AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de BazaR


Enfin je lis ce fameux Sinouhé qui a tant plu à certaines copines babélionautes dont les avis m'ont fait lécher les babines.
Inutile de préciser que je me suis régalé (ah ben si, je l'ai précisé).

On a affaire aux « mémoires » d'un médecin égyptien de l'époque d'Akhénaton – soit au XIVe siècle av. J.-C. (nouvel Empire) – donc écrit à la première personne. Sa naissance rappelle celle du futur Moïse. Son enfance, son accession à la prêtrise et la pratique de son art auprès des nobles comme des indigents nous offrent une vision tangible de l'Égypte de ce temps ; un empire puissant mais corrompu et indolent qui va sévèrement vaciller sous l'effet de la nouvelle religion d'Aton – le seul vrai Dieu – prônée par le nouveau pharaon. On découvre la puissance incomparable des prêtres d'Amon – rigoureux pour la galerie mais très je-m'en-foutistes en privé – réduite à rien par le culte d'Aton. Cette nouvelle religion, quoiqu'intolérante envers les autres Dieux (ça rappelle d'autres monothéismes pas vrai?), prône la paix et l'égalité de traitement, que de belles choses direz-vous. Mais l'effet n'est pas celui souhaité car cela désorganise l'économie. le peuple grommelle, les territoires soumis de Palestine et Syrie envisagent la révolte et les puissances montantes comme les Hittites y voient un aveu de faiblesse.

Les voyages de Sinouhé, quelque peu imposés par les circonstances, éclairent les relations internationales de l'époque. L'Égypte est encore la grande puissance du secteur. le Mitanni s'est endormi et sert de tampon avec le menaçant royaume Hittite (la bataille de Qadesh n'est que dans quatre-vingts ans). Babylone vit sur son passé et la civilisation minoenne de Crète approche de sa fin.
A travers le regard de Sinouhé, Mika Waltari nous en met plein les yeux et nous fait voyager à prix cassés. Ce regard est aussi sans concession sur l'imperturbable médiocrité de la nature humaine, où qu'on la rencontre. Sinouhé finit souvent par être écoeuré. Mais la « nature » humaine étant diverse, on rencontre aussi des êtres accueillants, de la générosité, de l'amour désintéressé.

Sinouhé lui-même n'est qu'un homme. Il a ses qualités et ses défauts selon nos critères. Pas de rejet anachronique de l'esclavage chez lui – au mieux refuse-t-il l'idée d'investir dans le commerce d'esclaves. Il est plus honnête et généreux que la moyenne mais il peut se le permettre car il dispose en la personne de Kaptah d'un esclave/ami qui a de la ruse et un peu de sournoiserie pour deux. Sinouhé est parfois pathétique ; j'ai en particulier souffert de le voir si longtemps sous le joug de la passion envers cette call-girl antique manipulatrice et thésauriseuse de Néfernéfernéfer . « Néfer » signifiant « beau », on comprend à qui on a affaire, mais la passion l'emporte souvent sur la raison. La même veine que le film La femme et le pantin de Julien Duvivier.
Sinouhé ne serait que la moitié de lui-même sans l'extraordinaire et truculent esclave Kaptah, que j'ai déjà mentionné. Ce personnage épice le roman par sa drôlerie, ses tribulations mais aussi son intelligence pragmatique et son attachement à son maître. C'est un autre Scapin.

J'ai été un peu rebuté par le style au début, mais je m'y suis fait. Après réflexion, il colle bien au principe des mémoires car on ressent cette distance qui existe entre le vieux Sinouhé conteur et son jeune alter ego. Les dialogues ressemblent plus à des échanges de tirades comme du théâtre en prose, comme des disputes scolastiques où sont exposées thèse et antithèse. Là aussi on colle à une réécriture de souvenirs distants et un peu dépourvus de leur charge émotionnelle.

En me baladant sur Internet, j'apprends que le film L'Égyptien de Michael Curtiz, avec Victor Mature et Jean Simmons (1954 – le roman est de 1945) est une adaptation. J'ai dû le voir mais je ne m'en souviens pas. Faudra que je trouve un moyen de le revoir après avoir lu le tome 2.
Commenter  J’apprécie          467



Ont apprécié cette critique (44)voir plus




{* *}