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Peter Watts (Autre)
EAN : 9782843449697
224 pages
Le Bélial' (17/09/2020)
3.71/5   92 notes
Résumé :
Ils sont trente mille.
Ils voyagent depuis soixante millions d’années.
Leur mission : déverrouiller la porte des étoiles…
Avez-vous jamais pensé à eux ?
Aux Progéniteurs, aux Précurseurs — qu’importe le nom que vous leur avez choisi cette semaine —, ces dieux anciens disparus qui ont laissé derrière eux leurs portails et leurs autoroutes galactiques pour votre plaisir ? Avez-vous jamais cessé de vous demander ce qu’ils ont vécu ?
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, le canadien Peter Watts est un génie de la science-fiction. Un génie déprimant à souhait mais un génie quand même. On lui doit par exemple l'un des meilleurs romans de SF de tous les temps, Vision Aveugle, et une flopée de nouvelles toutes plus excitantes les unes que les autres dont une bonne partie peut se lire en français dans l'excellent recueil Au-Delà du Gouffre publié au Bélial'.
Et puisque le Bélial' aime les novella (et que Peter Watts persiste à dire que le présent ouvrage en est une), c'est avec la traduction d'Eriophora que l'aventure du canadien se poursuit dans l'Hexagone.

De l'art du Sense of Wonder
Eriophora se situe dans le même univers que plusieurs des nouvelles présentes dans Au-Delà du Gouffre et notamment Éclat. N'ayez crainte, il n'est absolument pas vital de les avoir lues pour aborder cette (longue) novella.
Pour faire simple, le récit de Peter Watts nous emmène à bord de l'Eriophora (qui est aussi une espèce d'araignée, Adrian Tchaikovsky n'est pas le seul à aimer ces bestioles) qui a pour principal particularité d'être un vaisseau à trou noir ou, plus concrètement, un gigantesque astéroïde dont le centre renferme une singularité. En naviguant à travers la galaxie, ce vaisseau étonnant lancé au XXIIème siècle après Ponce Pilate embarque 30.000 passagers humains (modifiés) que l'IA de bord, surnommée Chimp et volontairement stupide pour les besoins de la mission, réveille de temps à autre (comprendre de 100.000 ans en 100.000 ans) pour résoudre des problèmes trop complexes et/ou trop inattendus pour sa cervelle trop mathématique et protocolaire. Mais au fait, quelle est la mission de ce vaisseau qui voyage à travers la galaxie depuis 66 millions d'années ? Construire des portails (à l'aide de machines de von Neuman) utilisant des trous de vers pour permettre aux humains qui les trouveront un jour de voyager beaucoup plus rapidement.
Alors si ce résumé ne vous suffit pas à éprouver le sense of wonder par Peter Watts, sachez qu'il sera également question de gigantesques créatures (démons ? aliens ?) pouvant jaillir à tout moment d'un portail récemment créé, qu'on explore des forêts enfermées dans des grottes au plus profond de ce vaisseau-astéroïde et qu'on assiste aussi à la mort d'une étoile. Si vous vouliez faire un tour de la galaxie en mode ébahissement, vous avez sonné à la bonne porte ! D'ailleurs, contrairement à un Greg Egan (souvenez-vous de Diaspora), Peter Watts ne vous largue jamais sous les éléments scientifiques de son récit et, mieux, arrive à en vulgariser la plus grande partie (avec un tuyau d'arrosage par exemple). Autant dire que si vous vouliez de la Hard-SF accessible au commun des mortels, vous avez aussi frappé à la bonne porte.

De la dictature à long terme
Pourtant, croyez-le ou non, Eriophora n'est pas tant une histoire de trous de ver, de machines de von Neuman ou de niches biologiques qu'une histoire humaine…et politique. Car si l'on pourrait croire de prime abord que Peter Watts va nous raconter par le menu les péripéties de cette fine équipe pour construire un réseau de voyage intergalactique hors norme, il n'en est rien, ou presque.
La narratrice, Sunday Ahzmundin (que l'on connaît de la nouvelle Éclat, justement) n'est pas simplement là pour nous expliquer comment marche cette folle entreprise mais plutôt pour nous montrer les sacrifices qu'elle demande. Séparés en tribus, les membres de l'équipage de l'Eriophora sont alternativement considérés en tant que viande ou spores. En d'autres termes, ils sont sacrifiables, corvéables, au moins pour le bénéfice du plus grand nombre et de la sacro-sainte expédition. Chimp, dès lors, devient l'autorité en place, sorte de Dieu calculateur entièrement dénué d'humanité et programmé pour la réussite, peu importe le coût humain. Ne vous méprenez pas cependant, Chimp n'a pas grand chose d'un grand méchant, ou même d'un méchant qui se découvre un coeur, Chimp est une IA qui doit gérer un calcul complexe entre bénéfice et risque, coût et efficacité. Si ce qu'il sacrifie pour y parvenir vous paraît inhumain, c'est bien par votre perception de viande sensible et fragile.
Dans un système qui ne tolère pas l'échec (sous peine de mort et de néant interstellaire), peut-on confier toute la responsabilité de l'espèce à une créature émotionnelle et irrationnelle ? La question politique (et même philosophique, soyons fous) semble prendre le pas sur le reste et l'on s'en réjouit tant le raisonnement de Peter Watts multiplie les subtilités et les ambiguïtés.
Au centre du jeu, la révolution ! Un phénomène hautement humain s'il en est mais extrêmement complexe ici puisque Chimp voit et contrôle tout. Comment faire pour se révolter avec ce Big Brother 2.0 dans les parages et en se réveillant tous les 100.000 ans ? Peter Watts se propose de vous répondre en deux cent pages, multipliant les codes et les zones blanches (jusqu'à encoder un message dans son texte) pour captiver son lecteur jusqu'à la fin et à l'inévitable révélation.
La révolution ou l'esclavage ? La docilité ou la liberté ?… ces notions ont-elles encore un sens dans un tel endroit projeté 66 millions d'années après les Lumières ? À vous de voir…

