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Alain Defossé (Traducteur)
EAN : 9782207261699
720 pages
Denoël (26/08/2010)
3.77/5   352 notes
Résumé :
Au hasard d'une urgence, Faraday, médecin de campagne, pénètre dans la propriété délabrée qui a jadis hanté ses rêves d'enfant : il y découvre une famille aux abois, loin des fastes de l'avant-guerre. Mrs Ayres, la mère, s'efforce de maintenir les apparences malgré la débâcle pour mieux cacher le chagrin qui la ronge depuis la mort de sa fille aînée. Roderick, le fils, a été grièvement blessé pendant la guerre et tente au prix de sa santé de sauver ce qui peut encor... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (85) Voir plus Ajouter une critique
3,77

sur 352 notes
Waouh ! Attention, pépite ! Je ne connaissais pas du tout l'auteur. Ce livre m'a été offert par une amie qui, on peut le dire, a tapé dans le mille.

Alors détaillons un peu. Tout d'abord, l'histoire. le docteur Faraday est appelé en urgence à Hundreds Hall, demeure de la famille Ayres qui a fait marcher son imagination toute son enfance. Depuis la mort du maître de maison, c'est sa femme et ses deux enfants, Roderick et Caroline, qui s'occupent d'entretenir cette vaste maison qui les étouffe. Car le faste d'antan n'est plus là et sans argent, un petit château tombe vite en ruines. Roderick essaie bien de la sauver mais il a été grièvement blessé à la guerre et fait ce qu'il peut. D'autant plus que certains phénomènes le rendent fou. Maison hantée ou folie ? Il y a un petit quelque chose du Horla dans ce garçon.

L'écriture, ensuite. Quel style mes aïeux, quel style ! Tout d'abord, bien que l'histoire se passe au XX°s, j'ai cru me retrouver dans un roman du XIX°s, ce qui n'est pas pour me déplaire. Et j'ajouterais même un roman gothique. Chapeau bas ! Quelle finesse dans la psychologie des personnages ! La descente aux enfers de Roderick est sublime. Les sentiments sont exacerbés de tous côtés et pour différentes raisons.

Le lecteur, enfin. Sarah Waters ne le laisse pas souffler une minute. Il y a quelque chose qui vous prend aux tripes dès les premières pages et qui ne vous lâche plus. le fantastique est intellectualisé, ce qui a tendance à me faire beaucoup plus frissonner que lorsqu'on m'apporte des revenants sur un plateau. Je veux dire par là qu'on ne nous montre rien ou presque. On nous suggère, il y a des bruits, des phénomènes bizarres mais c'est à nous d'imaginer. Et croyez-moi, mon imagination a galopé !

Bref, vous l'aurez compris, j'ai adoré ce roman !

Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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C'est un roman de 707 pages, qui sera idéal pour ceux qui aiment prendre le temps... Prendre le temps, de voir une histoire s'installer, s'ancrer dans son époque, prendre le temps de connaître les personnages, de voir les méandres de l'âme humaine, les fascinations qui naissent dans l'enfance et qui conditionnent toute la vie d'une personne.
Le petit Faraday a dix ans lorsque, pour la première fois de sa vie , il pénètre lors d'une garden party à Hundreds. Sa mère y est domestique, il n'a pas le droit de rentrer dans la maison, et pourtant grâce à une autre domestique, il s'y promènera, en toute discrétion et fascination...
Trente ans , environ, plus tard (soit après 1949 ) , devenu médecin généraliste, il est appelé au chevet de la jeune bonne de quatorze ans, pour une urgence. L'adolescente est terrorisée par des bruits , des choses qui se passent dans la maison.
Seul, ses parents étant décédés très tôt, le Docteur Faraday est choqué de voir l'état de délabrement de la propriété, l'isolement de ses occupants . Comme beaucoup de familles bourgeoises anglaises ayant subi des pertes financières, après la guerre, la famille Ayres n'arrive pas à faire face à l'entretien colossal que demande une telle demeure. Devenu le médecin de famille , il passera de plus en plus de temps à Hundreds où de plus en plus d'événements inexplicables se déroulent.
Si un fantôme rôde dans ce livre, ce n'est pas ce qui en fait sa saveur.
Très peu de suspens, on est loin du sentiment de frayeur que devrait éprouver un lecteur .
Non, le charme est ailleurs, dans l'écriture, dans la parfaite reconstitution historique ; on croirait lire une autrice ayant vécu à cette époque. (et même au XIX ° siècle). L'après -guerre, la bourgeoisie, les "ayant", qui peu à peu sont obligés de laisser la place à une autre classe sociale, celle qui entreprend (voir l'entrepreneur en bâtiment ...). Une classe sociale qui hérite de privilèges, de biens, mais qui ne sait pas forcément faire fructifier tout ça . Les blessures psychologiques ( le jeune Roderick , ancien pilote ).
Et cette maison, sublime et décrépie, héritée mais devenue fardeau...
Fantôme ou folie ?
Sarah Waters ne fait aucune démonstration, préférant laisser au lecteur plusieurs chemins, plusieurs idées. Et c'est peut- être plus fort encore, de devoir hésiter sur la fin, comme le docteur Faraday qui portera pour tout le reste de sa vie, sa vie solitaire, le fardeau des interrogations.
Un roman qui se mérite , à déguster si vous aimez la littérature anglaise, l'après-guerre, les belles maisons, et les ambiances mystérieuses.
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Nous sommes au milieu du XXe siècle dans une Angleterre ébranlée par le séisme de la 2e guerre mondiale et par les secousses du Blackout. Dans une vieille demeure de campagne, Hundreds Hall, les trois derniers membres de la noble famille Ayres luttent pour conserver les cendres d'un passé splendide mais évanoui depuis bien des décennies. La mère, Mrs Ayres, est une vieille femme charmante et élégante, mais trop affaiblie pour aider ses deux enfants dans ce combat permanent. Son fils, Roderick, ancien pilote de la RAF grièvement blessé pendant la guerre, ploie chaque jour davantage sous le fardeau des responsabilités ; tandis que sa fille, Caroline – une jeune femme « forte et solide » selon le voisinage, comprenez par là : « quelconque » – souhaiterait s'affranchir de toute cette servitude familiale sans en trouver le courage. Isolés et ruinés, les membres de la famille Ayres ne reçoivent guère de visites, à l'exception de celles du docteur Faraday, un médecin de village qui a pris en pitié leur solitude et ne cache pas sa fascination pour l'antique demeure aux milles recoins mystérieux.

Comme si la pauvreté et toutes les indignités qui s'ensuivent ne suffisaient pas, voici que d'étranges événements commencent à se produire à Hundreds Hall. Une agression troublante et atroce, des grattements dans les murs, des meubles qui se déplacent dans le silence de la nuit, d'effrayantes inscriptions griffonnées sur les tapisseries… Rien de bien inquiétant me diriez-vous ? Pourtant, les habitants de la maison en sont certains : quelque chose hante Hundreds Hall, quelque chose d'ignoble et de terriblement malin, quelque chose de nouveau et d'effroyablement ancien à la fois, un parasite, un indésirable qui n'aura de cesse de tourmenter les Ayres dans son désir venimeux de leur arracher leur demeure si douloureusement chérie.

Dans cette brillante relecture du mythe de la maison hantée, Sarah Waters nous offre une oeuvre fantastique « à l'ancienne », un lent crescendo dans l'anxiété où les frontières entre le surnaturel et la vie réelle sont si habilement brouillées que l'on peine à les différencier l'un de l'autre. Véritable esprit frappeur ou psychose collective ? Cette ambiguïté plane sur tout le roman et ne sera jamais tout à fait levée, accentuant subtilement l'atmosphère angoissante du récit. Elle est renforcée par le regard du docteur Faraday, principal narrateur du roman, dont les sentiments oscillent sans cesse entre le doute, la compassion et une attirance vaguement malsaine pour les événements qui ébranlent Hundreds Hall. A noter que, si les personnages – tous dotés d'une psychologie soignée – attirent facilement l'empathie, c'est bien le manoir lui-même qui marque le plus les esprits et se révèle un protagoniste à part entière qui, au fur et à mesure de l'avancée du récit, se mue en véritable monstre, décidé à dévorer ses occupants jusqu'à la moelle.

