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Critique de Cathy74


J'habite à 40 kilomètres de Genève, ville agréable, cossue, un peu surannée parfois. Genève, ses cafés cosy, ses bâtiments majestueux, ses galeries commerciales luxueuses, hélas fermées le dimanche...
Héritière de la pensée de Calvin, cité des banquiers, Genève demeure de nos jours attachée à l'idéal de tempérance et d'ordre. Ainsi, lorsqu'en décembre 2018 les citoyens genevois se prononcent en faveur du (suivez bien) contre-projet du Grand Conseil qui autorise l'ouverture des commerces le 31 décembre (jour férié) ainsi que trois dimanches par an, c'est sous condition expresse de préserver la paix sociale : pour la population il est inimaginable que "l'extension des heures d'ouverture se fassent sur le dos des employés" avec le risque fâcheux d'un désordre.
Nous voici immédiatement raccord avec « Une histoire du luxe à Genève », dont la lecture débute au XVIe siècle par la longue histoire des lois somptuaires – tentatives de modération des dépenses – et s'achève au XVIIIe siècle, ancrage du mythe de l'austérité calviniste (or, on verra que Calvin était un peu plus réaliste qu'on ne le pense généralement).
Dans la seconde moitié du XVIIIe en effet, le luxe est remis sur la sellette par les représentants de la République qui prônent à leur tour égalité et simplicité pour tous (la simplicité étant considérée une vertu cardinale). S'appuyant sur ces principes fondateurs républicains, les représentants demandent alors vigoureusement des mesures d'austérité pour lisser les clivages (on verra que ce n'est pas si simple).
Au fil des pages, nous faisons la connaissance d'un tailleur nommé Delachanaz, lequel s'indigne véhémentement de la mode des faux-cheveux et mène une guerre sans pitié contre les perruques ; nous croisons Jean-Jacques Rousseau qui vient de renoncer aux signes ostentatoires de richesse comme les dorures et les bas blancs ; nous nous étonnons de Voltaire, incorrigible architecte, maître d’œuvre et paysagiste talentueux. Et que dire de la mise en scène iconographique des grandes familles, instagrammeurs avant l'heure.
Luxe de l'espace de vie, des déplacements, des festivités (naissances, mariages), des rituels (décès et signes de deuil), des bijoux, dentelles, ornements, arts de vivre (table, concerts)… tout est ratissé et codifié au fil des époques par le Consistoire, les ordonnances, la Chambre de la Réformation, les règlements divers et variés.
Cela donne le tournis, et sous la plume de Corinne Walker, c'est enchanteur comme un tour de valse sur un parquet genevois. Passionnant, instructif, documenté, d'une beauté discrète (comme il se doit pour son sujet), écrit avec une verve gouailleuse, je recommande vivement ce livre. Il vous donnera envie de visiter Genève.

(Masse Critique. Je remercie Babelio et les Éditions La Baconnière pour la découverte de ce bel ouvrage).
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