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EAN : 9782879299822
1488 pages
Editions de l'Olivier (20/08/2015)
3.83/5   162 notes
Résumé :
Le lieu : l’Amérique du Nord (les U.S.A., le Canada et le Mexique ont fusionné en une fédération.)
L’époque : le futur proche. La Société du spectacle a gagné, et la population hébétée par la télévision, les loisirs et la consommation à outrance ne songe plus qu’à se distraire.
Le décor : une académie de tennis et un centre de désintoxication.
Les personnages principaux : la famille Incandenza, qui rappelle la fameuse famille Glass des romans d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
3,83

sur 162 notes
Comment parler de ce roman-monde démesuré ? Il m'a bien fallu 90 jours de lecture pour en faire le tour et en venir à bout. Ce roman est l'oeuvre d'un cerveau un peu dérangé qui prend un malin plaisir à torturer le lecteur, à le balader dans tous les sens. Mais quelle jubilation d'être ainsi traité de main de maître !


David Foster Wallace est un bricoleur avant-gardiste qui multiplie les expériences de toutes sortes mais son roman reste lisible et compréhensible. Certes l'entame du livre est déstabilisante et la chronologie est dans un premier temps totalement incompréhensible. Ecrit au milieu des années 90 et publié en 1996, le roman se situe dans un futur proche, mais les années de notre calendrier n'existent plus. DFW nous plonge dans un système d'années portant le nom de sponsors. Ainsi une grande partie du roman se déroule au mois de novembre de l'année des sous-vêtements pour adultes incontinents Depend, comprenez 2008 ou 2009. Comme le récit n'est pas du tout linéaire mais passe d'une période à une autre par de multiples flashbacks et allers-retours, le lecteur est donc en chute libre jusqu'au moment où il commence à se raccrocher aux branches et à comprendre un peu comment est construit le livre lorsqu'est livrée la clé de ce calendrier inédit en page 311. Et une fois la dernière page lue, vous retournez au début et vous comprenez que le livre commence par la fin et par la scène la plus tardive.


DFW déstabilise également son lecteur par de multiples récits et personnages. le roman est construit sur trois fils narratifs principaux :
. l'histoire de la famille Incandenza
. l'histoire d'un établissement de désintoxication
. l'histoire de séparatistes québécois et de leurs adversaires des services secrets.
Les récits finissent par se rencontrer et se croiser mais en partie seulement.


Le premier fil nous présente la famille Incandenza :
. le père, auteur notamment d'une oeuvre de cinéaste expérimental et fondateur d'une académie de tennis, cadre d'une bonne partie du roman
. la mère, directrice de l'académie en question
. les trois fils : Orin le joueur de foot professionnel, Hal interne à l'académie de tennis et Mario le simple d'esprit.
Il est possible d'y voir une référence au roman de Faulknerle Bruit et la Fureur et aux destins des trois frères Compson mais aussi aux Frères Karamazov de Dostoiëvski, roman cité de manière explicite par DFW.

Le deuxième fil est celui de Ennet House, établissement de soins pour alcooliques et drogués, situé tout près de l'académie de tennis dont il est question plus haut et fonctionnant sur le principe des Alcooliques Anonymes . DFW commence par nous présenter de manière erratique divers personnages échoués dans cette maison avant leur admission à Ennet House. le lecteur voit ainsi apparaître successivement de nombreux personnages sans comprendre immédiatement la finalité de ce foisonnement. Un point commun à tous : l'extrême déchéance dont ils sont issus. Parmi les pensionnaires, Joëlle , l'ex petite amie d'Orin Incandenza et actrice dans plusieurs films du père. DFW a effectué un véritable travail de terrain pour décrire cet univers et a passé je crois de longs moments à assister aux réunions d'une association d'aide aux alcooliques et aux personnes dépendantes.


Le troisième fil est celui des terroristes séparatistes québécois, poursuivis par les services secrets d'un état fédéral nord-américain regroupant Etats-Unis, Mexique et Canada et dirigé par un ancien crooner, obsédé par l'hygiène. Les Québécois cherchent à se rendre maître d'une arme terrible, un film réalisé par le père Incandenza (L'infinie comédie), ayant le pouvoir d'annihiler toute volonté chez les personnes qui le visionnent. La piste de ce fil également suivie par les services secrets mène à l'académie de tennis, à la famille Incandenza et à certains pensionnaires de Ennet House.


