AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Thierry Marignac (Traducteur)
EAN : 9782919067596
124 pages
Vagabonde Editions (05/03/2024)
2.75/5   2 notes
Résumé :

Le chemin qu’emprunte cette histoire ressemble à celui du mouvement des nuages : un homme erre dans les rues, prisonnier de rêves violents, durs et absolus, dérouté ici par une ombre, là par un étrange assemblage de façades. Et il finit par échouer dans un endroit inconnu où il ne songeait pas à se rendre.

« J’ai vu toutes mes relations d’autrefois devenir des hommes d’affaires, des employés, des artistes, des poivrots et des contremaîtres de ... >Voir plus
Que lire après Une vie psychosomatiqueVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Passer le récit mythique et psychologique du couple contemporain au tamis de la vie matérielle et au crible du délire à deux : le scalpel langagier de Carl Watson se déchaîne et nous enchante.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/07/14/note-de-lecture-une-vie-psychosomatique-carl-watson/

Dans son « Hôtel des actes irrévocables » de 1997, Carl Watson nous avait proposé une extraordinaire inversion du rapport du récit à la société, en utilisant un matériau profondément psychopathe qui ne pouvait que conduire à révoquer profondément en doute les tenants et aboutissants de notre confiance habituelle dans les narrations. Avec « Une vie psychosomatique », roman nettement plus court, publié en 2008 et traduit en français en 2010 par Thierry Marignac pour les éditions Vagabonde, il s'attaque par plusieurs faces à la fois à ce roc mythique de nos sociétés qu'est le couple amoureux – ou bien peut-être bien à la psychopathologie de la folie à deux, comme « épisode délirant expérimental » (pour reprendre la superbe expression du psychiatre Nicolas Dissez).

Son redoutable traducteur français, Thierry Marignac, pouvait déclarer à très juste titre sur son blog Antifixion en 2010 : « L'enquête qui court sur toute la durée de Une vie psychosomatique dissèque nos tréfonds, comme toujours chez Watson ». Comme dans son roman précédent, il s'agit bien en effet de traquer dans le discours formidablement construit (et rythmé implacablement par des intermèdes sentencieux et fumigènes) d'un narrateur faussement vagabond les points aveugles et les tours de passe-passe, les fausses confidences et les aveux orientés, les constats piégés et les récits à double fond. Carl Watson, grâce à sa langue à tiroirs enchâssés, peut nous emmener où nul ne va, dans les limbes où le réel le plus matériel se heurte à la vie psychique déchaînée, là où vit la littérature, justement.

Dans cette « Vie psychosomatique », il faut bien entendu accepter sans regret de trébucher et de vaciller à chaque coin de rue imaginaire sur un parpaing sournois : pas davantage que dans « Hôtel des actes irrévocables » on ne pourra ici être certain de la fiabilité, même relative, de celui qui assume le rôle de narrateur, ni de sa maîtrise de la frontière entre réalité, fantasme et fiction – ni, bien sûr de son volontariste machiavélisme éventuel, surtout lorsqu'il sera question de rendre compte d'une dérive relationnelle.

Ces 120 pages à l'écriture si dense (le miracle des nouvelles de « Sous l'empire des oiseaux » est comme renouvelé en permanence) abondent en échos et en correspondances, qui résonnent dans le matériau onirique et politique que dégage peu à peu le récit – ou ce qui nous est présenté comme tel, insidieusement. Comment ne pas songer au Mircea Cǎrtǎrescu de « Solénoïde » en lisant tout à coup « Ils pensent que je suis fou quand je dis que je vois des anges dans des grains de poussière ou des stars de l'opéra dans de fabuleux insectes » immédiatement suivi d'un « Ils disent que je suis fou de célébrer ce qui me dévore » où cette fois on entrevoit les lacis rusés du « Premier souper » d'Alexander Dickow ? Comment ne pas sentir la trace risquée d'un Jason Hrivnak (particulièrement celui du « Chant de la mutilation ») lorsqu'apparaissent certains rituels conjuratoires exacerbés (mais « conjuratoires de quoi exactement ? » restera une question en suspens, naturellement) ? Comment échapper aux appels oniriques, récitatifs ou interprétatifs lorsque « Chacun doit être inoculé, et nourri suivant la règle de responsabilité des rêves », appels dans lesquels s'engouffreraient sans forcer l'Antoine Brea de « Roman dormant », le Milorad Pavić d'« Exemplaire unique » et l'Ariane Jousse de « La fabrique du rouge », par exemple. La langue même de Carl Watson est celle d'un grand appel.

