Ce tome est le premier d'une série consacrée aux Avengers, mais il fait aussi suite à la précédente série des Avengers écrite par
Mark Waid, à savoir All-New, All-Different Avengers. Il comprend les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2017, écrits par
Mark Waid, dessinés et mis en couleurs par
Mike del Mundo, avec l'aide de Marco d'Alfonso pour la mise en couleurs. Les couvertures ont été réalisées par
Alex Ross.
L'histoire commence alors que les Avengers sont en train de combattre Hoarfen, le loup de glaces. L'équipe se compose de Captain America (Sam Wilson), Thor (
Jane Foster), Hercules et Wasp (Nadia Pym). Après avoir neutralisé cette menace, l'équipe se rend au Baxter Buiding qui a été racheté par Peter Parker. Aidé par Ms. Beachum, ce dernier propose aux Avengers de leur servir de mécène comme le faisait Tony Stark par le passé. Malgré la présentation d'un nouveau Quinjet, Parker éprouve toutes les difficultés du monde à se montrer convainquant. Il faut dire que la cage prévue pour Redwing n'influence pas favorablement Sam Wilson. Une explosion au-dessus du ciel de Manhattan détourne l'attention des Avengers qui se rendent sur place sur le champ pour investiguer.
Parvenu sur place, les Avengers constatent que Vision est en train de combattre Kang. Ils sont bientôt rejoints par Spider-Man. Ils observent que Kang semble parfois se décomposer pour laisser apparaître Rama-Tut et Scarlet Centurion. Ils comprennent que Kang souhaite extirper une information de Vision. Ce dernier subit des dommages étendus, mais Kang finit par s'en aller sans avoir obtenu ce qu'il souhaitait. de retour à l'ex-Baxter Building, et après un peu de reconstruction, Vision explique à ses coéquipiers qu'il a déclaré la guerre à Kang, en l'enlevant alors qu'il était encore un nourrisson. Pendant ce temps-là, Kang a trouvé le moyen de s'allier avec Scarlet Centurion et d'aller intervenir pour assassiner les nourrissons qui allaient devenir les 6 Avengers s'en étant pris à lui.
Après avoir rebâti une équipe de jeunes Avengers dans la série All new All different,
Mark Waid a choisi de leur octroyer une série appelée Champions dessinée par
Humberto Ramos, les adultes reprenant possession de la séries Avengers. En scénariste chevronné, il intègre sa nouvelle équipe dans la continuité en vigueur dans l'univers partagé Marvel, en particulier le statut chef de multinationale de Peter Parker, mais aussi la nouvelle personne maniant le marteau de Thor, et la nouvelle Wasp, ainsi que le nouveau Captain America. Dès le premier épisode, le lecteur comprend que
Mark Waid a décidé de s'attaquer au cas particulier de Kang, un supercriminel capable de voyager à sa guise dans le temps, avec une histoire personnelle compliquée. Ce personnage est apparu pour la première fois dans le numéro 8 de la série Avengers en 1964.
Comme souvent dans une équipe de superhéros, les personnages ne disposent pas de beaucoup de place pour exister.
Waid dépeint Spider-Man comme le gugusse qui ne peut pas s'empêcher de sortir des vannes à tout bout de champ, pour gérer son stress. Cela lui donne la personnalité la plus développée, cependant très unidimensionnelle. Vision ne dispose pas de personnalité à proprement parler, il est surtout défini par sa volonté de mettre un terme aux agissements de Kang avec un plan inattendu, mais a priori efficace. Les autres personnages disposent de moins de particularités, et sont surtout définis par leur superpouvoir et leurs actes. le scénariste tricote une intrigue avec une utilisation un peu plus élaborée de la possibilité de voyager dans le temps. Non seulement, Kang et ses différentes incarnations temporelles et autres identités transitoires peuvent se situer n'importe où dans le temps (avec les paradoxes habituels qu'ils ne sont pas encore rencontrés, ou ne se souviennent pas de leur incarnation précédente), mais en plus il se sert de son pouvoir pour aller tuer des nourrissons bien avant qu'ils ne deviennent des superhéros à l'âge adulte. L'objectif de
Waid n'est pas tant de construire une structure alambiquée sur la base de paradoxes temporels, que d'exploiter les possibilités de ces voyages pour générer des situations périlleuses. le lecteur bénéficie du côté spectaculaire de ces croisements à différentes époques, sans avoir à subir la gueule de bois occasionnées par les paradoxes.
