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EAN : 9782746762008
416 pages
Autrement (08/09/2021)
4.42/5   42 notes
Résumé :
Isaac Blumenfeld, petit tailleur juif de Galicie orientale, change de nationalité comme de chemise. Pourtant, il ne quitte jamais son village. Dans cette partie du monde en cette première moitié du XXᵉ siècle, ce sont l'Histoire et ses conflits qui se chargent de vous faire voyager.
D'abord fidèle sujet de l'Empire austro-hongrois, puis heureux citoyen de la République de Pologne, habitant comblé du "paradis soviétique" et sous-homme apatride au sein d... >Voir plus
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Insignifiant. Il est insignifiant ce petit tailleur juif de Galicie. Et pourtant il a connu plusieurs vies, tant son parcours sur terre lui a donné d'occasions de côtoyer la mort. Il a raconté ses souvenirs à Ange Wagenstein, lui imposant la seule condition de ne rien publier de son vivant. Ne voulant sans doute affronter ni contradiction ni apitoiement. Ni commentaire non plus sur la forme qu'il donne à ses souvenirs : « Peut-on arrêter un Juif quand il a décidé de raconter une blague ? »

Le Pentateuque ou les cinq livres d'Isaac, nous confirme que l'humour peut être une arme redoutable, propre à tirer le tapis sous les pieds des va-t'en guerre de tout poil. Les cinq livres d'Isaac correspondent à cinq phases de la vie de ce dernier, lesquelles ont été riches en péripéties dont certaines prennent tournure de tragédie en ces temps troublés, puisque couvrant les deux guerres mondiales. C'est résolument le style adopté qui distingue cet ouvrage de ce qu'on peut lire habituellement sur le sujet. Il est en effet rarement abordé sous le ton de la dérision au point de glisser çà et là dans le corps de l'ouvrage des blagues, au demeurant toujours pertinentes mais n'écartant pas pour autant l'attention du lecteur de la gravité des faits relatés. Bien au contraire.

Ces cinq phases de la vie d'Isaac ont correspondu pour lui à cinq changements de nationalité tout en restant en Galicie orientale. Ce sont les frontières qui ont bougé autour de lui. Les vicissitudes de l'histoire ont fait que cette région de l'Europe centrale s'est vue disputée par tour à tour par l'Autriche-Hongrie, la Pologne, l'URSS, et l'Allemagne. Au mépris bien entendu de ses habitants, toutes confessions confondues, en particulier de la population juive. Ce qui fait imaginer à Isaac en son for intérieur que sa patrie la plus fidèle reste sa religion. Elle l'a accompagné fidèlement, tout au long « de cette vie merdique, absurde et inhumaine » jusqu'au camp de concentration puis contre toute attente et toute logique au fin fond de la Sibérie lorsqu'une de ses vies lui fera connaître le goulag. Même si la foi souveraine qui préside à sa vie chancelle quelque peu dans son coeur au point de faire inscrire en incipit à l'auteur de cet ouvrage : « Si la demeure de Dieu possédait des fenêtres, il y aurait beau temps que ses carreaux seraient brisés. »

Dans les vies d'Isaac, il en est une sixième qui les coiffe du halo de l'amour. Amour qu'Isaac porte à Sarah, son épouse, et à ses trois enfants. Autant de lumières de vie qui s'éteindront dans les camps ou sur les champs de bataille puisqu'aucun de ces êtres aimés ne reviendra combler ses vieux jours de sa présence aimante.

« Punition divine ou secrète caresse », c'est un membre du peuple élu qui s'interroge. Laissant entendre que cette élection lui semble loin d'être une aubaine. Il suffit de scruter l'histoire pour s'en convaincre. Mais là encore c'est la dérision qui l'emporte même dans les moments les plus noirs. le ton reste résolument celui de l'humour. Subtile, caustique, sophistiqué, efficace. Terriblement efficace quand il s'agit traiter avec dédain les acteurs du Système et de redonner de la grandeur à l'être insignifiant. Vous n'aurez pas ma haine semble-t-il marteler. Vous ne me prendrez pas au piège de votre bassesse clame-t-il ainsi à ceux qui piétinent la personne humaine.