Voyage spatial et réflexion sur le pouvoir, Eriophora vous transporte dans l'univers impitoyable et redoutable de Peter Watts avec un condensé de ce qu'il fait de mieux : utiliser la technologie et le sense of wonder pour réfléchir aux limites humaines. Et on en redemande !


Lien : https://justaword.fr/eriopho..
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Une lecture courte en Hard SF, un genre que je lis très peu. Je précise que je n'ai lu aucune des nouvelles de l'univers, je suis donc entrée dedans à l'aveuglette. Je n'avais même pas lu le résumé éditeur.

J'avoue que si ce n'était pas une mauvaise lecture, ni une lecture difficile (chose qui peut faire peur quand on parle de hard SF), je n'ai pas non plus été vraiment dedans. J'ai trouvé le contexte sympa et intriguant mais au final l'ensemble de l'intrigue ne portait pas sur les points que je trouvais les plus intéressant et je ne me suis pas vraiment attachée à l'héroïne, du coup je suis un peu passé à coté.

A ce sujet la j'ai préféré la nouvelle bonus cachée dans le texte, que j'ai lu après ma lecture de ce roman court / novella. La on était totalement sur un sujet qui m'intéressait et qui m'intriguait vis à vis de l'univers.

Pour en revenir à Eriophora : imaginez un « vaisseau » si on peut appeler ça, un astéroïde capturé en fait, et évidé. A l'intérieur, une singularité. L'utilité : pouvoir créer des portails, pour voyager bien plus rapidement dans la galaxie.

Mais pour que ça marche le gros problème vient du fait qu'il faut être sur place pour pouvoir faire le portail. Entrée et sortie. Cela implique des millénaires de trajet entre les deux, entre les différents points importants de la galaxie. L'humain n'a jamais voyagé si loin avant.

D'où la création du vaisseau.
Celui ci est chargé de faire le tour de la galaxie en plaçant portail après portail, une entrée et une sortie à chaque point. Pour cela il embarque avec lui 30 000 humains. Ceux ci, augmentés, nés pour leur tache quasiment, sont la pour résoudre les problèmes demandant un esprit de décision que l'AI du vaisseau ne possède pas.

Chaque humain va passer le plus clair de son temps en stase, et se voit réveillé quelques jours par millénaire au fil des besoins des différents chantiers du vaisseau. Ils sont séparés en « tribus » qui ne se croisent jamais car une rotation a été établie et la technologie de stase des humains a besoin d'un temps moyen d'un millénaire avant de pouvoir à nouveau réveiller de façon sécurisée la personne en question. Evidemment certains vieillissent donc plus que les autres si le vaisseau à plus besoin d'eux que les autres.

A oui, et évidemment cette timeline la est celle du vaisseau, mais celui ci voyage à une vitesse relativiste (proche de la vitesse de la lumière) pendant une bonne partie de son trajet. du coup quand l'action principale de l'intrigue débute, en temps global 65 millions d'années se sont déroulée sur Terre depuis le départ de leur vaisseau.

Mais voila, on ne peux pas passer si longtemps (en moyenne chaque « spore » humain du vaisseau a vécu entre 10 et 20 ans réel depuis le début) sans que quelque chose déraille. Surtout du coté humain de la chose. La moindre rumeur, ou événement inhabituel devient alarmant et prend des proportions énormes.

Par exemple on se demande bien qui a tagué certaines parties du vaisseau de messages incompréhensibles? Pourquoi les « points noirs » sans réseau (vis à vis de l'AI du vaisseau) se multiplient dans des endroits bizarres? Quel est ce monstre gigantesque que certains ont aperçu à la poursuite du vaisseau, sortant du portail lorsqu'un des chantier c'est terminé? Pourquoi les mémoires physiques de l'AI du vaisseau n'arrêtent pas de se déplacer entre chaque réveil sans que l'Ai soit au courant ? …

On imagine bien la paranoïa qui peut se développer quand les gens savent qu'ils sont endormi 99.9999% du temps, et donc incapable de réagir si un problème survient. Ils n'ont pas du tout le contrôle de leur vie. Ils ne sont que des outils pour l'AI du vaisseau.