C'est bien cette langue même, si spécifique, qui permet à Carl Watson d'orchestrer en aussi peu de temps (de lecture) une telle migration des symboles, un tel échange entropique de signes cliniques et de signes mystiques, un tel brouillage des longueurs d'onde habituellement utilisées pour l'introspection ou pour la construction d'une façade sociale.Tout en ne s'éloignant jamais, dans son écriture, des ressorts terriblement matériels de vies vacillant perpétuellement au bord du bas-fond (ou s'y plongeant sans délectation aucune), il excelle à mobiliser des registres extrêmement différents, techniques ou profanes, religieux ou économiques, sarcastiques ou édifiants, pour créer un lexique très personnel dans lequel les mots usuels sont comme reconstruits à neuf, avec pourtant un je-ne-sais-quoi de patine demeurant familière. Et c'est ainsi que se déploie « L'échec de la métaphore à maintenir son caractère dans l'univers de la fiction ».
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          40
J'ai commencé ce livre à plusieurs reprises car, si j'arrivais à suivre le fil pendant plusieurs phrases, au bout de plusieurs pages, je ne comprenais plus un traître mot de ce que je lisais (ce qui est très désagréable d'ailleurs…) C'est manifestement un livre à ne pas mettre entre toutes les mains, puisque sa difficulté est vraiment un frein de lecture. Les tournures de phrases sont aussi tarabiscotées que l'esprit du narrateur (enfin, de ce que j'ai cru pouvoir saisir de son état mental…) C'est avec un véritable sentiment d'exaspération que j'ai lu le premier quart, en acceptant tant bien que mal l'idée de ne rien comprendre, mais ensuite, j'ai abandonné. Ce n'est décidément pas un livre pour moi, trop difficile d'accès.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Quand on observe les corps des hommes d’affaires, des criminels, des poètes et des travailleurs afin d’étudier les courbes des muscles, la peau et l’architecture du squelette, qu’on le veuille ou non, chaque proportion expose au monde entier une somme de philosophies et d’attitudes.
Par exemple : deux corps s’examinent dans deux miroirs de deux pièces différentes dans deux rues différentes de la même ville, ou peut-être même dans deux villes distinctes. Tandis que l’un s’efforce d’atteindre la perfection physique, selon la croyance (en effet) que la perfection existe et qu’on y parvient à force de discipline, l’autre n’y croit pas et emploie une tactique inverse.
Un corps est un réceptacle, un signe, un symbole de potentiel sur lequel tous les ornements sous la forme de tatouages, coiffures, vêtements et propreté, font partie intégrante du développement de la personnalité – la création de l’individu qu’on pense être par la suite… ou bien qu’on a toujours été – de l’auto-identification a posteriori.
L’autre corps s’examine lui aussi dans le même miroir obscur, mais plutôt que de faire du corps le produit de ses croyances, celles-ci sont formulées pour justifier le corps. L’idée de perfection en est altérée. Une moralité s’accumule jusqu’à devenir un accident de la nature, comme une parole irritante, un éclat de verre ou de sable. La beauté naît de valeurs accumulées, elle apaise l’irritant primordial, l’épine, l’aiguille, la graine de moutarde, le laid et l’inacceptable, tout ce qui fait perler le sang et cogne sous les crânes, recalculant la focale de l’esprit jusqu’à ce que tout soit finalement parfait.
Quoi qu’il en soit, cette perfection n’est pas habilitée à conférer un rang prestigieux à ceux qui se contentent d’en jouir en propriétaires. Ainsi, on doit pouvoir trouver dans ce qu’on appelle les gestes « blasphématoires » un langage qui n’autorisera pas à en abuser. Et si un accident ou un déséquilibre d’ordre chimique pousse quelqu’un à commettre des actes répugnants ou anti-sociaux, ça ne devrait surprendre personne, non plus. On a répété tant de fois que la véritable perfection annihile.
