AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,4

sur 693 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une lecture aux thèmes sombres puisqu'il sera question de maltraitance et de racisme, mais aussi de résilience.
Il s'agit d'un récit en trois tempos, en trois tableaux, une histoire qui se doit d'être exhaustive pour être appréhendée efficacement dans son effroyable réalité, je pense de plus que cette histoire sera perçue différemment selon le vécu des lecteurs.
L'histoire de Saul Indian Horse le petit ojibwé est bien sûr unique, mais c'est aussi et malheureusement une variation d'un thème tristement universel et éternel.
L'auteur va nous raconter chronologiquement et avec méthode sa vie, les premiers souvenirs sont ceux de sa prime enfance imprégnée de culture ojibwé, puis de huit à douze ans viendront les années passées à l'orphelinat catholique de Saint-Jérôme où il sera victime de l'acharnement des religieux à le purger de sa culture, de sa langue, témoin des maltraitances subies par ses amis et de la mort de certains.
Puis il y aura la "délivrance", le hockey sur glace qui lui permettra de se réfugier dans une bulle de passion, il y aura aussi la chance d'être adopté par une famille d'anciens pensionnaires eux-mêmes passionnés de hockey.
Je vais m'arrêter ici avant de résumer l'intégralité du livre car mon but est avant tout d'exprimer un ressenti, on apprend dès le début du livre que l'auteur est en cure de désintoxication et qu'il se raconte pour essayer de "s'en sortir", donc je vais laisser ceux qui souhaiteront le savoir lire ce livre et poursuivre la découverte.
Il me faut quand même dire que bien qu'ayant été aspiré par ce récit je ne pouvais pas me départir d'un sentiment de gêne, sentiment qui s'est envolé au chapitre 49 (sur 56), et je suis pour le coup admiratif car
ce chapitre 49 fait vraiment basculer le récit vers quelque chose d'essentiel qui donne l'éclairage qui manquait jusque là.
Saul a survécu, plus que beaucoup d'autres livres, "Jeu blanc" explique comment et à quel prix cela peut se faire parfois.
Ce fut probablement mon avis le plus difficile à rédiger, j'étais parti pour développer mon ressenti, l'expliciter et écrire quelques pages, je me suis abstenu et limité comme jamais encore pour ne surtout pas en dire trop, un indice sur l'impact qu'a eu cette lecture sur moi.
Il me reste à remercier Doriane qui a une très mauvaise influence sur ma PAL ;)
Commenter  J’apprécie          10518
Cela fait un mois qu'il est dans ce centre de réhabilitation. Et autant de temps sans une goutte d'alcool. Pour tenter de comprendre comment et pourquoi il en est arrivé là, Saul Indian Horse doit raconter son histoire. Mais, dans ce cercle d'hommes et de femme, cela lui paraît impossible. Trop à dire, trop à trier, trop à crier... Alors, il va l'écrire, son histoire...
… l'histoire du Clan des Poissons des Ojibwés du Nord où Saul vit avec sa famille, ses parents, son petit frère et sa grand-mère, au coeur des forêts. Une vie empreinte de légendes et de croyances...
… l'histoire des Blancs dont il faut se méfier, eux qui veulent enlever leur indianité...
… l'histoire de son petit frère, Benjamin, kidnappé par des Blancs. Revenu affaibli d'entre leurs griffes, il mourra des suites de la tuberculose...
… l'histoire de sa grand-mère, omniprésente et protectrice, qui paiera de sa vie pour sauver le petit garçon...
… l'histoire de sa vie entre les quatre murs de l'orphelinat St. Jerm's, régi par un Père et une Soeur despotiques...
… l'histoire du hockey dans lequel il trouvera son échappatoire et son salut...