Sans parler du coté social qui devient de plus en plus difficile car on ne croise jamais les même personnes, et toujours que quelques jours par ci, par la. Ils ont l'impression de ne vivre que par tiret, ce qui peut poser de gros problèmes de conscience, sans parler de la solitude que ça engrange.

Je dirais que la première moitié du texte est vraiment exactement ça. On est vraiment sur un roman d'ambiance, qui fait frissonner. Mais plus on avance, plus les personnages principaux commencent à se demander si la principale menace n'est en fait pas … bien plus proche d'eux? Certains commencent à se méfier de l'AI du vaisseau. Mais y a t-il vraiment un danger ou sont-ils juste paranoïaque?

Qui croire? Que faire? Comment ne serait-ce que communiquer avec les autres pour savoir si ils pensent pareil? Au final ça m'a fait penser à 2001 l'odyssée de l'espace par certains cotés.

Un passage résume bien en fait une partie du roman :

Comment fomenter une mutinerie quand on n'est éveillé que quelques jours par siècle, quand votre petite poignée de conjurés est remaniée chaque fois qu'ils sont appelés sur le pont ? Comment conspirer contre un ennemi qui ne dort jamais, qui dispose de toutes ces ères vides pour explorer exhaustivement le moindre recoin, tomber sur le moindre indice que vous auriez pu avoir l'imprudence de laisser traîner ? Un ennemi dont le champ de vision englobe l'intégralité de votre monde, un ennemi qui peut voir par vos yeux et entendre par vos oreilles en haute définition, comme s'il était vous-même ?

Pour ce qui est de mon avis, j'avoue que si je l'ai lu sans trop de souci, il ne m'a pas passionné. Je suis quelqu'un qui n'aime pas trop les romans d'ambiance trop lents où il ne se passe rien en dehors d'essayer de nous faire peur. Rien que le coté effrayant du début m'a plus rebuté que prit dans le récit. Je n'aime pas avoir peur, ou me sentir mal à l'aise, c'est d'ailleurs pour ça que je n'aime ni l'horreur, ni les thrillers en général.

Du coup la on fait un peu combo. Pendant la première moitié j'attendais que quelque chose arrive. Je m'ennuyais un peu tout en ne me sentant pas vraiment à l'aise avec le récit. Heureusement L'action arrive dans la seconde moitié, mais celle ci a provoqué d'autres problèmes qui ont fait que je n'ai pas non plus réussi à apprécier celle ci.

Le personnage principal n'est vraiment pas un personnage auquel je me suis identifiée. On ne sait jamais vraiment de quel coté elle est. Elle navigue limite au hasard, en fonction des événements, entre son attachement à l'AI et son envie de réagir car elle a peur. Elle n'est jamais vraiment d'un coté ou d'un autre.

Ce coté entre deux ne m'a pourtant pas vraiment plu en tant que lectrice. Principalement parce qu'il n'était jamais vraiment en phase avec moi. Je n'arrivais jamais à me décider si j'étais avec elle ou si je désapprouvais ses actions. En fait on était toujours aussi un peu dans les deux.

J'ai aussi été un peu surprise et un peu déçue de la fin. Pas des événements eux même, mais de la façon dont la fin nous est délivrée. En gros c'est une fin ouverte et il nous reste plein de questions dont on n'a pas les réponses.

Et j'avoue que ça m'a frustré car le personnage principal ne donne pas vraiment les faits. Elle dit juste qu'elle a été surprise par quelque chose et que si elle devait spéculer sur ce fait elle aurait fait ci et ça. Mais au final elle ne nous dit jamais vraiment ce qu'il y a. On ne peux que le deviner vaguement, par élimination.

J'aurais préféré avoir de vrai réponses et savoir ce qu'elle avait découvert en détail.

Au final il faut quand même reconnaître que le texte se lit vite et bien. On n'a pas de souci de compréhension ce qui rend l'ensemble très accessible. Je pense que si vous êtes sensible aux livres d'ambiance, il peut tout à fait vous plaire, même si la hard SF n'est pas votre genre de prédilection. Malheureusement ce n'est pas mon cas et du coup je suis passé à coté.
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L'Eriophora, l'espèce transmarina plus particulièrement, est une petite araignée de moins de trois centimètres de long qui tisse, la nuit, près des sources lumineuses, de grandes toiles de soixante-dix à cent vingt centimètres. Un nom approprié pour ce vaisseau-astéroïde géant en forme d'arachide de quatre-vingt dix kilomètres sur son grand axe et soixante-neuf sur le plus petit (l'échelle est donnée dans un dessin qui figure dans les premières pages), dont la mission est de mailler toute la galaxie en tissant un réseau de trous de ver accrochés à des portails déposés à proximité d'étoiles, ou même de trous noir.

Petit problème, sa vitesse quoique relativiste, est limitée à vingt pour cent de celle de la lumière. Ce qui met l'étoile la plus proche à, au moins, vingt années de navigation, et le premier tour ne pourra se boucler en moins de un virgule sept millions d'années (ce n'est pas vraiment dans le bouquin mais si on compte que la voie lactée fait cent six mille années-lumière de diamètre, en multipliant par trois quatorze puis par cinq, c'est un chiffre qui paraît raisonnable - ou totalement déraisonnable). Autant dire que ce voyage au long court s'éternise vraiment. L'action de ce bref récit se développe (si j'ose dire) pendant le soixante-sixième million d'années.

