« Toutes les enfances ont en commun d'être ou de devenir de « verts paradis », même les plus tristes. On peut naître sur un terril et l'aimer passionnément. D'aucuns peuvent bien renier leurs premières années, au bout du compte, ce sont elles qui nous constituent, bon an mal an, pour le reste de notre vie ».
Emmanuel de Waresquiel se raconte dans un récit qui ne s'apparente pas à des mémoires précise-t-il. Qu'elles peuvent être les motivations d'un éminent historien tel qu'
Emmanuel de Waresquiel pour écrire sur sa prime jeunesse, lui qui jusqu'à présent, s'est plutôt penché sur la vie des grands hommes comme Talleyrand.
Il dédie son livre à sa fille Gabrielle. Faut-il y voir le besoin de transmettre, d'immortaliser sur le papier les quelques bribes de souvenir qui émergent d'une mémoire encore alerte avant que celle-ci ne s'engourdisse. Les jolis moments passés dans une famille aimante à la généalogie prestigieuse, nobiliaire mais toute en retenue, restent ainsi gravés et témoignent d'une époque disparue.
Ce petit texte élégant, tout en pudeur, devient alors un maillon de la chaîne qui relie les générations passées et présentes ! Il est si joliment écrit ! Il s'en dégage une grande tendresse ! L'auteur s'attache à ses dix premières années qui s'écoulent dans une campagne de l'Ouest de la France, pas très loin de l'endroit où
Balzac ouvre son roman «
Les Chouans » entre une maman romanesque, lui racontant les exploits et les malheurs de sa famille dans un récit où baigne l'étrange, façon
Edgard Poe. Une maman imprégnée de poésie anglaise, lui lisant des passages de
Shakespeare. Elle avait hérité de son goût pour la campagne de sa propre mère « la nature et la vie tenaient tout à la fois du miracle et du mystère divin sans cesse renouvelés ». Une maman si attentionnée, si patiente, qu'il écrira devant le vide qu'elle a laissé :
« Je me suis noyé dans son sourire et depuis j'erre un peu à la dérive ».
Son papa était du genre taiseux, doux et tendre, courtois, attentif aux autres. Seul militaire de la famille, il s'était distingué en sa qualité de pilote lors de la seconde guerre mondiale. Mais là encore, point de forfanterie, ce n'est qu'à son décès que l'auteur prendra connaissance de ses faits glorieux.
Ses parents ne prononçaient pas le mot « château » alors qu'ils habitaient un château. Ils disaient « maison ». Une maison du bonheur entourée de chiens, d'une basse cour, près d'une rivière, une maison de contes de fée où l'imaginaire d'un enfant ne peut qu'être comblée entre les cabanes à construire, les oiseaux, les rêves de Robinson Crusoé !
Ce livre est comme un « arrêt sur image », une pause « berlingot » mais aussi un miroir dans lequel les natifs des années 1950/1960 retrouveront les saveurs plus ou moins délicieuses de cette période où les jeux en extérieur mimaient les exploits de Thierry La Fronde ou de Zorro, où la TSF égrenait ses informations, où l'on achetait des cartes Michelin avec des anciens francs, où les enfants expérimentaient les joies simples qu'offre la nature en jouant à « Rintintin »..
J'ai découvert l'écriture d'Emmanuel de Waresquiel, tendre, poétique, élégante, à l'occasion de cette dernière masse critique privilégiée pour laquelle, je remercie les
Editions Tallandier et Babelio : Je les remercie d'autant plus qu'en sa qualité d'historien, je vais m'intéresser à ses écrits.