Le roman peut se déchiffrer de plusieurs manières. C'est un tableau effrayant, dystopique, du futur proche d'une Amérique noyée sous les divertissements , le culte de la performance et les psychotropes. Aucun personnage n'est vraiment ‘normal'. DFW nous dépeint une galerie de monstres de cirque, le cirque étant devenu la norme. le pouvoir politique est tourné en ridicule. DFW nous livre un tableau critique très complet de l'Amérique contemporaine et de ses dérives. le roman fait penser dans sa construction aux grandes fresque de l'histoire de la peinture, très fouillées avec de multiples scènes et personnages, comme celle de Giotto à Padoue, ou celle de Tiepolo à Würzbourg.


Au-delà de la critique politique, je vois aussi ce livre comme la peinture du mal-être de l'individu contemporain, de l'impossible communication entre les êtres (notamment dans les scènes où les personnages semblent se parler mais ne s'écoutent pas ou ne se comprennent pas). le thème de la filiation, de la transmission entre générations et de la relation père-fils (ou plus généralement enfant-parent) est omniprésent dans le roman. Ne serait-ce que par le titre, tiré de Hamlet et de la scène du cimetière où Hamlet se retrouve face au crâne du bouffon Yorick. Hamlet, le fils sans père. Un autre passage du roman fait référence à la scène du spectre du roi dans la pièce de Shakespeare. Certains passages font également référence au mythe de Méduse qui avait le pouvoir de tuer tout mortel qui la regardait ; on peut penser aussi à Orphée et Euridyce, mythe où le regard signifie la disparition et la mort.


Le roman de DFW est aussi un exercice formel sur le langage. DFW multiplie les niveaux de langage différents, du plus recherché et du plus philosophique au plus relâché et au plus trivial. Certains passages prennent la forme de lettre, d'article de presse, de dissertation, de dialogue de théâtre. L'inventivité lexicale est foisonnante. DFW pose la question de la façon dont il est possible de décrire la réalité (par les mathématiques ? par la littérature ? par une prose fonctionnelle et objectiviste ?).

Autre exercice formel : la malice que met DFW pour perdre son lecteur entre le corps du texte et les renvois à la fin du livre. Il y en a 380 au total. Certains ont la longueur d'un chapitre entier et sont manifestement des passages du texte principal que l'auteur a simplement déplacés là pour forcer le lecteur à se balader entre les différentes parties du livre.


Quel que soit le style utilisé, l'écriture de DFW est toujours très précise, quasi-chirurgicale. Et son roman est d'une drôlerie irrésistible. Certains passages m'ont fait éclater de rire. La scène finale du règlement de compte entre truands est un sommet digne d'un Tarantino, baroque et excessif.


Ma critique est très longue comme le fut ma lecture ! Je ressors totalement enthousiaste de ce roman foisonnant et très riche, qui fait partie de ceux que l'on n'oublie pas. Un monument.
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Roman d'anticipation écrit dans les années 90, L'Infinie Comédie a déjà rejoint notre réalité. L'action se situe en effet dans un monde où les loisirs occupent une place de premier plan, et la technologie ne sert qu'à rendre le divertissement plus accessible, avec, notamment, les vidéos à la demande.

Ces dernières modifient considérablement le comportement des citoyens : débarrassés désormais du carcan de l'attente, du rendez-vous imposé à heure fixe, ils veulent tout tout de suite, sans rien planifier, sans se soucier des conséquences et implications de leurs décisions. Les problèmes de dépendance explosent. Et lorsqu'une vidéo émerge de nulle part, qui apporte tellement de plaisir que ses spectateurs meurent peu de temps après le visionnage, la peur s'installe : car malgré toutes les belles idées sur la raison et le libre arbitre, l'espèce humaine se rend compte qu'elle pourrait bien se suicider devant son petit écran.

En plus de cette intrigue, on suit deux groupes d'individus : la famille du réalisateur de la vidéo mortelle, dont chaque membre est un peu cinglé à sa manière, toujours au bord de l'explosion ; et un centre de désintoxication, où se mêlent joyeusement alcooliques, héroïnomanes et adeptes d'autres substances qu'on ne manquera pas de vous détailler.