La boucle a été bouclée une bonne trentaine de fois (précisément trente-deux) et l'équipage humain, ou presque humain, transhumain certainement, estime que l'Intelligence Artificielle, le Chimp, qui est chargée de toutes les taches de bord et de la construction des portes des étoiles a une tendance à les sacrifier un peu trop facilement. Sans être aussi expéditif qu'HAL 9000 qui prend la décision de se débarrasser de tout l'équipage alors que le Chimp, à ce moment du voyage, n'en a encore exterminé que dix pour cent, on retrouve un peu la problématique de 2001, l'Odyssée de l'espace mais diluée sur des éons.

Le temps est fondamental dans l'histoire. L'équipage est préservé dans un état de quasi mort et n'est ressuscité que lorsque se présentent des problèmes demandant de l'intuition et un peu plus de jugeote que celle dont dispose l'IA de bord. Voilà où réside tout le sel de l'intrigue : comment organiser une révolte quand on ne peut être actif que quelques jours par millénaire, ou par centaine de milliers d'années. le titre anglais "the freeze-frame revolution" est plus explicite quoique difficilement traduisible. Sans compter que l'IA a des yeux et des oreilles partout, y compris dans la tête des comploteurs (transhumanisme oblige). Autre détail gênant, peut-être n'est-elle pas aussi limitée que prévu.

Il y avait bien longtemps que je n'avais été autant accroché par un texte, depuis les nouvelles de Greg Egan, mais pas pour les mêmes raisons, ceci dit. Celui-ci est plus facile d'accès parce qu'il est beaucoup plus subjectif. Les six chapitres sont comme le journal intime de Sunday Ahzmundin, la narratrice et principale héroïne. Il ne faut pas s'attendre à un flot de détails sur la psychologie de ses compagnons de voyages qu'elle ne côtoie que quelques heures ou au mieux quelques jours, par ci, par là, au long des millénaires ; et moins de détails encore sur le fonctionnement du vaisseau qui, pour elle, est tout aussi évident qu'au personnage auquel est destiné le texte (autrement dit, pas nous, lecteurs et lectrices qui tournons les pages du livre, ni même les autres membres de l'équipage humain quoique ces derniers sont censés pouvoir le lire puisqu'un message codé qui leur est destiné est caché dedans - certaines lettres sont en rouges dans l'édition papier et en gras dans l'édition numérique). On est plus dans l'exposé succinct d'un ressenti avec quelques touches bien choisies qui permettent d'imaginer le décor. Un gain appréciable dans la dynamique du récit, qui est peut-être de la hard science, mais qui, surtout, est de la science fiction, de la vraie ! de la bonne ! (personnellement, je ne crois pas qu'au-delà de la nouvelle - au pire de la "novella" - on puisse écrire quelque chose qui porte ce nom sans honte).

Un moment, je me suis demandé s'il fallait écrire cette chronique avant de lire les trois autres textes qui appartiennent au cycle de l'Eriophora et se trouvent dans le recueil Au-delà du gouffre acheté d'enthousiasme après la lecture d'un autre livre paru aux éditions le Bélial' : Comment parle un robot ? Finalement pas nécessaire mais la nouvelle Éclat, par exemple, donne quelques renseignements supplémentaires sur les mobiles de ceux qui ont lancé l'opération (et laisse espérer un space opera militaire des plus bizarres dont quelques bribes sont laissées en filigranes dans la nouvelle Géantes). La nouvelle L'île, permet de se rendre compte qu'un milliard d'années après son lancement, l'Eriophora continue à essaimer dans la galaxie...
Lien : https://rifters.com/real/sho..
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Le chimpanzé tisse sa toile...

Tragédie en 6 actes avec prologue et épilogue.
Parfois, on ne trouve pas de travail près de chez soi. Et les chantiers d'autoroutes demandent toujours plus de main d'oeuvre... Alors on prend la route et on laisse sa vie par derrière. C'est ce qui arrive Sunday, dans un très lointain futur sur son engin de travaux publics un peu spécial : un gros caillou comme vaisseau, pondant des trous de vers.

L'espace temps et une notion bien complexe. Ici en deux pages, l'auteur nous fait vivre ce qu'est cette dimension temporelle immense, inimaginable, incommensurable.
Huis clos classique de l'espace, des humains en hibernation, l'IA ne les réveillant qu'en cas de problème. Une vie en pointillé, quelques jours de vécu entre deux millénaires. Mais lorsque les millions d'années s'écoulent, difficile de ne pas éprouver de solitude, de nostalgie pour cette bonne vieille Terre. Alors on rumine... Et les emmerdes commencent.