Récit poignant et fort s'il en est, Jeu blanc émeut autant qu'il interpelle. Saul Indian Horse, jeune Ojibwé, va se retrouver bien seul après l'abandon de ses parents et la mort de sa grand-mère. Placé dans un orphelinat où violence, humiliation et abus sont monnaie courante, il trouvera néanmoins une porte de sortie grâce au hockey, sport pour lequel il semble avoir un don. Saul Indian Horse pourrait être le double, le frère de Richard Wagamese. Un frère porteur de ses souffrances, de ses blessures, de ses espoirs vains et déchus. Lui-même abandonné par ses parents, enlevé dans le cadre de ce qu'on appelle "La rafle des années 60" (programme visant à placer des enfants autochtones dans des familles d'accueil), trimbalé de familles en familles au coeur desquelles il ne trouvait pas sa place, ce n'est pas dans le hockey que l'auteur se réfugiera mais dans la littérature. En de courts chapitres, ce roman déroule, avec force et constat, une épopée tragique, illustration édifiante du sort réservé aux Indiens. Puissant, à la fois cruel et lumineux, porté par un personnage entier et sensible, Jeu blanc est, immanquablement, inoubliable...
Commenter  J’apprécie          907
Encore sous l'émotion de ma lecture du livre de Louise Erdrich, Dans le silence du vent, j'ai eu envie de relire Jeu blanc de l'excellent Richard Wagamese, qui m'avait enchantée lors de sa sortie.
.
Nous découvrons Saul dans un centre de désintoxication pour alcooliques. Il a une trentaine d'années et n'arrive pas à s'exprimer. Son psy lui conseille alors d'écrire l'histoire de sa vie, pour exorciser ses blessures, arriver à tourner la page et enfin arriver à avancer.
.
Alors l'auteur se raconte.
.
Saul, Indien Ojibwé, vit avec sa famille, fuyant les hommes blancs qui enlèvent les enfants pour les enfermer dans des orphelinats catholiques.
.
Sa soeur Rachel est allée dans cette école et n'en est jamais revenue. Son frère Benjamin y a été entraîné de force également.
Il ne reste que Saul.
.
Mais à 8 ans, il perd d'abord ses parents, puis sa grand-mère et se retrouve seul.
.
Bien entendu, l'école lui tend les bras. Au bout des bras, il y a des serres, qui agrippent, qui font mal, qui détruisent.
Les enfants sont battus, affamés, violentés, violés. Pour certains, une petite cage en sous-sol les attend. Son petit nom : La Soeur de fer...
.
Ils doivent abandonner tout ce qui faisait leur identité, à commencer par leurs cheveux qui sont coupés, leurs traditions, oublier leur famille, leur tribu, leur liberté.
.
Un an plus tard, Saul à 9 ans et découvre une piste de patinage dans l'enceinte du pensionnat.
.
Sa découverte coïncide avec l'arrivée d'un nouveau prêtre, lequel entraîne l'équipe de hockey sur glace, sport qui attire Saul irrésistiblement. le prêtre, avec lequel il se lie, lui permet d'intégrer l'équipe.
.
Véritable passion qui prend une importance qu'il n'aurait pas crue possible et lui fait un peu oublier tout le reste.
Dans cette horrible 'école" où l'on brise les enfants dès leur plus jeune âge, le salut se trouvera-t-il dans la pratique de ce sport ?
.
*******
.
J'ai été ravie de redécouvrir ce récit autobiographique. J'ai relevé de nombreux petits détails que j'avais oubliés.
Il me reste deux livres à lire de cet auteur. Je ne devrais pas trop tarder à les découvrir.
.
.
Commenter  J’apprécie          6938
Saul Indian Horse est un amérindien, un ojibwé du Clan des Poissons, les Anishinabés, au nord de l'Ontario, près de la rivière Winnipeg.

Pour l'heure, c'est un vieil ivrogne qui amuse les Zaunagush, les hommes blancs, dans son centre de "rehab'", New Dawn, en leur racontant l'histoire de sa vie.

De son enfance surtout.

Une enfance en noir et blanc.

Noir comme la mort qui lui enlève sa grand mère chérie et son grand frère. Noir comme l'orphelinat de St Jérôme, noir comme les habits des soeurs et des curés, ces prédateurs sans scrupule, qui usent et abusent de leur pouvoir de nuisance sur ces petits indiens sans défense arrachés à leur famille-tous ne sont pas orphelins- à leur langue, leur culture, leurs croyances. Noir comme leur avenir, sans respect, sans amour, sans issue...

S'il n'y avait, salvateur, le blanc éclatant de la patinoire de hockey.

Blanc comme la glace, blanc comme la neige, blanc comme la page où vont s'inscrire les revanches sur l'humiliation, blanc comme l'étincelante renommée, blanc comme ce vertige magique qui saisit Saul, après une phase d'observation, blanc comme cette "vista" qui décode soudain les lignes du jeu, lui donne la prescience des passes à faire, des trajectoires à emprunter, blanc comme ce pouvoir quasi chamanique qui fait de Saul un génie de la glisse, un maître de la stratégie- le dieu rouge de ce jeu blanc.