Alors, comment résumer mes impressions sur ce roman ? Disons que je me sens comment après un banquet qui a duré 2 jours, comporté 3 entrées, 7 plats principaux et 4 desserts. Faut-il retenir l'incroyable explosion de saveurs qu'on m'a offert, ou la terrible indigestion qui a suivi, me faisant jurer de ne plus me nourrir que de carottes cuites à l'eau et de pain sec pour le restant de mes jours ?

L'écriture est assez déstabilisante, avec un vocabulaire très soutenu, mêlant plusieurs styles différents, abusant des notes de fin de livre, que vous ne devez pas négliger puisque des chapitres entiers s'y trouvent. Mais plusieurs jours après avoir refermé le livre, je préfère me souvenir des meilleurs moments : des scènes glaçantes sur la dépendance, des situations délirantes mais jubilatoires, des réflexions cinglantes sur nos contemporains et des discussions délicieusement absurdes.

Une petite déception sur la fin tout de même, qui n'en est pas vraiment une, et laisse l'ensemble de l'histoire et des personnages sans point final. À croire qu'après quelques mois d'écriture, l'auteur en a soudain eu assez et a transmis le manuscrit sans le terminer.

Les critiques sont généralement divisés en deux camps : certains crient au chef-d'oeuvre, d'autres au roman terriblement prétentieux. À mon sens, il est peut-être bien les deux, mais ma foi, c'est un mélange qui me réussit plutôt bien.
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D'abord, je tiens à signaler que je n'avais pas vécu une expérience de lecture comme celle-là depuis un moment. le narrateur est omniscient. Il nous fait passer du récit d'un personnage à l'autre. Il n'y a pas de vrai héros à mon sens, mais une galerie de personnage. La psychologie est détaillée pour tous, une véritable toile d'araignée où les personnages principaux ou secondaires se croisent forcément au cours des 1300 pages.
Le fil rouge, c'est la famille Incandenza, le père James brillant physicien optique qui a crée et dirigeait une école de tennis, avant de se tourner vers le cinéma. Sa femme Avril, mère possessive et intelligente. Hal, jeune prodige du tennis. Mario handicapé moteur, qui est le caméraman du centre d'entrainement. Mais aussi Orin, qui est un brillant punter au football américain. Hal est un personnage important. Il est obsédé par le tennis et ses performances, un véritable robot qui deviendra plus intéressant au fil du récit. Sa seule distraction, c'est de fumer de la drogue en cachette. On se prend d'affection pour ce gamin surdoué du langage mais incapable d'exprimer ses émotions. La famille est liée à un mystérieux film fait par James dont je parlerai plus loin. Une grande importance est accordée au sport et notamment au tennis dont l'auteur nous décrit le système concurrentiel, mais aussi la camaraderie, les règles, la quête de célébrité et la peur de décevoir. le roman se déroule dans le futur, les EU ont établi un vaste protectorat (fédération entre EU-Mexique, Canada appelé la Grande concavité). Un nouveau territoire des EU a été dessiné par le président américain Gentle, ancien crooner, obsédé par l'hygiène. Il a décidé d'abandonner des parties de son territoire au Nord Ouest, à proximité du Canada. Celui-ci sert de décharge à ciel ouvert polluée, par les déchets ménagers. Il y a donc une réflexion politique sur la société de consommation, le rêve américain, la nation. Mais aussi sur la liberté et le libre arbitre. L'auteur parsème sa fresque de nombreuses références littéraires, de séries. Il décrit de manière très précise les nouvelles règles de cette société. Dans celle-ci, le temps est sponsorisé par des marques, les émissions sont disponibles à la demande et en temps réel. On finit par être totalement immergé par celui-ci. Un monde foisonnant, complexe où l'ombre domine.
Un autre fil rouge du roman est la recherche du mystérieux dernier film de James Incandenza. Une histoire d'espionnage se développe alors, avec les personnages de Marathe et ses associés, qui sont des assassins en fauteuil roulants. Les EU avec Steeply et les séparatistes québécois cherchent ce mystérieux film. Celui ci provoque une addiction extrême et ceux qui le regardent sont obsédés par lui. Où est-il ? Dans quel but a-t-il été crée ? Cette enquête prend une part importante dans le roman et donne envie de le poursuivre pour savoir ce qu'il y a sur ce fameux film. L'univers décrit est centré sur la violence, la drogue. L'auteur critique la société du spectacle, l'américain moyen toujours en quête de plaisir et de divertissement. C'est un monde de fantasmes et d'obsessions autour des médicaments, de l'herbe. Ce monde de la drogue est hyper décrit, les phénomènes de manque, la dépendance et ses conséquences sur le corps et le mental avec les personnages de Lenz, Poor Tony. La violence est aussi présente comme l'inceste et le viol qui sont au coeur de la vie de plusieurs personnages. Les relations familiales compliquées sont disséquées à travers cette fresque de personnage, l'image de la femme, de l'être humain n'est pas très positive. Ils luttent tous contre leurs démons intérieurs, la maladie, la dépression. On a la sensation d'être enfermée dans un cerveau enfiévré et malade. C'est une véritable expérience de lecture, extrême parfois.