Peter Watts est un auteur de hard-SF et bien que ce texte soit intelligible pour l'amateur éclairé, je ne pense pas qu'il puisse l'être pour des lecteurs non aguerris en science-fiction. Il suffira donc de lire encore un peu pour faire la connaissance de ce Chimp, l'Intelligence Artificielle du vaisseau, qui est loin des standards froids que l'on connait habituellement. Mais connait on réellement la psychologie des IA ? L'Homme peut-il se fier totalement à une machine, fût elle intelligente ?

Une révolution est-elle possible dans ces conditions ? Peter Watts nous donne sa réponse qui m'a bien plu. Ça se lit tout seul, on a envie de savoir comment tout cela va se terminer, où nos révolutionnaires vont se la faire mettre à l'envers. Des questions, de l'intelligence, une atmosphère étouffante et un combat IA/Femme, qu'est ce que tu attends pour le lire ?
Un texte non dénué de poésie scientifique, parsemé de touches d'humour noir propre à l'auteur, comme ce "Pour servir au mieux les intérêts de la mission"

Cerise sur le gâteau, un petit jeu se cache dans les lignes du roman, permettant de prolonger le final.
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Avec sa superbe couverture signée Manchu, Eriophora m'a de suite tapée dans l'oeil, mais mes dernières expériences avec la Hard Science me faisait un peu craindre le pire avec un auteur aussi réputé que Peter Watts. Mais les premières chroniques en parlant comme quelque chose de tout à fait abordable m'ont rassurée et je remercie le Bélial' pour cet envoi et leur confiance qui m'a permis de le lire et de vous en parler.

Eriophora, c'est d'abord un très bel objet livre proposé par le Bélial' qui décidément sait gâter ses lecteurs. Dans un format entre poche et grand format, sur une reliure souple à rabat, se déploie la superbe illustration de couverture de Manchu où l'on peut admirer le vaisseau-astéroïde que nous allons suivre ainsi que l'un des portes qu'il construit. L'intérieur est composé 6 chapitres commençant toujours par une illustration métaphorique relatant ce qu'il s'y passe, et clairement le choix de la maquette m'a vraiment plu. C'est un détail mais le choix pour l'écriture des numéros des pages m'a paru judicieux et j'ai aimé le jeu auquel se livre l'auteur à l'intérieur de sa propre histoire.

Cette histoire, c'est celle d'un bâtisseuse, une femme qui a été formée et s'est embarquée sur un vaisseau-astéroïde dont la mission est de bâtir sur des millions d'années des portes des étoiles, des portails ayant pour but de devenir des autoroutes célestes. Mais ce n'est pas la construction de ces portails que nous allons suivre. Non, l'auteur nous offre une plongée au sein de la vie à bord de ce drôle de vaisseau où à chaque réveil l'héroïne relève quelque chose d'intrigant qui la pousse à s'interroger sur la vie à bord.

Je sais que certains n'ont pas aimé, pour ma part, j'ai adoré le rythme très lent du récit. Il m'a parfaitement fait ressentir la très très longue durée de cette mission. J'ai aimé ce sentiment de lire une suite de nouvelles se déroulant dans le même univers, avec la même héroïne, et dans lequel on dégage peu à peu un fil conducteur. La narration est très bien menée rendant le récit de plus en plus immersif. On plonge petit à petit dans les méandres de la vie à bord et tout ce que cela implique. C'est très mystérieux, un brin sombre et morose, collant parfaitement à la mission dans laquelle ils se sont tous engagés.

Parlons-en de cette mission, c'est vraiment de l'esclavagisme moderne voire pire, puisque l'on suit quand même des gens qui ont été créés (?) ou du moins formatés pour accepter ces horribles conditions de travail que l'on découvre au fur et à mesure. C'est glaçant et fascinant. La mission nous apparaît en plus comme totalement absurde au fur et à mesure de son avancement au vu de l'absence d'échanges avec ceux restés sur Terre. C'est une mission sans voie de retour qui n'a pas été sans me rappeler celle d'Ulysse parfois, puisque comme lui l'équipage à bord doit affronter son lot d'inattendu.

Comment vivre alors à bord ? L'héroïne, Sunday, semble tout d'abord totalement résignée, subissant son sort sans même s'en rendre compte, ce qui est assez déprimant. Mais il suffit d'un mot, d'une rencontre pour tout faire basculer. le récit rentre alors dans une dimension thriller qui m'a beaucoup plu, où d'un côté on s'interroge sur l'origine du mal en quelque sorte et sur celui qui fait perdurer voire péricliter le système, et de l'autre on assiste à la résistance que vont mettre en place les humains à leur échelle. Passionnant.

Eriophora est donc un récit à tiroirs où ceux-ci s'emboîtent parfaitement au fil des chapitres. On plonge de plus en plus profondément dans le fonctionnement de ce drôle de vaisseau aux côtés d'une héroïne atypique qui a du mal à trouver sa place entre sa fascination pour Chimp, l'I.A. faisant fonctionner le vaisseau, et son désir de rester soudée avec ceux de son espèce et de les soutenir. C'est un vrai titre d'ambiance, une ambiance lourde et calfeutrée, voire étouffante où un mal étrange rode contre lequel il va être dur de lutter. Cela n'a pas été sans me rappeler des textes comme 2001 l'Odyssée de l'Espace, bien sûr, mais aussi d'autres récits de vie à bord de vaisseaux ou d'autres récits de travailleurs besogneux dans l'espace.

