Après ma lecture plus qu'enthousiaste de
du bout des doigts de cette auteure, j'étais très impatiente de découvrir ce roman dont l'action se situe également au XIXè siècle en Angleterre. Et c'est avec plaisir que j'ai retrouvé tous les ingrédients qui avaient contribué à me faire apprécier
Sarah Waters: époque victorienne, ambiance suffocante, situations équivoques, secrets, trahison et amours interdites!
Margaret Prior est une jeune femme de la haute bourgeoisie victorienne qui, à la mort de son père, un brillant historien, se retrouve meurtrie et désoeuvrée. Pour occuper ses pensées, mais également et surtout dans le but d'aider son prochain, elle décide de devenir dame patronnesse à la prison de Millbank. Elle y découvre un univers froid, angoissant, sombre, sale, silencieux, où la nourriture est immangeable, les corridors sans fin et les détenues terriblement seules... Cette atmosphère étouffante et effrayante l'obsède. Très vite, elle s'attache à Selina Dawes, une jeune prisonnière spirite accusée d'escroquerie et de coups et blessures. Margaret se sent attirée par elle, irrémédiablement, alors que Selina lui fait découvrir son monde, le spiritualisme: leurs rencontres amicales deviennent assez vite troublantes, empreintes de sentiments inavouables...
Comme je l'indiquais en préambule, j'ai beaucoup aimé cette plongée dans l'époque victorienne;
Sarah Waters est experte dans l'art de décrire les lieux et les personnages. Ainsi, on ressent sans effort l'atmosphère étouffante de la prison de Millbank, on en respire la poussière et les odeurs des corps mal lavés et on entend le bruit des grilles qui se referment sur Margaret à chacune de ses visites, celui des trousseaux de clés des gardiennes et des lamentations des prisonnières qui ne veulent pas qu'on leur rase la tête...
Les personnages de Margaret et Selina sont très intéressants, fascinants même. Et on peut se demander comment deux personnes de milieux si différents (l'une issue de la bourgeoisie victorienne, l'autre, orpheline, évoluant dans le milieu spirite) ont pu si vite et si bien s'entendre... Sans doute, la solitude est un bon stimulant à l'émergence d'une amitié profonde et Margaret, bien que libre et entourée de sa famille, se sent seule, abandonnée dans son milieu où elle ne se reconnaît pas, où ses aspirations et envies ne sont ni écoutées ni entendues "J'ai vingt-neuf ans. Dans trois mois je passerai le cap de la trentaine [...] qu'adviendra-t-il de moi ? Je me dessécherai, je deviendrai cassante, décolorée - telle la feuille qu'on garde, pressée entre les pages d'un triste livre noir, jusqu'à ce que l'oubli la réclame." (10/18 - p.301) alors que Selina se montre compréhensive, à l'écoute et disposée à l'aider à réaliser ses rêves, même si, pour cela, les esprits devront intervenir...
La construction du livre est également très réussie: on suit tour à tour le journal intime de Margaret relatant précisément les événements et nous révélant ses pensées les plus intimes et celui de Selina centré sur les événements passés l'ayant conduite en prison. Ces deux récits sont totalement complémentaires et nous aide à entrevoir la fin même si j'ai été loin du compte...
Néanmoins, et bien que j'aie beaucoup aimé cette lecture, je dois avouer que j'ai passé un bon tiers du livre à attendre le retournement de situation tant espéré ! En effet, après ma lecture de
du bout des doigts, j'étais certaine que les choses n'étaient pas aussi transparentes qu'elles en avaient l'air et que, forcément, quelque chose allait arriver et ce quelque chose a beaucoup (trop) tardé... C'est sans doute pourquoi j'ai ressenti un peu de lassitude à certains moments dans ma lecture et que certaines répétitions et longueurs m'ont quelque peu agacée! Mais ceci n'enlève rien à la qualité de l'intrigue ni à l'intérêt du livre et je peux sans aucun doute qualifier cette deuxième rencontre de rendez-vous totalement réussi.
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