L'auteur décrit et analyse aussi l'obsession pour les nouvelles technologies et la dépendance qu'elle crée. Ce récit est donc très visionnaire car il a été écrit dans les années 1990. Il brosse un portrait sans concession de notre monde moderne, obsédé par le plaisir et les nouvelles technologies. Parallèlement à cela, la maladie, les handicaps physiques comme celui de Joëlle , défigurée après un accident et ancienne petite amie d'Orin, sont aussi un thème lancinant dans le livre. Les descriptions des corps, des sensations, du décor sont très importantes. J'ai eu l'impression de me retrouver dans un tableau du peintre Jérôme Bosch digne de l'enfer par moment, ce qui est assez déroutant. le style de l'auteur est parfois vulgaire, ou hyper pointu, ce qui est parfois déstabilisant. Mais il fait réfléchir à ses propres démons intérieurs et obsessions, à cet enfer comme celui de Dante dont le titre français du roman fait écho. J'ai eu l'impression de descendre avec les personnages « au fond du trou. »
Les récits sont parfois difficiles à suivre par leur densité, des conversations qui s'entremêlent et une confusion entre réalité et hallucination. le style est exigeant et demande une attention soutenue pour ne pas perdre le fil. Mais au fil des pages, on s'habitue à cette folle construction et à ce style. Je n'ai qu'un conseil à vous donner : partez pour une expérience de lecture non identifiée si vous aimez être dérouté et surpris sinon passez votre chemin.
Lien : http://eirenamg.canalblog.co..
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on sent que c'est génial. Il m'a fallu cette deuxième lecture pour mieux l'appréhender. C'est génial mais on ne sait pas si on adore ou si on est mitigés.
Il y a tant de styles, tant de récits, tant de personnages, tant de trames que l'on en deviendrait presque fous à garder chaque détail en tête.
La critique sociale de l'abêtissement généralisé, nous y sommes et nous le vivons, la victoire des médias, la victoire d'un système, le combat pour résister à l'inertie sont des choses, des contextes que nous appréhendons aisément. le trouble qui s'en dégage, l'angoisse qui s'en généralise nous la ressentons également.
L'auteur semble se délester de son sac de pierres afin de nous le transmettre. C'est bien lourd, c'est ardent, c'est acerbe et mélancolique. C'est splendide.
Je ne peux en dire plus c'est un livre délicat à décrire. Si vous n'avez pas peur de cette richesse et de cette épaisseur lisez le, n'hésitez pas.
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Et si nous donnions une chiquenaude à la réalite?
Voilà le défi que David Foster Wallace s'est donné dans cette oeuvre gargantuesque, en cours de traduction française.
Une chiquenaude qui déplace le monde d'aujourd'hui jusqu'à ses limites. Un monde devenu grotesque, névrosé, entraîné dans la démesure de l'entertainment, du divertissement, dans lequel évoluent des personnages pleins, loufoques, profondément tristes et pourtant délicieusement cyniques.
Le monde de demain, où, comme dirait Neil Postman, on se distrait à en mourir.
En plus d'un cadre spatio temporel extraordinaire, si loin et pourtant si proche de nous, Wallace joue, flirte, drague avec les mots, et passe du slang des ghettos de Harlem au français québécois soutenu, qu'il réinvente pour notre plus grand plaisir.
On passe d'une réunion d'Alcooliques Anonymes, aux élucubrations d'un adolescent aisé, joueur de tennis, aux plans terroristes de clans québécois extrémistes, le tout dans un style parfait, virevoltant.