En ce qui me concerne, j'ai beaucoup aimé cette courte lecture pourtant assez dense où finalement le décor hard science fut effectivement tout à fait abordable car vulgarisé par l'auteur pour les novices comme moi. J'ai été bien plus emportée par la trajectoire de Sunday et les réflexions que cela pousse à avoir sur notre rapport aux I.A. mais également à l'industrie et au travail, qui furent pour moi le coeur de ce récit. Cette lecture fut donc un petit coup de coeur !
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Il m’arrive de pleurer de temps en temps, si jamais vous vous posez la question.
J’ai même pleuré pour le Chimp, un jour.
J’ai assisté à sa naissance, des années avant notre départ. J’ai vu les lumières s’allumer, je l’ai écouté trouver sa voix, je l’ai observé tandis qu’il apprenait à distinguer Sunday, Kaï et Ishmael. Il apprenait tellement vite, et avec tant d’enthousiasme ; à l’époque, moi qui sortais à peine de mon adolescence accélérée et n’étais pas encore en route pour les étoiles, j’étais certaine qu’il accèderait tout de suite à la divinité pendant que nous-mêmes resterions embourbés dans la chair et le sang.
Il semblait si heureux : il faisait voler tous les repères en éclats, relevait tous les défis, anticipait ceux à venir avec une sorte d’enthousiasme câblé que je ne pouvais que qualifier de voracité. Un jour, entrant dans une catacombe grossièrement taillée, je suis tombée sur un flot de robots tourbillonnant dans une impeccable formation complexe : un banc de poissons argentés au milieu de la forêt nouvellement ensemencée de l’Eri. Les formes que j’entrevoyais me donnent encore mal à la tête, quand j’y pense.
« Ouais, on ne sait pas trop ce que c’est », a répondu une des grosses têtes quand je lui ai posé la question. « Il fait ça de temps en temps.
– Il danse« , ai-je répliqué.
Eil m’a regardée avec une sorte de pitié. « Il se tourne plus probablement les pouces. Il lance un diagnostic moteur qui se déclenche quand il a quelques cycles devant lui. Eil a haussé un sourcil. « Pourquoi tu ne lui demandes pas ? »
Je ne me suis jamais résolue à le faire bizarrement.
Je partais me promener dans les cavernes pendant les temps morts, pour le regarder tandis que la forêt s’étendait : théorèmes et symphonies fractales devant le basalte fissuré, devant un brouillard de mycélium, devant des pseudopodes photosynthétiques proliférants tellement efficaces pour absorber les photons que même sous une lumière imitant celle du soleil, on ne les voyait que comme des silhouettes noires. Lorsque la forêt s’est retrouvée pleine, Chimp a déménagé dans un atelier inachevé. Quand celui-ci a commencé à se remplir, il est parti dans une cuve de liquide de refroidissement vide grosse comme un gratte-ciel, avant de finir par s’installer dans le vaste creux au centre du monde où, bientôt, un troll contrevenant aux lois de la physique frémirait et bouillonnerait dans les ténèbres, nous tirant en avant par ses propres moyens. La danse évoluait à chaque relocalisation. Jour après jour, ces tapisseries cinétiques devenaient plus raffinées, plus époustouflantes, plus belles. Peu importait où il allait. Je le retrouvais. J’étais là.
Je me livrais parfois à un peu de prosélytisme en invitant au spectacle un ami ou amant, mais à part Kaï – qui a bien voulu venir à deux ou trois reprises -, personne ne trouvait particulièrement intéressant de regarder un diagnostic de bord se tourner les pouces. Pas de problème. Je savais désormais que Chimp dansait surtout pour moi, de toute manière. Pourquoi pas ? Les chiens et les chats ont bien des sentiments. Et même les poissons. Ils contractaient des habitudes, se mettaient à éprouver de la loyauté. De l’affection. Chimp n’équivalait peut-être qu’à une fraction d’un cerveau humain, mais il était nettement plus malin qu’un grand nombre d’êtres sentients dotés de personnalités à eux. Un jour, d’ici quelques éternités, les gens remarqueraient les restes de ce lien et chieraient dessus, mais cela aurait tout aussi bien pu être le leur. Tout ce qu’ils avaient à faire, c’était rester là à regarder avec émerveillement.
Est toutefois arrivé un moment où Chimp ne m’a pas semblé deux fois plus malin que la veille.
Je n’ai pas pu mettre tout de suite le doigt dessus. J’avais juste… développé ce modèle d’attente exponentielle, il faut croire. Je prenais pour acquis que le petit enfant qui jouait avec des cubes numérotés le matin maîtriserait le calcul tensoriel au déjeuner. Désormais, il ne suivait plus cette courbe-là. Désormais, il ne suivait plus cette courbe-là. Désormais, il ne devenait que petit à petit plus malin. Je n’ai jamais interrogé les techos à ce sujet – je n’en ai même pas touché un mot aux autres spores -, mais en une semaine, tout doute sur ce point a été levé. Chimp n’était pas exponentiel, après tout. Seulement sigmoïdal, il avait passé le point d’inflexion et approchait de l’asymptote, et malgré ses stupéfiants talents d’idiot savant, il n’aurait pas fait un pas de plus vers la divinité quand il atteindrait ce plafond.