Lent, subtil et complexe, « L'Indésirable » laissera probablement sur leur faim les passionnés d'histoires horrifiques pures et dures. En revanche, il séduira sans aucun doute les amateurs de psychologie, de suspense et de scénarios à tiroirs. En ce qui me concerne, je sors très satisfaite de cette première excursion dans l'oeuvre de Sarah Waters et ne manquerai pas de lui rendre à nouveau visite dans les mois à venir.
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Un livre terriblement gothique, empli de suspense, de frissons, de doutes, de peurs, de questions qui vous fait tressauter lorsque le bois de votre cheminée craque et que le plus minuscule bruit non identifié s'infiltre chez vous, un livre à lire absolument pour les amateurs du genre. Vous ne l'oublierez pas de sitôt, croyez-moi !

Je tiens à remercier "LePamplemousse" pour me l'avoir recommandé : elle a bien cerné mes goûts et mes attentes.

Un manoir dans la campagne anglaise :"Hundreds Hall" que le narrateur, le docteur Faraday, a vu pour la première fois lorsque sa mère y travaillait comme domestique et dont la beauté architecturale ainsi que les fastueuses fêtes qu'on y donnait l'ont ébloui au point qu'il ne l'oubliera jamais.

Trente ans plus tard, peu après la guerre, fin des années 1940, début 1950, il y retourne, appelé cette fois en tant que médecin. Quelle n'est pas sa surprise, alors que le Colonel, le patriarche, est décédé, de trouver la maison et ses habitants, la mère , Madame Ayres, son fils Roderick, grièvement blessé durant la guerre et sa soeur, Caroline, célibataire pas très jolie mais d'un caractère bien trempé, indépendant et généreux, vraie fille de la campagne, dans le dénuement et la désolation la plus totale.
Entre temps, l'aînée des filles, Susan, est décédée de la diphtérie à l'âge de sept ans et sa mère ne s'en est jamais vraiment remise même si en temps que femme discrète, elle tente de donner le change.

Et puis ... et puis, il y a le manoir, personnage principal du livre. Et quel personnage ! Tout décrépi qu'il soit, il se manifeste au fil des jours de plus en plus menaçant jusqu'à rendre (à moitié ?) fous ses occupants y compris les deux domestiques qui y travaillent encore.

Il y a d'abord le fils, Roderick, qui est sujet à des visions, hallucinations ? ou folie ? Puis le chien, vieux pataud doux et gentil comme pas deux, qui attaque violemment une petite fille de passage au manoir ! L'intrigue s'accélère de plus en plus au fil des pages, la maison, froide, lugubre et sinistre, perclue d'humidité, se manifeste de plus en plus violemment, s'en prenant à ses habitants : les objets se déplacent seuls, un incendie se déclare en pleine nuit alors que ses habitants sont endormis, les habitants (y compris les domestiques) sentent que quelque chose de malsain est en train de les détruire, des tâches ainsi que des graffitis apparaissent sur les murs et les plafonds, des bruits inexpliqués se déclenchent un peu partout : les cordons pour appeler les domestiques sonnent sans que personne n'admette y avoir touché, un tuyau reliant la cuisine à la nursery émet des sifflements et chuchotements alors que la nursery est condamnée depuis des années, Madame Ayres, voulant en avoir le coeur net (c'est dans cette nursery que sa petite fille est décédée) s'y retrouve enfermée à clé. Elle subit des blessures venues de nulle part, semble-t-il.

Le docteur Faraday est le seul à garder l'esprit cartésien et à ne pas redouter comme les habitants se mettent progressivement à le faire, un fantôme ou esprit malsain. Plus les habitants se sentent menacés, plus lui, s'attache au manoir et à leurs occupants, fasciné par la "grandeur" des lieux et l'éducation des habitants. Il fait pourtant interner Roderick qui croit que tout ce qui arrive est de sa faute car il se sent " possédé" par "la chose".

