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Critique de kielosa


Cet ouvrage a été sélectionné par le Goethe Club des lecteurs d'Ostende dont je suis membre, pour discussion ce dimanche 22 avril. L'original du titre de cette oeuvre de l'écrivain suisse, en langue allemande, Robert Walser (1878-1956) est fort différent : "Jakob von Gunten. Ein Tagebuch" ou le nom du protagoniste principal, suivi de 'un journal (intime)'. On est donc loin de cet Institut Benjamenta situé à un endroit géographique non spécifié. Symbolique ?

Je dois admettre que la lecture, et à plus forte raison la critique de cette oeuvre, m'ont causé des problèmes. En fait, l'auteur m'a mis devant un paradoxe : d'un côté, on sent évidemment qu'on a à faire à un grand monsieur de la littérature mondiale ; d'un autre côté, on se sent comme un étranger dans son univers tout à fait particulier. le parallèle entre Robert Walser et Franz Kafka a souvent été fait...et à juste titre. Bien que je trouve que l'esprit de Walser est encore plus difficile à pénétrer que celui du grand maître de Prague.

Les réactions des lecteurs sont extrêmement divergentes : il y a ceux qui sont éblouis par son talent et estiment, comme le "New Yorker", qu'il s'agit d'un véritable chef d'oeuvre littéraire ; et ceux qui n'ont pas accroché. Honnêtement, il me faut avouer - à tort ou à raison - que j'appartienne à la deuxième catégorie. Et j'ajouterai que certains passages m'ont plutôt ennuyé. Peut-être parce que cet ouvrage manque un récit, dans le sens d'un enchaînement d'événements.

"L'institut Benjamenta" se présente avant tout comme une création d'atmosphère et cette atmosphère est celle qui, en Allemand, est qualifiée par le mot "Weltschmerz", où Welt est monde et Schmerz douleur. En d'autres mots, un sentiment de souffrance de l'individu devant un monde qui lui échappe et où il se sent plus ou moins perdu. L'écrivain John Green définit ce terme dans son roman comme "le sentiment d'abattement qu'on ressent quand le monde extérieur ne correspond pas au monde tel qu'on voudrait qu'il soit" (source Wikipédia pour la citation).
Le "Weltschmerz" était relativement bien répandu parmi les auteurs de l'Europe centrale de l'époque où cet ouvrage a paru, en 1909. Comme exemples, je mentionne Hermann Hesse et Heinrich Heine. Sans oublier Kafka, bien entendu.

Force est de constater que Robert Walser est un virtuose de la parole et un maître dans la formulation d'idées contradictoires.
Son jeune héros, Jakob von Gunten, excelle dans cet art. Les descriptions qu'il nous livre de ses camarades à l'institut, de son directeur Benjamenta et sa soeur Lisa Benjamenta, ainsi que de son propre frère, Johann, l'artiste, en sont remplies. Jakob lui-même ne fait pas exception à la règle : il a une multitude de conceptions sur le monde tel qu'il existe et devrait être, mais déclare aussi n'avoir de la vie "absolument aucune attente". Autre exemple : il considère Kraus comme son meilleur ami, mais ne peut s'empêcher de lui faire part de considérations dont il sait parfaitement bien qu'il aille les trouver débiles.

J'étais curieux d'apprendre les impressions de mes amis du Goethe Club d'Ostende, ce matin. Je n'ai pas été surpris outre mesure de constater que les avis y étaient autant partagés que parmi les chroniqueurs sur Babelio.

Celles et ceux qui sont intéressés par ce grand auteur un peu à part, je conseille vivement de lire la très belle biographie que l'écrivaine et journaliste française, d'origine autrichienne, en a publié, en 1989, Catherine Sauvat : "Robert Walser", réédité chez le Rocher en 2002. Cette auteure est connue pour ses biographies de Stefan Zweig et surtout d'Alma Mahler, livre que je compte chroniquer sous peu.

Pour finir, hélas, pas en beauté... 2 anecdotes.

1) du remarquable ouvrage de Laurent Seksik "Le cas d'Eduard Einstein", nous savons que le fils du génie d'Albert Einstein a passé un certain temps en clinique psychiatrique. À un moment donné, il y a passé son séjour en compagnie de Robert Walser, qui a été hospitalisé en 1929, à l'âge de 51 ans, au Centre d'Herisau en Suisse.

2) Ce dernier y est mort, en se promenant dans la neige, le jour de Noël 1956 ! Il avait 78 ans. Lire à ce propos de Carl Seelig "Promenades avec Robert Walser".

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