En fin de compte, il ne serait même pas aussi malin que moi.
Bien entendu, ils n’arrêtaient pas de le pousser. De le charger de nouvelles tâches toujours plus complexes. Et il ne rechignait jamais, il continuait à obtenir la note maximale. Après tout, il n’avait pas été conçu pour échouer. Mais il devait à présent travailler plus dur. Les exercices ne cessaient de consommer davantage de ressources. Celles-ci diminuaient de jour en jour.
Il a arrêté de danser.
Ça n’a pas eu l’air de le déranger. Je lui ai demandé si le ballet lui manquait, et il n’a pas su de quoi je parlais. J’ai compati avec lui au sujet du marteau qui l’avait fait tomber du ciel et il m’a répondu que tout allait bien. « Ne t’inquiète pas pour moi, Sunday. je suis heureux. »
C’était la première fois que je l’entendais utiliser ce mot. Dix jours plus tôt, je l’aurais peut-être cru.
Je suis donc descendue dans une des forêts – désormais au crépuscule, les flux à spectre complet s’étant retirés une fois que les sous-bois avaient dépassé le stade de semis – et j’ai pleuré un être heureux et chétif qui, à son insu – ou peut-être s’en fichait-il – avait foncé vers la transcendance jusqu’à ce qu’une priorité de mission sans âme le fige dans l’ambre.
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Nous arrivions sur la passerelle, seuls ou à deux, nous nous regroupions autour de notre Némésis en jouet miniature et la regardions pétrifiés. Ce disque mortel de gaz incandescent. Cette minuscule gueule noire en plein milieu, des étoiles lointaines s’étalant sur son pourtour comme autant de taches lumineuses. Le collier ténu en hyperdiamant allant d’ici à là, convoyeur gravitationnel ne cessant de récolter sur l’ergosphère de précieuses aliquotes d’énergie qu’il rapportait à nos accumulateurs. Un demi-million d’unités flirtant avec l’anéantissement : l’usine entière, dispersée, en mouvement constant, chaque processeur et raffinerie et fabricatrice se regroupant en agrégations assez complexes pour vous donner mal à la tête. Nous les regardions sans mot dire, parfois des heures durant, hommes des cavernes regroupés autour d’un feu de camp qui trouvait le moyen de nous laisser transis de froid.
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Comment fomenter une mutinerie quand on n’est éveillé que quelques jours par siècle, quand votre petite poignée de conjurés est remaniée chaque fois qu’ils sont appelés sur le pont ? Comment conspirer contre un ennemi qui ne dort jamais, qui dispose de toutes ces ères vides pour explorer exhaustivement le moindre recoin, tomber sur le moindre indice que vous auriez pu avoir l’imprudence de laisser traîner ? Un ennemi dont le champ de vision englobe l’intégralité de votre monde, un ennemi qui peut voir par vos yeux et entendre par vos oreilles en haute définition, comme s’il était vous-même ?
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D’après une de nos légendes, à nous autres de l’Eriophora, il existait loin à l’arrière, presque au niveau des propulseurs de lancement eux-mêmes, une caverne remplie de diamants. Et non de diamants ordinaires, mais du truc hexagonal non taillé. De la lonsdaléite. Le solide le plus dur dans toute notre putain de système solaire – du moins au moment où nous en sommes partis -, et lisible au laser, en plus.
Il faut au moins ça, pour vos sauvegardes, sinon autant les graver dans du beurre.
Rien n’est immortel, dans un voyage d’un milliard d’années. L’univers tourne en stop-motion autour de vous, et les sauvegardes des sauvegardes de vos sauvegardes ont besoin d’être sauvegardées. Même les stratégies de réplication avec correction d’erreurs piquées à la biologie ne peuvent empêcher éternellement les mutations. C’était valable pour nous, les brochettes de viande qui connaissions un réveil éphémère tous les millénaires, cela l’était tout autant pour le matériel. Ça tombait tellement sous le sens que je n’y avais jamais réfléchi. Le temps que je le fasse, Chimp avait atteint sa quatre-vingt-troisième réincarnation.
Que ses nœuds se reproduisent comme des mouches et se distribuent jusque dans les recoins les plus reculés de l’astéroïde ne suffisait pas. Que les circuits aux-mêmes soient d’une primitivité quasi paléolithique non plus : quand votre IA compte moitié moins de synapses qu’un cerveau humain, bricoler à l’échelle nanométrique n’est que poudre aux yeux. Les choses continuent à tomber en morceaux. Les canalisations se décomposent. Les circuits d’une douzaine de molécules d’épaisseur s’évaporent avec le temps, si l’entropie et l’effet tunnel quantique ne les ont pas déjà réduits à l’état spongieux.
De temps en temps, une remise à neuf s’impose.