Mais rien n'y fait, les événements sinistres s'accentuent et le malaise ne cesse de croître. La maison ainsi que ses occupants périclitent de jour en jour et personne n'en trouve la cause sauf que le docteur Faraday commence à croire que tous les habitants de la maison sont en train de sombrer dans la folie et se prépare à les faire interner un par un ... sauf que lui aussi ressent parfois un certain climat malsain et étrange dans cette demeure.

Ce livre nous percute, sème les doutes dans nos esprits : alors, maison hantée ou hystérie collective, voire tare familiale ?
La fin, d'une certaine manière, nous laisse le choix. le mien est mitigé mais je penche quand même vers une solution plutôt que pour l'autre mais je ne vous en dirai pas davantage pour vous laisser le plaisir de découvrir et de frissonner tout à loisir ! Lisez-le, vous n'en sortirez pas indemnes : "Vous qui pénétrez ici, abandonnez tout espoir" ;-)
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Dans les années 50, en Angleterre, il reste de vieilles demeures "hors du temps". Faraday, un médecin de campagne, fait ainsi la connaissance de la famille Ayers, qu'il a connu enfant, et qui aujourd'hui se retrouve isolée et très démunie.
Peu à peu des événements étranges se succèdent dans la maison.
La fréquence de ces "accidents" devient très vite inquiétante et on plonge alors dans une ambiance mystérieuse tout autant que malsaine...
On oscille dès le début dans une atmosphère un peu gothique, la maison semble immense, humide et angoissante, les personnages sont assez étranges, certains n'étant peut-être pas tout à fait ce qu'ils paraissent être.
L'écriture est de qualité et la montée du suspense se fait crescendo.
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
C'est à cet instant qu'elle sentit le courant d'air - ou du moins quelque chose de cette nature, un mouvement d'air froid qui la balaya soudain, glaça sa joue, joua dans ses cheveux, la faisant brusquement frissonner; une seconde plus tard, elle tressaillit violemment, effarée, saisie jusqu'au fond d'elle-même par un coup violent résonnant dans la pièce voisine. Elle devina presque immédiatement ce qui s'était produit : le courant d'air venu des fenêtres disjointes avait brusquement fait claquer la porte qu'elle avait laissée ouverte.
Mais le bruit avait été si inattendu, si incroyablement violent dans cette pièce nue et déserte, qu'il lui fallut un moment pour se reprendre et que son coeur retrouve un rythme normal. Tremblant légèrement, elle repassa dans la nursery de jour et, comme elle s'y attendait, trouva la porte fermée. Elle se dirigea vers elle et tourna la poignée; impossible de l'ouvrir.
Elle demeura un instant figée, perplexe. Elle tourna de nouveau la poignée vers la gauche, puis vers la droite, se disant, au désespoir, que l'axe avait dû se briser ou le mécanisme se détraquer, sous la violence avec laquelle la porte avait claqué. Mais la serrure était d'un ancien modèle, encastré dans la porte et repeint : il y avait un minuscule interstice entre la serrure et la gâche, comme c'est toujours le cas, et, se baisant pour y coller son oeil, elle constata que l'axe fonctionnait parfaitement - mais aussi que le pêne du verrou était enfoncé dans son logement, comme si l'on avait tourné la clef de l'autre côté. Un courant d'air pouvait-il provoquer une telle chose ? Une porte qui claque pouvait-elle se verrouiller toute seule ? Certainement pas. Elle commençait de ressentir un vague malaise. Elle retourna dans la nursery de nuit et essaya d'ouvrir la porte de celle-ci. Elle aussi était fermée à clef - mais il n'y avait là rien que de très normal. Comme toutes les autres dans ce couloir, elle était verrouillée pour éviter les courants d'air.
Elle retourna donc à la première porte, pour essayer de nouveau - luttant à présent pour garder patience et dominer ses nerfs; se disant, raisonnablement, que cette satanée porte ne pouvait en aucun cas être fermée à clef, qu'elle devait être simplement voilée, comme tant de portes à Hundreds, et s'être coincée dans le chambranle. Mais la porte s'était ouverte sans difficulté quand elle était entrée et, collant son oeil à l'interstice entre la serrure et la gâche, elle vit bel et bien le pêne dormant inséré dans son logement - il n'y avait pas à s'y tromper malgré le manque de lumière. Regardant par le trou de la serrure, elle aperçut même le bout arrondi de la clef. Elle tenta de penser à un moyen de l'attraper - une épingle à cheveux, peut-être ? - et de la faire tourner dans l'autre sens. Elle supposait toujours que la porte avait réussi, de manière extraordinaire, à se verrouiller toute seule.
Puis elle entendit quelque chose. Un bruit qui s'élevait, bien distinct dans le silence : des pas légers, rapides. Et dans l'espace infime de lueur laiteuse qui filtrait par le trou de la serrure, elle perçut un mouvement. Comme un éclair sombre, dirait-elle, comme quelqu'un qui passerait rapidement dans le couloir, de gauche à droite - autrement dit, emprunterait le couloir des nurseries depuis l'escalier du fond à l'angle nord-ouest de la maison.
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[...] ... Et, comme en réaction à cette nouvelle angoisse, les coups de téléphone cessèrent et une nouvelle vague de soucis prit le relais. Cette fois, j'étais présent, entre deux visites à mes patients, quand ils commencèrent : Caroline et moi étions seuls dans le petit salon - en fait, je venais de l'embrasser pour lui dire au revoir, et elle venait de s'échapper de mes bras - quand la porte s'ouvrit brusquement, nous surprenant tous deux. Betty apparut, fit une petite révérence et demanda "ce qu'elle pouvait faire."