Et dans tout ce souk, une cassette, de l'entertainment parfait, qui, une fois enclenchée, provoque la mort de son audience par passion. Une fois visionnée, cette cassette rend tout risible. d'ou vient-elle? Que contient-elle? Impossible de le savoir.

Attention, intense.
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critiques presse (3)
Bibliobs
07 septembre 2015
"L’Infinie comédie", le roman culte d’un écrivain génial et malheureux.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LePoint
26 août 2015
Roman encyclopédique réputé intraduisible et délirant, L'Infinie Comédie est son chef-d'œuvre.
Lire la critique sur le site : LePoint
Lexpress
21 août 2015
Si l'on accepte de s'y perdre, L'Infinie Comédie se montre aussi inoubliable qu'une finale mythique d'un tournoi du Grand Chelem.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (72) Voir plus Ajouter une citation
La moitié des admissions en service psy concerne des collégiennes qui ont avalé deux flacons de Midol après une rupture amoureuse ou des déprimés asexués solitaires qui ne se consolent pas de la mort de leur animal de compagnie. Le trauma cathartique d'une admission dans un service officiellement psy, quelques hochements de tête compréhensifs et quelques signes prouvant qu'on ne se fout pas complètement de leur cas - ils se reprennent, on les relâche.
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TINE : Il est hors de question qu'un terme humanitaire déprimant comme "réfugié" soit employé ici. Je ne saurais trop insister là-dessus. Reproprié : oui. Sacrifié sur l'autel du renouveau de la nation : tout à fait. Des héros, une nouvelle race de pionniers dans une ère nouvelle, partant à la conquête d'un territoire américain déjà conquis mais non souillé : bien sûr.

SEC. PRESSE : Neil, à la direction de la Com., a épluché la documentation. Apparemment, le terme "réfugié" peut être contesté si... je cite directement son mémo :
a) si aucun chariot de fortune contenant des biens mobiliers n'est tracté par des bovins à cornes incurvées,
b) si le nombre d'enfants de moins de six ans nus (a), hurlants (b) ou les deux (c) est inférieur à 20% du nombre total d'enfants de moins de six ans en transit.
Il est vrai que Neil s'appuie sur le Guide totalitaire de la propagande à poigne de Pol et Diang mais, à la Com, ils pensent que ça peut se régler sans difficulté.

TINE : Les équipes de Marty et Jones ont bossé jour et nuit sur des stratégies pour parer à toute forme visible de réfugisme.

