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EAN : 9782207259504
176 pages
Denoël (23/08/2007)
4.4/5   5 notes
Résumé :
rescapée d'une discrète blessure amoureuse, une femme trompe la monotonie solitaire de son existence en rassemblant la nuit ses souvenirs d'un compositeur de musique autrefois aimé en silence ou en participant à des forums de discussion sur internet... usant d'une subtile polyphonie de pulsions secrètes et d'images, cécile wajsbrot nous plonge (d'une écriture aux douces lignes de fuite) dans l'intime enfer de la création musicale, seul art capable d'exprimer la symb... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

Que dire de ce livre sinon qu'il fut pour moi l'occasion d'une émotion intense, faite d'émerveillement, de trouble, d'inquiétude, de compassion, de rares moments d'une joie douce et d'une vibration qui vous amène au bord des larmes ?
Le tout, sans aucun effet stylistique, avec naturel, juste par la grâce des mots,, des phrases à la fluidité toute musicale, un regard attentif et bienveillant posé sur les êtres qui habitent ces pages - pas des personnages de littérature - des êtres riches et doux, sombres et lumineux.
La narratrice n'a pas de nom, elle parle de ses rencontres. D'abord, celle qu'elle a eue avec cet homme silencieux qui l'observe dans un café et capte son regard, celui qu'elle appelle « le maître », et qui va la faire venir chez lui, dans son salon, sur un simple coup de fil. Puis, la rencontre avec cette femme « des confins de l'Ukraine », qui l'observe depuis le trottoir qui longe la vitrine de l'agence immobilière où elle travaille. Anonyme, elle aussi, chargée de sacs en plastique dans lesquels elle semble traîner sa vie. Elles se parlent, prennent un café, le contact est fugitif, incertain, fait de quelques mots et de silences. Un fil ténu de compréhension fragile les unit. L'une nettoie des appartements vides de leurs habitants, l'autre cherche à vendre ou louer des appartements trop chers pour la plupart des gens. Vides, aussi.
Et enfin, il y a ce « vous », auquel elle s'adresse, qu'elle découvre en tant qu'ami du maître. Ce « vous » qui lui demande de restituer par écrit ce qu'elle a pu observer, sentir, comprendre, chez cet énigmatique compositeur, musicien rejeté par la bonne société des musiciens académiques mais aussi par ceux qui s'affichent « contre », contre le système, l'argent, les conventions, « contre », en général.
Le musicien reste énigmatique, vrai génie méconnu, artiste paranoïaque, créateur en quête d'inspiration, manipulateur qui joue de son emprise sur la jeune femme, du haut de son appartement perché au-dessus de Paris, lui servant du thé et des discours sur la création, ses sources, ses freins, ses moments de folie créatrice et de désespoir ? Il aligne les mots et les idées comme des notes sur une partition. Il compose...

La conversation se fait à pas feutrés, dans le confort minimal de son salon parisien, et il prend de plus en plus d'influence sur la narratrice, auditrice, disciple, faire-valoir peut-être, amoureuse en secret peut-être, d'un homme qu'on ne peut ni aimer ni haïr, ni admirer, ni mépriser. Juste en avoir un peu peur, peut-être...

Curieuse valse à quatre temps, quatre personnages, que ce roman qui n'en est pas absolument un, qui offre une plongée en profondeur dans la création de l'oeuvre musicale, sur fond de bande-son où se croisent Chostakovitch, Berio, Beethoven ; les remarques sur les instruments - le hautbois et la clarinette, instruments de l'automne, et surtout le but ultime, la sommation intérieure qui taraude le maître : écrire un requiem, oeuvre ultime et magistrale de sa vie.

Ce livre ne comprend que 174 pages. Pourquoi ai-je recopié un nombre si important de phrases ? Pourquoi ai-je l'impression que ce sont mes propres émotions, mes propres questions sur l'art, sur la vie et le rapport aux autres, sur l'absence, qui se retrouvent sous la plume cursive et pleine d'élégance de Cécile Wajsbrot ?

Une expérience de lecture unique, mais peut-être juste parce qu'elle arrive au bon moment, dans la bonne configuration de ma vie personnelle...
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Je croyais que vous n'aimiez pas l'air du temps.
Il y a l'air du temps et l'esprit du temps - il ne faut pas confondre. L'air du temps est une question de mode, le souffle qui balaie les rues, vous savez, à l'automne, quand les feuilles sèches sont dispersées par le vent - le bruit qu'elles font en effleurant les trottoirs, les chaussée, est celui de l'air du temps. Mais l'esprit, lui, demeure invisible, ou il faut scruter longtemps avant de l'apercevoir, à cette condition on peut le cerner et l'extraire, comme un objet précieux de fouilles archéologiques... Il est ce qui se dérobe et que vous cherchez inlassablement, jusqu'à ce que, un jour, il apparaisse dans l'évidence - car les choses les plus profondes sont aussi les plus simples.
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Chacun est face à lui-même, seul, disait-il, et composer est une façon de briser la solitude, briser l'encerclement car notre solitude est cernée par ceux qui veulent à la fois s'emparer de nous et nous abandonner. C'est ce que je voulais traduire, la dialectique de l'encerclement et de l'abandon au sein de laquelle il n'y a pas de dialogue possible.
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Le chant, disait-il, est une tentative d'atteindre l'infini. La voix s'étire comme un arc bandé puis la flèche est lancée et plonge en plein cœur ou tombe à côté. Avez-vous éprouvé cette sensation, disait-il, cette sorte de douleur, ce serrement de cœur quand on vous dit quelque chose de particulièrement juste ou d'effrayant, d'émouvant, quelque chose qui vous atteint? Cela arrive dans la musique et c'est ce que je cherche à produire, cette douleur douce. Mais ce but nous échappe et même quand un morceau est achevé, on ne sait pas si la flèche s'est plantée au cœur ou si elle est tombé à côté, jusqu'au moment d'entendre le morceau interprété - on ne sait pas si on a réussi ce qu'on voulait et si tel n'est pas le cas, il est trop tard.
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Chacun vit dans son univers, disait le maître. Ce n'est pas une fatalité mais une donnée de départ. On peut chercher à le quitter, on peut le refuser - on finit par être rattrapé.
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Nous sommes tous à la recherche d'une chose qui nous dépasse, disait-il, ou plutôt, nous en avons l'intuition et la vie se passer à essayer de reconnaître cette chose. Pour moi, c'est la musique.
Et moi, demandais-je, ceux qui ne composent pas, qui ne veulent pas particulièrement créer une œuvre?
Tout est possible, disait-il, le travail, l'amour, la foi - pourvu que vous placiez quelque chose au-dessus de vous.
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« Les Lettres dans la forêt courent tant bien que mal la poste d'avril à octobre 2021. À la parution d'Une Autobiographie allemande – en 2016 – nous sentions ne pas en avoir tout à fait terminé avec notre échange. C'est ainsi qu'est née l'idée d'écrire un autre livre, une correspondance, aussi, autour de la littérature, domaine peu abordé dans le premier livre. Nous nous sommes écrit des lettres, envoyées d'abord par la poste puis par la voie électronique, lettres soumises au grand désordre du confinement. Il y a eu des pauses, des reprises, d'autres pauses, des répétitions. Nous avons décidé de tout garder pour conserver la spontanéité de l'échange.»
Hélène Cixous, Cécile Wajsbrot
À lire – Hélène Cixous, Cécile Wajsbrot, Lettres dans la forêt, éd. L'Extrême contemporain 2022.
Lumière par Patrice Lecadre, son par Adrien Vicherat
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