- "Comment cela ?" fit Caroline d'une voix dure, le rouge aux joues, remettant de l'ordre dans ses cheveux.

- "La cloche a sonné, Miss.

- Eh ! bien, ce n'était pas moi. Ce doit être ma mère qui a besoin de vous."

Betty parut perplexe. "Madame est en haut, Miss.

- Oui, je sais bien qu'elle est en haut.

- Mais excusez-moi, Miss, mais c'est la cloche du petit salon qui a sonné.

- Ma foi, ce n'est pas possible, n'est-ce pas, puisque je n'ai pas sonné, et le Dr Faraday non plus ! Vous pensez qu'elle a sonné toute seule, c'est cela ? Montez plutôt à l'étage voir si ma mère a besoin de vous."

Betty sortit à reculons, clignant des paupières. (...)

Et c'est là, arrivé dans le hall, que je vis de nouveau Betty. Elle descendait l'escalier, l'air plus perdu que jamais, et légèrement vexé aussi. Apparemment, Mrs Ayres était profondément endormie dans sa chambre et n'avait donc pas pu la sonner. Mais de toute façon, ajouta-t-elle, elle était bien persuadée que ce n'était pas elle : c'était la clochette du petit salon qui avait résonné - elle était prête à jurer sur le lit de mort de sa mère - et si Miss Caroline et moi ne la croyions pas, eh ! bien, ce n'était pas juste de douter comme ça de ce qu'elle disait. Sa voix monta d'un cran au fur et à mesure qu'elle parlait, et bientôt, Caroline apparut, se demandant ce qui se passait. Trop heureux de m'échapper, je les abandonnai en pleine dispute et n'y pensai plus.