Derrière les couvertures éclatantes de couleurs réalisées par
Alex Ross, le lecteur découvre les pages inhabituelles de Mike del Mundo. Cet artiste travaille à l'infographie, avec une technique relevant de la peinture directe. Il a déjà réalisé des pages spectaculaires pour la série WeirdWorld (scénario de
Jason Aaron), et pour la série Elektra (scénario de
W. Haden Blackman). Dès la première page le lecteur est épaté par la sophistication des compositions chromatiques. L'artiste n'utilise que très rarement l'équivalent d'un trait encré pour délimiter les contours, préférant utiliser le contraste entre
les couleurs de surfaces différentes. Cela confère une grande fluidité aux dessins. Ensuite, il ne s'attache pas à reproduire les personnages avec une exactitude photographique. Il préfère s'attacher à l'impression produite, mais sans rien sacrifier dans la densité d'informations visuelles. le fait que la majeure partie du récit se déroule dans les limbes du temps, justifie que del Mundo puisse s'amuser à composer des camaïeux pour la majeure partie des arrière-plans. Il joue avec les effets de lumière de manière extraordinaire, et même avec du blanc pur. le lecteur éprouve la sensation que chaque case baigne dans de effets spéciaux luminescents, dans lesquels sont immergés les personnages.
Au final, il n'y a que peu de passages qui se déroulent dans un lieu physique bien établi : quelques pages dans le Baxter Building, quelques pages dans un lointain futur, quelques pages dans une zone désertique éloignée. Pourtant le lecteur ne ressent jamais l'impression que les personnages évoluent sur une scène de théâtre vide. Il éprouve la sensation d'être dans un spectacle chatoyant continu, dans une dimension merveilleuse. Même s'il se rend bien compte que l'artiste abuse de cette absence de décors, le spectacle reste entier. Il y a une exception : l'épisode 4 raconte l'histoire personnelle de Kang. le lecteur sait qu'il ne peut pas ajouter foi à ce qui va lui être raconté, car les origines de Kang sont aussi mouvantes que le souhaite le scénariste du moment. Pour cet épisode,
Mike del Mundo réalise uniquement des illustrations en pleine page, ou en double page. Il compose autant de tableaux magiques, illustrant la prose faite de courtes phrases de
Mark Waid. le lecteur découvre ainsi une version des origines de Kang qui en vaut bien une autre, sous la forme d'un conte aux images merveilleuses. Pour ces tableaux, l'artiste réalise des arrière-plans qui donnent moins une impression de remplissage, et plus celle d'une image conçue dans les détails.
Le lecteur plonge dans un monde lumineux où les effets de couleurs en deviennent quasiment hypnotiques, avec des superhéros à l'apparence merveilleuse, et un supercriminel tellement fluide qu'il en devient insaisissable.
Mark Waid a composé une histoire qui repose avant tout sur l'intrigue, et peu sur les personnages. le lecteur découvre donc cet enlèvement de Kang encore nourrisson, la volonté du Kang adulte de rétablir l'ordre normal de sa croissance, et sa neutralisation des Avengers en les assassinant dans le berceau. Il n'est pas dupe et il sait bien que tout reviendra à son état normal à la fin du récit, mais il se laisse prendre par un fil directeur clair, et des rebondissements énormes. Il faut quand même disposer d'un minimum de culture relative au personnage de Kang pour être sensible aux apparitions de Rama-Tut et de Scarlet Centurion. Si l'épisode 4 permet au lecteur novice de remettre un peu d'ordre dans cet imbroglio temporel qu'est l'histoire personnelle de Kang, ce n'est pas forcément suffisant pour l'intéresser au personnage s'il ne l'a pas déjà rencontré précédemment. L'absence de personnage réellement incarné limite également le degré de projection ou d'empathie pour un protagoniste. Il reste donc essentiellement les rebondissements. L'apparition d'une dizaine d'autres d'Avengers tirés de 2 époques temporelles différentes est sympathique, avec un bon duo comique entre Spider-Man et Hulk, mais également anecdotique puisque les personnages restent à l'état de porteurs de costume bariolé.
Ce premier tome propose une immersion visuelle dans un monde fluide, riche en luminosité, pour une narration visuelle des plus étranges, sans être vraiment révolutionnaire. le scénario emmène le lecteur dans une stratégie proactive, pour suivre une suite de combats contre un individu capable de se trouver à plusieurs endroits du temps et qui s'en sert intelligemment. La mécanique de l'intrigue est astucieuse et bien structurée, sans être renversante, sans provoquer de mal de tête. Au final, ce récit devrait plutôt ravir de jeunes lecteurs époustouflés par une narration non conventionnelle, que par des lecteurs plus âgés peu rassasiés par une intrigue un peu mince, et des personnages pas assez consistants.