Commenter  J’apprécie          00
Le calendrier avait joué son coup : les cartes avaient été battues si longtemps qu’elles s’étaient elles-mêmes réorganisées en un tour de passe-passe, avant de devenir à tour de rôle le système privilégié de référence.
Le détective privé désabusé fut le premier sur les lieux. S’agissait-il d’un meurtre, d’un suicide, ou seulement d’une personne disparue ? Il avait une photo dans sa poche lui tenant lieu de piste. Il avait aussi un client à protéger et la perspective de poursuites judiciaires. Il n’avait demandé ni l’un ni l’autre, mais il fallait s’arranger pour que les deux marchent ensemble.
Il renifla alors le canon, essuya les empreintes sur la crosse du pistolet avec son mouchoir, le posant à environ deux mètres du cadavre de la victime. Il déplaça la chaise jusqu’à une antichambre, la positionnant à un endroit d’où l’on pouvait encore la voir de la porte. Il changea l’orientation du miroir au-dessus du bar puis essuya la bouteille de gin et la remit sur l’étagère. Il éteignit la lumière du couloir et appela la police – mais sans donner son nom.
Commenter  J’apprécie          00
J’ai manifestement des tas de confessions étranges à faire – je ne le désire pas nécessairement non plus. Alors je m’en débarrasse dans une langue obscure, dans la confusion des paroles. C’est ainsi que je les retarde. C’est comme ça que ceux qui vivent confinés réagissent à l’espace, et ainsi que le répugnant et le provocateur, le paria et le voyageur créent la grâce à partir de leur décomposition – de même que les mots peuvent forger l’amour à partir de l’aversion.
Par exemple, la répugnance est certainement une forme de stupeur. Mais la répugnance c’est aussi la conscience des choses. Le dégoût est-il un aliment approprié pour la littérature ? Et la rhétorique doit-elle provoquer l’événement ? Ce sont des questions que tous ceux qui ont l’usage de la parole doivent poser. L’air contient-il autant de puissance ?
Commenter  J’apprécie          00
Quoi que ce fût, ils ressentaient néanmoins tous les deux le besoin d’en faire partie. Ils plongèrent alors leurs regards dans le passé pour y valider leur existence au sein du présent. Il lui renvoya son regard. Elle fit de même. Mais elle regardait plus loin en arrière, bien avant qu’elle ne l’ait rencontré, et ce qu’elle voyait, c’était une erreur. Et pas seulement la sienne. Ils avaient vraiment fait une erreur quelque part, confondant l’appareil spéculatif et l’équipement physique : le télescope et la soif spirituelle, le microscope et la clairvoyance, l’inconnu et le connu, le vecteur et l’intention, la perception et la création, la raison et l’absence, etc. La liste était longue.
Commenter  J’apprécie          00
J’ai vu toutes mes relations d’autrefois devenir des hommes d’affaires, des employés, des artistes, des poivrots et des contremaîtres de l’information. Moi, je ne voulais pas de ce genre de mort. Mais quelle différence finalement avec ma dévotion d’esclave pour le fantasme ? Je peux penser à toutes sortes de justifications rationnelles. Je peux attaquer n’importe quelle émotion sous n’importe quel angle, mais je ne peux plus juger de la nature de ce que je ressens ou de l’intensité de mes sentiments.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : ennuiVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (5) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
433 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *}