres carrés de surface foliaire ont disparu, les flocons blancs n’ont que des
branches nues où se poser et il en tombe plus sur le sol qu’il n’en reste sur les
arbres. La glace peut créer des dommages plus importants encore que la neige.
Nous avons connu trois jours durant, il y a quelques années, une étonnante
configuration atmosphérique dans ma forêt: des températures ambiantes
légèrement inférieures à zéro en même temps qu’un crachin anodin. À chaque
heure qui passait, mon inquiétude pour la forêt grandissait. La fine pluie
verglaçante se déposait sur les branches gelées et les alourdissait à vue d’œil.
Tous ces arbres habillés de glace, c’était magnifique. Dans les bosquets de jeunes
bouleaux, les arbres ployaient à l’unisson sous le poids de la glace, et j’en faisais
déjà secrètement mon deuil. Parmi les arbres adultes, les plus touchés étaient les
conifères, notamment les douglas et les épicéas qui perdirent jusqu’aux deux tiers
de leurs branches cassant avec fracas. Les arbres en furent très affaiblis, et il
faudra encore des dizaines d’années avant qu’ils aient retrouvé une silhouette
équilibrée.
Mais les jeunes bouleaux courbés m’ont surpris. Quand la glace a fondu, 95 %
des troncs se sont redressés. Depuis, quelques années se sont écoulées et ils ne
présentent guère de séquelles apparentes. Seuls ceux qui ne se sont pas relevés
sont morts; leurs frêles troncs pourris ont fini par tomber et ils se transforment
lentement en humus.
La chute des feuilles est donc une mesure de préservation adaptée au climat de
nos latitudes. Et accessoirement, l’occasion pour les arbres de pouvoir enfin se
soulager. De même que nous devons aller où le roi va seul avant de nous coucher,
les arbres éprouvent eux aussi le besoin de se libérer des substances inutiles
présentes dans les feuilles. Ils s’en défont en même temps que celles-ci tombent
au sol. La chute des feuilles est un processus actif; l’arbre ne doit pas être déjà au
repos pour se débarrasser de son feuillage. Une fois les réserves de nutriments
des feuilles redescendues dans le tronc, il fabrique une couche de séparation qui
ferme la communication avec les rameaux. Il suffit alors d’un léger coup de vent
pour que les feuilles se détachent et tombent. Ce n’est qu’à l’issue du processus
que l’arbre peut envisager de faire une pause. Et elle n’est pas superflue. Se
reposer lui est indispensable pour se relever du stress des mois d’activités. La
privation de sommeil a sur les arbres le même effet que sur les hommes: elle peut
être fatale. L’incapacité de bébés-chênes ou hêtres à survivre en pot dans un salon
n’a pas d’autre origine. Une seule année sans pouvoir se reposer et ils ne
repartent pas au printemps.
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Pour moi, ce sont les hommes qui depuis des millénaires sont responsables de la destruction des forêts par le feu, par négligence et sans volonté de nuire, par exemple en faisant cuire leurs aliments. Les causes naturelles, comme la foudre, qui est effectivement à l’origine de quelques petits foyers localisés, sont des phénomènes trop rares pour que les espèces européennes y aient développé une adaptation.
Tendez l’oreille la prochaine fois qu’il sera question des origines d’un incendie de forêt aux informations : la plupart du temps, c’est l’homme qui est incriminé.
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