Mais voilà, nous sommes dans les années soixante, et le hockey sur glace, sport national des Canadiens, ce jeu blanc, est avant tout un jeu de blancs.

Quand un peau rouge en devient maître c'est une sorte d'affront.

Il faut payer.

A moins que cette virtuosité au hockey n'ait été, déjà, une façon d'expier , de payer autre chose. Une blessure plus ancienne, plus profonde..cachée dans la nuit de l'enfance. Un prêté pour un rendu. Un jeu blanc, dans le troisième sens du terme...

J'ai lu d'une traite ce livre magnifique, lyrique et beau, cruel et tendre, très largement autobiographique.

Un petit mot sur le hockey, qui risque d'en effaroucher quelques-uns...ou plutôt quelques-unes! J'ai été maman de deux hockeyeurs sur glace passionnés- surtout un, qui nous a même transformés en groupies itinérants! J'ai moi aussi adoré ce jeu rapide, vif, viril..pour ne pas dire plus, l' atmosphère glacée et électrique de la patinoire, toujours nimbée de cette poussière de glace qui aiguise les sens, et fouette le sang...Voir David, mon hockeyeur de 12 ans, lever la crosse avec vaillance pour demander l'accès à la glace me donnait toujours un petit coup d'adrénaline et mon estomac se serrait!

C'est dire si je n'ai pas boudé les époustouflantes pages sur les parties disputées par magic Saul! Mais c'est si bien écrit que même le lecteur le plus pépère, le plus allergique au sport, ne peut, lui aussi, qu'avoir "la vista" d'Indian Horse, et se représenter brillamment les matchs !

Ce jeu blanc m'a emballée, mais il m'a aussi tordu le coeur, de colère et de chagrin.

Pour Saul, il faudra fendre la glace , briser son miroir pour trouver, enfin, un sens apaisé à ce jeu équivoque et , finalement, pervers, ainsi qu' une façon d'y jouer qui permette à l'ivrogne repenti qu'il est de recouvrer dignité, douceur et fraternité, entouré des enfants de son peuple qui ont besoin, comme lui, de faire leur place sans se renier, dans une société blanche, catholique et raciste.

Dur, beau et fascinant comme la glace.


Commenter  J’apprécie          6913
La littérature n'est pas, pour le lecteur, un sport de combat. Je n'aime pas trop lire dans une critique : choc, claque, gifle, secouer. Mais ce livre m'a laissé abasourdi, intensément ému et indigné. Ce n'est pas vraiment une autobiographie* : Richard Wagamese n'a pas été un hockeyeur génial, et n'a pas, enfant, vu partir ses parents et mourir sa grand-mère dans la neige. Je ne sais pas s'il a subi lui-même tout ce qu'il décrit dans ce pensionnat catholique. Mais ces horreurs se sont produites partout, il y avait non seulement une vraie volonté de détruire chez les jeunes autochtones toute trace de leur culture, en les arrachant à leurs familles, mais aussi d'autres abus abominables. le gouvernement canadien a mis bien du temps à le reconnaître, certaines églises protestantes aussi. Quant au pape... il ne veut pas qu'on lui force la main, et « seuls 16 des 61 diocèses canadiens étaient impliqués, ainsi qu'une trentaine de congrégations sur plus de cent dans le pays. »** , donc il ne présente pas d'excuses au nom de l'église.
Et le roman? Je ne suis pas particulièrement admiratif du style, simple et classique. Mais la construction est d'une efficacité redoutable. S'enchaînent une belle histoire familiale et fantastique, la description très dure des sévices infligés par des religieux fanatiques d'une bêtise crasse, un début de rédemption par le hockey, la chute morale causée par des canadiens racistes ordinaires d'une bêtise crasse. Et la suite que je vous laisse lire, car le plus fort reste à venir.
J'ai été accroché au récit d'un bout à l'autre, ressentant les difficultés, les espoirs, la joie, la haine, la déchéance, la rédemption du jeune Saul Indian Horse, et vraiment c'est un témoignage qui donne envie de se révolter. La magie du hockey sur glace est donnée en plus, même pour un français qui connaît peu ce sport il y a des moments magiques, l'exaltation de la vitesse, de la force et la vision du jeu nous sont partagées pour des pages de grand bonheur.
Lecture obligatoire ? Pas autant que Primo Levi, mais peu s'en faut..