Isaac se refuse à confondre l'Idée et le Système appelé à la matérialiser, s'y substituant tout en s'en légitimant. le système naît et se nourrit de l'idée, puis s'auto alimente et sombre dans l'atrophie, la perversion. Toute idée a le droit d'être. C'est le système qui en découle qui fait son malheur. Égratignant au passage le Christianisme qui a connu ses égarements quand son système s'est exprimé par l'inquisition.

« As-tu déjà vu un Juif se taire quand il a envie de parler ? » Tutoyant son lecteur il en fait son intime, Isaac a voulu lui laisser un message de sagesse, de tolérance. de philosophie à l'épreuve du dogme. L'un et l'autre s'accordant au service de l'humble, poussière humaine balayée par le système. Sans omettre de faire connaître sa solidarité confessionnelle, par-delà les siècles, clamant que la vraie grandeur exige un esprit libre dans ses pensées, ses choix, y accordant ses actes tant qu'ils respectent l'autre. le pentateuque ou les cinq vies d'Isaac est le livre de l'apaisement à défaut d'être celui du pardon. Son style en fait un ouvrage savoureux pour une potion amère.

Je remercie Babelio et les éditions Autrement de m'avoir gratifié de cet ouvrage.
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***Mise en garde : En cette veille de 11 novembre 2021 me voici condamné par Deborahbabelio à amender cette chronique sous peine de la voir éradiquée par une censure exacerbée, tardive et injustifiée à mes yeux. Comme l'anti-héro de ce livre je plie donc sous le joug de l'intolérance le partageant à la bêtise. Triste délitement des libertés fondamentales face aux lobbyistes fondamentalistes...***


Circoncis mais pas concis, ce récit où un juif commence son errance par de longues circonvolutions l'amenant à changer trois fois de pays sans même se déplacer ! Pas banal donc cette pseudo-autobiographie d'un fétu de paille balayé par le vent turbulant de l'Histoire. Plutôt ballot, inattendu. Malheureusement un climat prosélytique et me voilà tenu à distance d'un livre relativement nombriliste. D'où l'impression de traîner mes pieds dans une énième ressuée sur les deux guerres mondiales et l'enfermement volontaire dans le passé malgré des éclairs littéraires et une vivifiante ironie.


"Loin de moi l'idée, mon cher lecteur, de te confondre avec la pauvre rosse que je dois mener sans but précis au milieu des monotones difficultés de parcours qui jalonnent l'existence mais, objectivement parlant, on jurerait que tel est bien le cas et je t'en demande pardon." p.78


Soudain bien plus qu'un éclair, une phrase rédemptrice, étincelante étoile au-dessus des nuages : "Hello, doc Joe, je sais que la guerre est une chose horrible, qui fait de l'homme son complice - tantôt conscient, tantôt inconscient. Je ne représente pas, l'instance qui prononce les arrêts, aussi laisse-moi t'assurer que je ne me souviens de toi que pour le meilleur" p.234

Là, Isaac, déjà éminemment sympathique mais impénitent bavard, prend une toute autre dimension et de me souvenir qu'il ne faudra qu'un juste pour ? ... racheter tous les autres 😏. Merveilleux petit livre plein de tendresse et d'humanité qui se termine magnifiquement sur ce : "Pardonne-moi, Stefan Zweig, vieux malin qui apprenait aux autres comment vivre mais qui prit la poudre d'escampette ! Puisque la vie nous est donnée à vivre, nous la vivrons, rien à faire !" p.284

Aussi avant de devoir allumer une bougie : Shabbat Shalom.
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Angel Wagenstein (né en 1922 à Plovdiv, Bulgarie) juif séfarade est l'auteur d'Abraham le Poivrot qui m'avait fait beaucoup rire et qui se déroulait au bord de la Maritza.