Ainsi sont nées les Archives : une bibliothèque de sauvegardes, pavés cubistes de statues en diamant plus grandes que nature, commémorations d’une condition ancestrale sans tache. Quelqu’un, à l’aube des temps, l’avait baptisée île de Pâques : j’ai cherché par curiosité à quoi ce nom correspondait et obtenu en retour des informations concernant un vilain tas de cailloux sur Terre, un truc perdu au milieu de nulle part, essentiellement connu parce que ses habitants prétechs avaient détruit leur environnement juste parce qu’ils voulaient commémorer leurs ancêtres morts depuis longtemps en construisant une série de statues moches comme un pou.
Quel autre nom lui donner ?
Chaque fois que le stock de Chimp sauvegardés commençait à baisser – ou celui des lentilles gravitationnelles, des climatiseurs et d’autres artéfacts indispensables dont la durée de vie ne dépassait pas celle du proton -, l’Eri envoyait donc de lourdauds réviseurs sur sa propre et secrète île de Pâques lire des schémas minéraux si vastes, si stables qu’ils survivraient peut-être à la Voie lactée.
L’endroit n’a pas toujours été aussi secret, remarquez. Nous l’avions traversé une dizaine de fois au cours de la construction, et une dizaine d’autres fois durant notre formation. Mais un jour, peut-être à notre troisième ou quatrième passage dans le bras du Sagittaire, Ghora est allé après un chantier faire de la spéléologie pendant que le reste d’entre nous gisions morts dans la crypte. Juste histoire de passer le temps, m’a-t-il raconté ensuite, de retarder l’inévitable mise à l’arrêt par une petite reconnaissance récréative. Il est descendu dans la zone à haute gravité, s’est faufilé par les conduites et les crevasses à l’emplacement marqué d’un X, et a trouvé l’île de Pâques complètement nettoyée : ce n’était plus qu’une cavité obscure béant dans la roche, hérissée des moignons de boulons et d’amarrages cisaillés à quelques centimètres au-dessus du substrat.
Le Chimp avait déplacé toutes ces fichues archives pendant qu’on dormait entre les étoiles.
Il n’a pas voulu nous dire où. Il ne pouvait pas nous dire où, a-t-il soutenu. En ajoutant qu’il n’avait fait que suivre des instructions préenregistrées du Centre de Contrôle dont il n’avait su l’existence qu’au moment où un dispositif d’horloge les avait injectées dans sa file de tâches. Il ne pouvait même pas nous dire pourquoi.
Je l’ai cru. Depuis quand les programmeurs expliquaient-ils leurs intentions à leur code ?
« Ils ne nous font pas confiance, a dit Kaï en roulant les yeux. Ça fait huit millions d’années qu’on est sur la route et ils ont peur qu’on… Qu’on quoi ? Qu’on bousille notre propre support vital ? Qu’on écrive Sawada suce des pets sur leurs modèles réduits ? »
Il nous arrivait encore de partir à sa recherche, quand on avait du temps à tuer et des démangeaisons à gratter. On enfonçait des microcharges dans la roche pour en étudier les vibrations qui résonnaient d’un bout à l’autre de notre petit monde, en quête d’une grotte inconnue. Le Chimp ne nous en a jamais empêchés. Il n’en a pas eu besoin : depuis la découverte de Ghora, il y a bien des térasecs, nous n’avons jamais rien trouvé.
Peut-être Lian pensait-elle que le hasard lui sourirait, cette fois-ci. Ou peut-être cherchait-elle juste une excuse pour ne pas rester avec nous.
Quoi qu’il en soit, je lui ai souhaité bonne chance.
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– Préfèrerais-tu qu’on fasse moins souvent appel à toi ?
– Pourquoi ça ? » Je me suis demandé s’il m’offrait cette possibilité ou s’il mettait simplement à jour mon profil psychologique.
« Si tu voulais durer plus longtemps, par exemple.
– Je ne vivrais pas plus longtemps. J’introduirais juste des temps morts plus longs dans une durée de vie identique.
– Mais il se passerait davantage de choses dehors. Plus tu dures longtemps, plus tu as des chances de vivre quelque chose d’inattendu.
– Genre ?
– Je ne sais pas. D’autres spores ont exprimé de la curiosité pour l’avenir.
– Quelqu’un continue de penser que nos petits-enfants vont sortir du portail pour nous ramener au paradis. »
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Vidéo de Peter Watts
Titulaire d'un doctorat en biologie et ressources écologiques, spécialiste des fonds marins et De La faune pélagique, Peter Watts appartient au rang de celles et ceux qui proposent la plus exaltante des sciences-fictions contemporaine. La réédition toute récente de “Vision aveugle” — roman aussi exigeant qu'électrisant, qui questionne les notions d'intelligence, de conscience et d'altérité — fournit l'occasion rêvée pour une discussion sur les parutions récentes de l'auteur, ses projets, la science-fiction, la vie, la mort, la fin du monde… Rendez-vous le mercredi 17 novembre 2021 à 18h ! Modération : Erwann Perchoc Interprète : Cyrielle Lebourg-Thieullent. Illustrations : Manchu https://www.belial.fr/peter-watts/vision-aveugle_belial
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