*  « I did not speak my first Ojibwa word or set foot on my traditional territory until I was twenty-six. I did not know that I had a family, a history, a culture, a source for spirituality, a cosmology, or a traditional way of living. I had no awareness that I belonged somewhere. »
**La Croix, 2 mai 2018. le pape et l'église ne me semblent pas mériter de majuscules.
Commenter  J’apprécie          644
Voici un livre autobiographique , passionnant , sensible et juste .
Il retrace l'enfance de Saul, (sans doute l'auteur ) .
Sa famille était issue du Clan des Poissons des Ojibwés du Nord, les ANishinabés.
Elle a vécu sur les territoires bordant la rivière Winnipeg .
C'est une oeuvre vraiment bouleversante .......de perte et de persécution , puis de renaissance dans laquelle Saul raconte son histoire et le rejet des indiens par les Canadiens dans les années 60.
Sa toute petite enfance est rythmée par les légendes Ojibwés, ----------en ce temps - là , son peuple s'en remettait à l'intuition _______le grand pouvoir spirituel de la pensée_________les cérémonies sur les rochers, les chants anciens , les prières dans la langue Ancestrale, la récolte du riz et la pêche .
Puis son exil , l'hiver de ses huit ans , la mort de sa grand- mère Naomi, (morte de froid pour le sauver) , la disparition de ses parents, l'enlèvement de sa soeur Rachel, Benjamin , son frére, lui aussi enlevé , revenu affaibli , mort de la tuberculose ........

Il intégre alors l'institution Saint- Jérôme ( qui n'a De Saint que le nom ) , un internat cruel, infâme et inhumain où les blancs feront tout pour effacer en lui son" Indianité", un enfer sur terre !
Il décrit les coups de ceinture, les raclées humiliantes, les gifles , les coups de poing sur la chair où certains étaient roués jusqu'au sang ..........
Une souffrance intolérable qu'il supporte car il se révèle secret, calme et renfermé, dépourvu de sentiments apparents .......
Il sait lire et écrire ce qui est un gros avantage ........
Les religieuses considéraient les indiens comme du bétail , nourris , abreuvés, et contraints de porter leur fardeau quotidien. On leur arrachait leur innocence, dénigrait leur peuple, la famille d'où il venait méprisée, son mode de vie et ses rituels tribaux étaient décrétés arriérés, primitifs et sauvages .........
Heureusement , au coeur de cet enfer, Saul découvre son salut grâce au hockey sur glace .......
Il réussit à rejoindre l'élite du sport national mais c'est sans compter sur le racisme qui régne encore au Canada au coeur des années 60 .
C'est un livre brillant , poignant à l'écriture magnifique faisant la part belle aux relations entre l'homme et la nature, qui retranscrit avec force la richesse , la singularité et la beauté de l'identité indienne !
Merci beaucoup , à Claire de la médiathéque qui m'a fait découvrir cette oeuvre attachante !
Commenter  J’apprécie          6315
« On oublie, hier est loin, si loin d'aujourd'hui,
Mais il m'arrive souvent de rêver encore,
A l'adolescent que je ne suis plus »

Saul, le petit indien Ojibwé devenu grand a refait le chemin à l'envers pour avaler, dévaler la montagne d'humiliation et d'avilissement qu'il a gravit sa vie durant où il a atteint les sommets de la malveillance et de l'animosité des hommes avec des pics de racisme et de cruauté effarants.
Son unique échappatoire, le hockey sur glace où il excelle lui apportera soulagement et apaisement. « La patinoire était le lieu où nos rêves prenaient vie. »

Tandis que le cauchemar habitait sa vie ! C'est mon ressenti et, par ce commentaire je ne peux ni ne veux raconter la honte et l'enfer qu'il a subi, c'est trop triste et je demeure troublé devant cette souffrance qui le fera sombrer dans l'alcoolisme.

Il n'y a que la fuite qui le sauvait quand il était acculé à la hargne.

J'ai beaucoup apprécié ce roman fort où contradictoirement j'ai constamment ressenti avoir mal pour lui.
Ce qui n'a été pour moi qu'un moment de rage, le malaise d'un instant de lecture a été pour Saul un calvaire qui n'a jamais cessé et qui atteint son paroxysme au dénouement de cette histoire tragique.

