Mlle Margaret Prior devient dame patronnesse au sein de la prison de Millbank, au grand dam de sa mère. Sa mission est d'inspirer les prisonnières, qu'elles prennent exemple sur une femme de bonne famille afin que, à leur sortie, elles ne récidivent pas et deviennent meilleures aux yeux de la société. Lors de sa première visite à la prison, Mlle Prior est subjuguée et intriguée par une détenue, Mlle Selina Dawes ; son jeune visage est baigné de la douce lumière du soleil, dont les rayons se faufilent péniblement entre les épais murs du bâtiment, et une violette apporte une touche de couleur dans ce sinistre lieu.
Ce n'est pas mon roman préféré de
Sarah Waters (je lui préfère
Caresser le velours) car je lui ai trouvé un moment de longueur, lors de préparatifs quelques peu euphoriques. En ce qui me concerne, c'est le seul point négatif de ce roman, et il a toutefois son importance dans les événements. le reste est parfaitement maîtrisé : l'ambiance, la narration, les personnages…
Margaret Prior est une jeune femme de bonne famille qui semble avoir du mal à faire le deuil de son père, qui s'accompagne également du deuil d'une certaine liberté. En effet, elle approche de la trentaine et sa mère souhaite la marier – il est grand temps ! Elle l'incite donc à être présente en société, à prendre le thé avec des amis de la famille… Elle ne voit chez sa fille qu'une lubie passagère et plutôt malsaine que d'être dame patronnesse. Pourtant, quand Margaret réalise que, si elle n'avait pas été d'une bonne famille, elle aurait pu terminer comme temps d'autres à Millbank, sa vision sur la prison et ses occupantes va changer. Selina Dawes va également lui faire forte impression ; cette jeune femme a une certaine aura qui ne s'explique pas que par sa beauté. Elle a une bonne éducation et sort donc du lot des détenues mais, surtout, elle est médium, elle permet aux esprits de s'exprimer. Si l'on nous dit dès le début pourquoi elle est emprisonnée, l'affaire semble toutefois très opaque (par exemple, qui est Peter Quick ?). Quoiqu'il en soit, Mlle Prior va en quelque sorte s'enticher de la spirite qui, au sein de la prison, est presque une bouffée d'air frais parmi toutes les autres réclusionnaires. Notons au passage que la couverture n'a rien à voir avec ce qui est narré dans le roman. S'il peut y avoir une part de désir, ça s'arrête là. On n'est pas dans la série télévisée Orange is the New Black dans laquelle les détenues et certains de leurs geôliers ont des rapports charnels plus ou moins consenties.
Affinités est une récit subtil et foisonnant, dans lequel les liens se tissent entre rapports de force, amitiés et espoirs.
Vous ai-je dit que l'histoire prend place durant l'époque victorienne ? C'est une signature, pour
Sarah Waters (tout du moins, les trois livres de cette écrivaine que j'ai lu se passent tous durant cette période de l'histoire anglaise). Ce contexte a son importance puisque, outre nous signifier que Margaret devrait déjà être mariée, les conditions de détentions ne sont pas les mêmes qu'aujourd'hui : l'emprisonnement est total et silencieux et, en dehors des promenades (qui n'ont pas lieu tous les jours), il se fait dans la plus grande des solitudes. Ainsi la venue d'une dame patronnesse est l'occasion de parler, de casser la morne routine. S'il arrive que le récit prenne place au sein de la demeure des Prior, tous les passages à Millbank s'avèrent donc étouffants ; le résumé parle d'atmosphères étouffées, moi, j'ai vécu des atmosphères étouffantes, au sein de la prison comme en dehors les relations entre les femmes Prior ne sont pas des plus chaleureuses ; beaucoup d'incompréhensions semblent les lier. de même, le passé de Selina paraît bien mystérieux, il semble y avoir quelque chose qui cloche – mérite-t-elle vraiment d'être enfermée à Millbank ?
Affinités est un roman qui joue beaucoup sur l'ambiance et les relations. Il y a peu d'action, comme vous pouvez vous en douter puisque l'un des personnages principaux est cloîtré dans sa cellule. Toutefois, la narration (qui est tout du long à la première personne) alterne entre le présent de Margaret et le passé de Selina. le récit nous apporte alors quelques éléments sur les événements qui ont conduit la médium en prison, étoffant au passage le personnage.
Au cours de notre lecture, alors que nous étouffons malgré les quelques bribes d'air frais que veut bien nous accorder l'autrice, arrive une lueur – pas forcément d'espoir, mais quelque chose qui nous permettrait en tout cas de respirer librement. Alors, quand arrive la fin, quelle surprise j'ai eu ! Je ne vous en dis pas plus mais je tiens à souligner le talent d'écrivaine de
Sarah Waters ; savoir surprendre ses lecteurs et lectrices, les surprendre en bien, c'est toujours une bonne chose, pas vrai ?
Affinités est un récit oppressant qui nous offre le plaisir de voir une relation entre une détenue et une femme de la bonne société se construire. le roman en profite pour nous dépeindre les condition de vie et de mort en prison à cette époque, nous offrant des tranches de vie souvent dramatiques ; c'est que l'on s'y attache, à ces réclusionnaires !
Si
Affinités ne vous tente pas plus que ça, parce qu'il est vrai qu'un roman carcéral, ce n'est pas ce qu'il y a de plus joyeux à lire, je vous invite grandement à découvrir l'oeuvre de
Sarah Waters ; il serait vraiment dommage de passer à côté.
Bonne lecture à vous.
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