Le Pentateuque ou les cinq livres d'Isaac - Sur la vie d'Isaac Jacob Blumenfeld à travers deux guerres mondiales, trois camps de concentration et cinq parties - 

traduit du bulgare

Isaac est un tailleur de Kolodetz, de l'ancienne province de Galicie, aujourd'hui en Ukraine non loin de Lvov. Isaac Brumenfeld fut successivement sujet et soldat de l'Empire Autrichien(jusqu'en 1918), citoyen polonais(jusqu'en 1939 , soviétique jusqu'à l'invasion allemande 1942, allemand (et interné dans deux camps nazis), réfugié en Autriche, interné en Sibérie....

Cette vie tragique est racontée de manière cocasse, véritable collection de blagues juives, qui me font sourire quand ce n'est pas rire aux éclats. Avec son compère et beau-frère le rabbin Shmuel Bendavid (qui devint Président du club des athées pendant leur période soviétique) ils traversent les épreuves avec débrouillardise et philosophie et surtout un grand humanisme.


La vie quotidienne des juifs du shtetl est décrite de manière vivante. Isaac est tailleur mais l'essentiel de ses commandes est plutôt de retourner un caftan pour lui donner sur l'envers un aspect présentable (sinon neuf) .  Ses connaissances des différentes langues parlées à Kolodetz, son Allemand littéraire, le Russe (qui sert surtout pour les jurons), le Polonais, en plus du yiddisch de la vie familiale, lui permet de survivre dans ses tribulations.

Chaque fois que la vie paraît impossible, une nouvelle anecdote (blague juive) va alléger le récit et les digressions sont annoncées parfois de manière plaisante :

J'ai recopié tout un florilège d'humour juif, je suis bien tentée de tout coller ici . 

Ce récit émouvant est un texte humaniste et pour finir , cette citation  illustre le sinistre "A CHACUN SON DÛ" des camps de concentration : 

"Qu'est-ce qu'un unique et misérable émetteur caché parmi des boulets de coke comparé à la puissance de leur armée ? » « Je vais te dire ce qu'il est : il est l'obstination de l'esclave, il est une provocation envers l'indifférence de l'acier qui donne la mort. Je vais te le dire : il n'est rien et il est tout, un bras d'honneur au Führer, mais aussi un exemple dont l'homme faible a besoin pour croire que le monde peut changer.
L'inscription qui surmonte l'entrée de tous les camps de concentration – « À CHACUN SON DÛ » – prendra
alors un sens nouveau et deviendra enfin réalité. Amen et shabbat shalom, Itzik ! »



Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Il y a quelques années j'avais été enthousiasmée par la lecture d'Abraham le poivrot, roman bulgare sur l'enfance et les souvenirs.
J'ai été tentée de lire cette réédition d'un autre roman de l'auteur (paru initialement en 2001) :
Isaac est né au début du XXeme siècle en Autriche-Hongrie. Au mois de mai 1918, il est enrôlé dans l'armée. Heureusement, le temps de faire ses classes, la guerre est finie pour l'Autriche-Hongrie. Celle-ci, dans les camps des vaincus, voit son territoire éclaté en plusieurs pays. le village d'Isaac se retrouve en Pologne. Vient alors pour Isaac une vingtaine d'années relativement « calmes » malgré l'anti-sémitisme croissant. Il se marie avec Sarah et ils ont trois enfants.

Ce roman est plein d'humour malgré le sujet grave traité : la tourmente de la Shoah emporte tout sur son passage.

L'auteur réussit à prendre tour à tour un ton léger (avec des blagues juives absurdes mais qui m'ont fait sourire) puis grave : dans 5 parties Isaac le narrateur nous raconte comment d'autrichien il deviendra Polonais, Soviétique, Allemand sans changer de village.
Ce livre est également féroce contre la bêtise humaine.
Stefan Zweig, cité à la fin du roman me paraît tout à fait une comparaison appropriée. Que faire quand tout s'effondre ? Et bien pas comme Stefan Zweig, continuer ….