« Je découvris qu'être quelqu'un que l'on n'est pas est souvent plus facile que de vivre sa propre vie. »

Commenter  J’apprécie          576
Je vous présente mon premier coup de coeur 2018 qui porte le titre de "Jeu Blanc" de Richard Wagamese.
Le titre intriguant et le sujet m'ont attiré immédiatement et la belle écriture a fait le reste.

Ce roman raconte l'histoire de Saul, un jeune indigène qui connait très tôt les souffrances des siens. Sa soeur a été enlevée par les blancs et elle n'est jamais revenue, son frère a attrapé la tuberculose et il en est mort.

Emmené dans un pensionnat canadien après le décès de sa grand- mère, il entrera à son tour dans un monde obscur et sans amour. Saul sera le témoin des abus et des maltraitances des religieux envers les indiens, dans le but de leur faire oublier leur langue et leur culture.

C'est la passion pour le hockey qui va lui permettre de sortir du pensionnat pour lui ouvrir d' autres horizons.
Hélas, le hockey des années 1960, c'est' le jeu des blancs' et le racisme est omniprésent.

Un texte puissant plein de pudeur qui ne laisse pas indifférent et qui émeut.
Richard Wagamese rend un vibrant hommage à son peuple et explique l'impuissance de Saul et des siens condamné dès la naissance, par le simple fait qu'ils sont différents.
Bien que l'auteur lui-même n'a pas fréquenté les pensionnats, il avait des parents qui l'ont fait.
La souffrance d'un peuple ou d'un individu ne peut mieux s' exprimer qu'avec cette citation qui m'a touché :

Quand on t'arrache ton innocence , quand on dénigre ton peuple, quand ta famille d'où tu viens est méprisée et que ton mode de vie et tes rituels tribaux sont décrétés arriérés, primitifs, sauvages, tu en arrives à te voir comme un être inférieur. C'est l'enfer sur terre, cette impression d'être indigne.
Voilà ce que j'appelle un livre inoubliable. Un auteur à suivre pour moi. Bientôt j'irai vers "Les étoiles s'éteignent à l'aube".

Commenter  J’apprécie          496
Quand l'homme est tellement persuadé d'être supérieur aux autres qu'il peut se permettre d'imposer le mode de vie qu'il a choisi à tous ça ne peut se finir que dans le sang et les larmes. Ce qui me sidère c'est qu'après des décennies de colonialisme, de génocides, et j'en passe les leçons que nous en avons tirées semblent bien mince par rapport aux dégâts.
Dans jeu BlancRichard WAGAMESE nous fait partager le désespoir silencieux, discret et d'autant plus poignant de ces enfants indiens internés de force dans des « écoles ». Ecoles canadiennes pensées par des blancs pour les sauvages à civiliser : ça laisse présager l'étendue du désastre et pourtant c'est encore pire que ça !
Ces enfants avaient tout : l'amour de leur famille et leur tribu, un cadre, la liberté une vie spirituelle riche et un passé ancestral foisonnant, mais aux yeux de l'homme blanc ils n'étaient que des païens et des âmes en perdition. Une façon de penser pathétique et cruelle à l'image de leurs esprits étriqués. Ils leur ont donné des murs austères là où ils avaient un ciel étoilé et des forêts. Ils leur ont donné des prêtres et des soeurs : tristes geôliers austères et sans coeurs à la place de leurs parents aimants et protecteurs. Ils leur ont coupé les cheveux, vêtus de vêtements rigides et tristes, ont tenté de faire disparaître leur langue et de les déguiser en petits blancs. Mais la bonne nouvelle, alléluia, c'est qu'ils ont rencontré Dieu, le vrai, le seul, l'unique et qu'ils seront sauvés : l'enfer sur terre n'est qu'un petit inconvénient en comparaison ! Drôle de conception du monde.

Alors pour survivre Saul se réfugie dans la pratique du hockey, il s'en imprègne jusqu'à en faire une partie de lui. Mais un indien reste un indien aux yeux des blancs. Ecole ou pas, surdoué ou pas tant qu'il a une tête d'indien il sera traité en sauvage, en sous homme. Triste réalité que Saul se prend en plein visage. Il comprend à quel point le piège est vicieux et que plus il se débat plus il se referme sur lui. Plus il devient bon au hockey plus il est haï. Il comprend que son refuge a des limites et qu'il ne le sauvera pas de ses démons. Des démons invoqués par l'homme blanc. Ils sont puissants et le broient de l'intérieur, un jour où l'autre il devra les affronter ou ils le tueront. Pour le savoir il vous faudra lire et croyez-moi c'est une sacrée lecture qui vous attend.

