L'opinion peut bien jouer vis à vis des individus un rôle de régulation, de contrainte; mais elle répond à des convenances qui sont d'ordre social; elle dépend de facteurs qui traduisent la structure, les tendances d'une société donnée ou d'un groupe social.
Les jugements se rapportent nécessairement à l'usage ou à la morale communément admise; les motifs sont de ceux sur lesquels a coutume de s'exercer la casuistique sociale ou celle de groupes plus ou moins particuliers et restreints.
L'individu doit s'adapter à l'opinion, doit lui subordonner ses besoins, ses appétits, ou du moins il doit donner à ses appétits ou besoins une forme et des objets tels que la satisfaction en soit approuvée ou tolérée par l'opinion.
Ce qu'il apprend à exprimer et par suite à connaître de ses désirs, ce n'est en somme que leur aspect socialisé.
Le caractère est ramené à des termes qui relèvent beaucoup moins de ce que l'individu peut être en lui-même que de l'opinion.
Jean Yves Rochex - Henri Wallon. Acte, pensée