AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de LeScribouillard


Adam Rosenweig veut se battre pour la liberté des hommes. de TOUS les hommes. Étant lui-même juif et handicapé, il subit la discrimination au quotidien, mais ce n'est rien face à ce qui arrive aux Noirs de l'autre côté de l'Atlantique. Il décide de rejoindre l'armée glorieuse des États-Unis, afin de faire cesser la rébellion confédérée. Un parcours qui s'annonce noble, épique et avec une immense récompense à la fin : celle d'avoir servi la plus merveilleuse de toutes les nations du monde. Attendez une seconde.
La réalité qui attend le jeune immigré en Amérique est bien plus prosaïque : Robert Penn Warren nous dépeint une guerre de Sécession sclérosée, raciste des deux côtés, où les soldats attendent des mois dans la crasse avant d'aller se faire tuer. La Bavière dont Adam vient n'est pas reluisante non plus, avec sa xénophobie mesquine et ses religieux ombrageux. Des hommes et des femmes brisés sillonnent ainsi un monde sans prestige ni héroïsme. de forêt et même de nature, il ne sera finalement que peu question (on ne saura même pas pourquoi diable on a mis un dada sur la couverture), mais toujours avec un lyrisme élégiaque contrastant avec le prosaïsme ambiant.
Adam erre en tentant de trouver un sens à sa vie. le jeune homme au départ sûr dans ses convictions bascule peu à peu dans un parcours initiatique doublé d'une descente aux enfers. Tentant de faire triompher son humanisme, il va se dresser contre la volonté divine qui semble interdire aux vivants la justice ; sans doute le plus humain de tous les hybris. Mais ses idéaux extrêmement nobles (se battre contre des idées plutôt que des hommes, offrir à tous l'égalité) se heurtent à la bêtise et la méchanceté de ses contemporains, et au fait que lui-même finisse par y prendre goût. On veut aider tous les êtres humains, et au final on ne parvient pas à regarder dans les yeux quelqu'un de plus mal en point que soi. Parce que la misère est trop grande. Parce qu'on préfère vivre dans nos idées.
Où trouver la grandeur morale, finalement ? Peut-être la liberté n'est-elle qu'illusoire, ainsi que le clame un chapitre final mystique. Et peut-être aussi qu'il nous faut accepter notre condition. Même quand elle est inacceptable ? le livre se conclut sans véritablement proposer d'éthique sur comment aider son prochain, mais il punit sévèrement l'orgueil et rappelle à l'Homme sa petitesse malgré ses hautes aspirations.
La grande forêt n'est pas un livre facile, ni même agréable. Il frappe autant par le sublime qu'il fait naître dans de simples paysages que par la bassesse de ses personnages. Comme le désert des tartares, il conte une désillusion existentielle ; comme Walden, il faut le lire dans le monde sauvage après une longue marche pour réellement l'apprécier. Ce que je n'ai que trop peu fait et qui demandera peut-être une relecture dans un futur lointain. En attendant, ça fait toujours un plus à ma culture…
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}