SEC. PRESSE : Tout bovin à cornes incurvées sera abattu à vue. Les meilleures agents de l'organisation de Rod se sont postés à des endroits stratégiques dans des camions rutilants pour distribuer des vêtements d'enfants de la ligne "Winnie l'Ourson" fournis gracieusement par Sears, afin d'éradiquer la nudité à la source.
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Vous n'avez que ce mot à la bouche : liberté ! Pour votre pays muré. Toujours à crier 'Liberté ! Liberté !' comme si le sens de ce mot était évident pour tout le monde. Mais je vais vous dire, ce n'est pas aussi simple que ça. Pour vous, être libre, c'est être libéré de, mais personne n'explique à vos précieux individus états-uniens ce qu'ils doivent faire. Vous ne connaissez que cette signification : être libéré de la contrainte, de la peine. Mais être libre de, et non pas seulement libéré de, hein, qu'est ce que vous dites de ça ? Les contraintes ne viennent pas toutes de l'extérieur. Vous faites semblant de ne pas comprendre. La liberté de faire. Comment choisir librement si le choix se limite à des gourmandises infantiles, si vous n'avez pas de père aimant pour vous guider, vous informer, vous apprendre à choisir ? Il n'y a pas de liberté de choix si on n'a pas appris à choisir.
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Un tiers des 50% de Bostoniens qui continuent à sortir de chez eux pour aller travailler pourraient s'en dispenser s'ils le souhaitaient. Et (retenez bien) 94% de tout le divertissement ONANite est désormais consommé à domicile : impulsions, cartouches de rangement, aménagements numériques, décoration domestique - tout un marché de divans et d'yeux pour le divertissement.
S'en plaindre, c'est comme se plaindre de la circulation routière, des tarifs des assurances-maladie ou des risques de la fusion annulaire : personne, à part quelques écolos luddistes bouffeurs de muesli, ne saurait se plaindre de ce dont on ne peut se passer.
Une infinité d'écrans privés personnalisés sont regardés derrière des rideaux tirés dans la nonchalance rêveuse des foyers. Un monde flottant non spatial de regards personnels. Toute une nouvelle ère millénaire, sous Gentle et Lace-Forché. Liberté totale, intimité, choix.
D'où la nouvelle passion millénaire pour le spectacle vivant. Tout un calendrier clandestin d' «opportunités spectatoriales» publiques d' «op-spects», la chance inestimable de s'intégrer à une foule contemplative. D'où les Attroupements de Badauds devant les accidents de la route, les explosions de gaz, les agressions, les vols de sac à main ou les lancers ratés de véhicules Empire W.D. à vecteur incomplet atterrissant dans les cités de banlieue du North Shore et attirant les multitudes de curieux avides qui sortent de chez eux à la hâte en laissant leur porte ouverte pour admirer le spectacle de l'impact avec beaucoup d'attention, s'assembler en cercle autour de témoins oculaires. D'où l'apothéose et la multiplication des musiciens de rue à Boston, dont les meilleurs roulent maintenant en voiture de marque étrangère. Toutes les nuits, à 00h00, heure du changement de côté de stationnement, on peut entrouvrir ses rideaux pour regarder le capharnaüm dans la rue, les engueulades, les embouteillages, les affolements. Les bagarres, les flagrants délits de vol dans les supermarchés, les ventes par adjudication, les arrestations pour excès de vitesse, les tourettiques coprolaliques au coin des rues, tout cela draine des foules importantes. C'est un compagnonnage anonyme, le plaisir partagé d'assister à quelque chose hors de chez soi, dans le monde extérieur, d'être une paire d'yeux parmi des dizaines d'autres, toutes orientées dans la même direction. Mais quelle prise de tête pour les contrôler, tous ces attroupements devant les scènes de crime, les incendies, les manifestations, les parades, les défilés, les émeutes canadiennes ; ils se forment si vite qu'on ne les voit pas venir, c'est une sorte de fusion inversée, visuellement, un noyau dur de spectateurs agglutinés par une force centripète.
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Qu'il n'est pas nécessaire d'aimer une personne pour apprendre d'elle. Que l'isolement n'est pas fonction de solitude. Qu'il est possible d'être tellement en colère qu'on voit réellement rouge. Ce qu'est un étui pénien. Qu'il existe vraiment des voleurs - des gens qui volent ce qui vous appartient. (...) Que les alliances claniques, l’exclusion et les commérages peuvent être des formes d'évasion. Que la validité logique n'est pas une garantie de vérité. (...) Que vous éprouvez subitement le besoin irrépressible de vous défoncer avec votre Substance, si irrésistible que vous craignez de mourir si vous n’y cédez pas, mais que vous demeurez assis, les mains crispés sur vos genoux, la figure moite d’envie, voulant céder mais tenant bon, voulant tout en ne voulant pas, disons, et que si vous parvenez à dominer cette envie pendant toute la durée de la crise l’envie finira par passer, par disparaitre – du moins pour un moment. (…) Que, dans une proportion de 99%, la pensée des penseurs compulsifs a pour objet eux-mêmes ; que ces 99 % de pensée autocentrée consiste à imaginer des choses qui vont leur arriver puis à s’y préparer ; et que, bizarrement, s’ils cessent d’y penser, 100 % des choses auxquelles ils consacrent 99 % de leur pensée et de leur énergie pour les imaginer et se préparer aux contingences induites et à leurs conséquences ne sont jamais bonnes.
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Vidéo de David Foster Wallace
Relecture de l'oeuvre labyrinthique de David Foster Wallace, dont le regard aigu sur la société américaine nous éclaire plus que jamais. Avec Jakuta Alikavazovic, écrivaine et traductrice des "Considérations sur le homard", et Pierre Ducrozet, écrivain et auteur de la préface de "L'Oubli".
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