Certains n'ont pas aimé les longues descriptions des matchs de hockey, personnellement j'ai adoré. D'une part j'y ai vu une métaphore (mais je n'en dirai pas plus) et d'autre part j'ai trouvé que cela cassait le rythme du récit de manière très agréable et dynamique. Mais surtout c'est au cours de ces moments que l'indien en Saul ressort le plus : victorieux et noble, au-dessus des coups bas et bien vivant malgré tout ce qui avait été mis en oeuvre pour le faire disparaître.

J'ai aussi beaucoup aimé la manière donc Richard MAGANESE nous raconte cette histoire. Il ne cherche pas à apitoyer, la dignité est essentielle. La souffrance est là pourtant, tapie dans les mots, violente et puissante. Mais l'auteur la contient, tient les rênes fermement, il faut rester digne. Quand enfin il lâche les chevaux et que le lecteur prend toute la dimension de cette souffrance, de la trahison et de l'horreur c'est comme un violent coup dans l'estomac. Ca coupe le souffle et ça donne la nausée.
Commenter  J’apprécie          4812
Saul Indian Horse, alcoolique invétéré, est en cure de désintoxication dans un centre dont les thérapeutes l'incitent à raconter son histoire, ce qui - selon eux - pourrait accélérer sa guérison. Mais plutôt que de la raconter de vive voix aux autres patients - “je ne peux pas la raconter dans un cercle. Je le sais. Il y a trop à trier et à passer au crible” - il préfère la consigner par écrit. C'est donc à nous, par le biais de ce livre, qu'il la raconte, cette histoire. Et quelle histoire !

C'est, dans les années soixante, l'histoire du peuple indien dans les vastes étendues canadiennes, un peuple de la nature et des mondes sacrés qui communique et danse avec les esprits. C'est l'histoire d'une tribu, celle des Ojibwé, à qui les Blancs enlèvent leurs enfants pour les élever très loin, dans leurs écoles et dans leurs villes. C'est l'histoire d'un peuple ancien dont la liberté, la sagesse, la spiritualité et les traditions sont méthodiquement détruites par le “progrès”, la violence et l'indifférente cruauté de l'homme blanc.

Et c'est l'histoire d'un petit garçon, Saul Indian Horse, qui à l'âge de sept ans, après la disparition de toute sa famille, devra quitter pour toujours ses forêts et ses lacs pour affronter seul l'univers des hommes blancs. Enfermé dans un pensionnat religieux à la discipline militaire qui lui vole “toute la lumière de (son) monde”, contraint à renier ses origines, sa langue, ses croyances et jusqu'à l'essence-même de son être, Saul découvre un monde d'une violence inouïe, tant physique que mentale et spirituelle. Comment continuer à grandir dans cet enfer d'une noirceur absolue, comment envisager de pouvoir, un jour, s'en échapper ?

La découverte du hockey sur glace, pour lequel il se révèle immensément doué, qui fera de lui un joueur de tout premier plan et une célébrité, bouleverse toute sa vie. Sur la glace éblouissante de blancheur des patinoires, sous les applaudissements des foules fascinées par la virtuosité de son jeu, il trace peu à peu, à coups de crosse frappés dans le palet, son chemin de lumière. Mais, au final, le hockey n'est qu'un jeu. Et c'est un jeu blanc, un jeu pour rien, un jeu de l'homme blanc et pour l'homme blanc, un jeu biaisé par le racisme, le mépris et la violence. Un jeu où l'Indien ne peut avoir sa place et auquel il ne peut survivre que dans l'alcool et la déchéance. Ou l'écriture.

Avec "Jeu blanc", l'Amérindien Richard Wagamese, décédé en 2017, signe un livre-testament, un roman autobiographique d'une grande puissance et le témoignage accusateur de la destruction d'un peuple et d'une culture. Une histoire dépaysante et bouleversante qui me laisse avec un mélange d'admiration pour le talent et l'écriture de l'auteur, et de colère envers la supériorité auto-proclamée de l'homme blanc et son cortège de haine, de bêtise et de nuisance.

Un grand livre et, assurément pour moi, une belle lecture.

[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
Commenter  J’apprécie          489




Lecteurs (1457) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1709 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..