Toutefois, lors de ma visite suivante, à la fin de la semaine, je trouvai le Hall transformé en "maison de fous" selon les termes de Caroline. Les sonnettes s'étaient mystérieusement mises à vivre d'une vie propre, s'agitant à n'importe quelle heure, de sorte que Betty et cette pauvre Mrs Bazeley passaient leur temps à courir d'une pièce à l'autre en demandant ce qu'elles pouvaient faire, et du même coup rendant folles Caroline et sa mère. Caroline était descendue vérifier la boîte de dérivation des câbles correspondant à chaque sonnette, au sous-sol, et n'avait rien trouvé de particulier. ... [...]
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[...] ... Un médecin voit couler beaucoup de larmes. Certaines le touchent plus que d'autres. J'avais réellement quantité de choses à faire chez moi et cela ne m'amusait pas du tout d'avoir été retardé pour rien. Mais [Betty] paraissait si jeune, si désespérée, que je la laissai pleurer tout son saoul. Puis je posai doucement une main sur son épaule.

- "Allons, ça suffit, maintenant. Dis-moi ce qui ne va pas. Tu ne te plais pas ici ?"

Elle tira, de sous son oreiller, un mouchoir bleu tout chiffonné, et se moucha.

- "Non, pas du tout.

- Pourquoi ça ? Trop de travail ? "

Elle esquissa un mouvement d'épaules résigné.

- "Non, le travail, ça va.

- Tu ne fais pas tout toute seule, quand même ?"

Elle secoua la tête.

- "Mrs Bazeley vient tous les jours, jusqu'à trois heures ; enfin, tous les jours, sauf le dimanche. Elle s'occupe de la lessive et de la cuisine, et moi, de tout le reste. Et puis, il y a un homme qui vient pour le jardin, de temps en temps. Miss Caroline fait un peu de ...

- Eh ! bien, ça n'a pas l'air trop terrible."

Elle ne répondit pas. J'insistai. Ses parents lui manquaient ? - A cette question, elle fit la grimace. Elle aurait voulu avoir un petit ami ? - A cette question, elle fit une grimace plus affreuse encore.

Je pris ma sacoche. "Ma foi, je ne peux pas t'aider si tu ne me dis rien."

Me voyant me lever, elle parla enfin : "C'est cette maison !

- Cette maison ? Mais qu'est-ce qu'elle a, cette maison ?

- Oh ! Docteur, ce n'est pas comme une maison normale, du tout ! Elle est trop grande, il faut faire un kilomètre pour aller ici ou là ; et puis, tout ce silence, ça fait froid dans le dos. Le jour, quand je travaille, ça va, et puis Mrs Bazeley est là. Mais la nuit, je suis toute seule. Et il n'y a pas un bruit ! Je fais des rêves horribles ... Et puis, en plus, ils me font passer sans arrêt par ce vieil escalier du fond, et il y a des coins et recoins partout, et on ne sait pas ce qu'on va trouver à chaque tournant. Quelquefois, j'ai l'impression que je vais mourir de peur ! ..." [...]
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L'habitude [ du médecin de campagne ] de conduire la nuit. Avec tous ces gens qui doivent guetter le bruit du moteur, la lumière des phares. Et qui sont tellement heureux de vous voir arriver. Si là, nous nous rendions au chevet de quelqu'un, en urgence, comme ces gens nous attendraient impatiemment. Je n'y avais jamais pensé auparavant. Est-ce-que cela ne vous effraie pas, quelquefois? "
Je changeai de vitesse. "Pourquoi cela devrait-il m'effrayer?
- A cause des responsabilités, j'imagine.
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J'entendais la colère monter dans ma voix, sans pouvoir l'arrêter. "Ils ont sacrifié tout ce qu'ils avaient pour faire de moi un médecin, et je ne me suis même pas rendu compte que ma mère était malade. Ils ont dépensé une petite fortune pour mon éducation, et tout ce que j'ai appris, c'est que ma façon de parler n'allait pas, mes vêtements n'allaient pas, mes manières de table n'allaient pas - rien n'allait. En fait, j'ai appris à avoir honte d'eux. Jamais je n'invitais de camarade à passer me prendre à la maison. Un jour, ils sont venus à une réunion, à l'école ; j'avais reçu un prix de science. Ce que j'ai lu sur le visage des autres garçons disait tout. Je ne leur ai jamais plu proposé de venir. Une fois, devant un de ses clients, j'ai traité mon père de pauvre..."
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