Un roman très sensible, parfois loufoque à force de tant d'absurdités, et qui réussit malgré le sujet à faire rire…
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Le pentateuque ou comment raconter avec légèreté et humour la tragédie que fut le XXème siècle en Europe centrale. Isaac un tailleur juif de Galicie est balloté par les soubresauts de la grande Histoire, réussissant sans le vouloir à être successivement citoyen de cinq pays sans s'éloigner de son village mais pour s'y retrouver seul.
Dans une tradition littéraire bien établie : Isaac comme avant lui Candide, Chveik ou Simplicissimus est emporté par la guerre et survit à un parcours semé d'embûches sans perdre humanité et humour. Si pour lui tout se finit bien, son monde à disparu pour toujours.
C'est un hommage à l'Autriche-Hongrie que rend Wagenstein au travers de son personnage, homme sans qualité mais pas sans finesse d'esprit qui regarde la folie des hommes détruire un équilibre séculaire qui rassemblait des populations si diverses.
L'auteur ne se veut pas historien et reste à hauteur d'un homme dans la tourmente qui subit les évènements sans les prévoir, la Shoa est bien sûr présente mais avec suffisamment de distance pour ne pas déséquilibrer le roman.
Même si l'on passe du rire aux larmes, la tonalité du roman peut poser problème. Rendre compte des moments les plus tragiques avec un ton badin est parfois gênant, en bon humaniste Wagenstein met sur la route de Issac des ennemis plutôt bienveillants, nazis compris, c'est compréhensible pour un roman qui met la foi en l'homme au premier plan mais choque par son irréalisme.
Reste l'humour omniprésent, cet humour juif fait d'autodérision et de finesse qui conjure le désespoir et ouvre des abimes métaphysiques
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
J'étais fidèle à Sarah, je le jure. Mais pour être tout à fait sincère, j'ajouterais que cette fidélité tenait peut-être avant tout à la rareté des occasions susceptibles d'infirmer ou de confirmer mon assertion précédente. En pareille circonstance, je te conseillerais de ne pas accorder foi à celui qui te jurerait que pour rien au monde il ne toucherait à la langouste sauce tartare, sans t'assurer au préalable qu'il se soit déjà trouvé en position de le faire.
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il faut signaler que les talmudistes du sanhédrin de Babylone furent jadis sollicités afin d'élucider une certaine énigme : pourquoi Jéhovah attendit-Il le sixième jour pour créer l'homme et la femme ? La réponse des Sages fut on ne peut plus claire : Adam et Eve étaient juifs et fussent-ils apparus le premier jour qu'ils eussent rendu fou le Créateur à force d'avis et de recommandations.
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Telle est la loi de la nature: les forts dévorent les faibles, mais ils ont les yeux plus gros que le ventre - les coliques et aigreurs d'estomac qui s'ensuivent ne se guérissent que par des révolutions. Celles-ci engendrent le chaos, et du chaos naissent de nouveaux monde (espérons que le monde à venir sera moins merdique que celui d'aujourd'hui). Et ainsi de suite jusqu'à la prochaine redistribution des cartes - c'est à dire jusqu'à la prochaine guerre. Elle ne saurait tarder.
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Ne va pas chercher, je te prie, la moindre logique dans mon destin car ce n’est pas moi qui dirigeais les évènements, mais bien plutôt l’inverse – je n’étais ni la pierre du moulin, ni même l’eau qui fait tourner celle-ci. Je n’étais que le grain à moudre et les desseins du Meunier, gloire à Son nom pour des siècles et des siècles, me demeurent impénétrables.
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Empli de compassion envers son prochain, Bendavid n'en accepta pas moins de cumuler les emplois de zadik à la synagogue et au Club des athées - dans le premier cas pour ceux qui croyaient en Dieu, dans le deuxième cas, pour ceux qui croyaient en Marx.
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Video de Angel Wagenstein (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Angel Wagenstein
Angel Wagenstein - Adieu Shanghai .Emmanuelle Collas présente l'ouvrage d'Angel Wagenstein "Adieu Shanghai". Parution le 6 février 2015 aux éditions Galaade. Rentrée littéraire 2015. Traduit du bulgare par Kracimir Kavaldjiev et Véronika Nentcheva. http://www.mollat.com/livres/wagenstein-angel-adieu-shanghai-9782351763735.html Notes de Musique : ?Opium? (by Albert Glasser). Free Music Archive.
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