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La maison des jeux tome 1 sur 3
EAN : 9782843449970
160 pages
Le Bélial' (17/03/2022)
4.06/5   347 notes
Résumé :
Dans la Venise du XVIIe siècle, il existe un établissement mystérieux connu sous le nom de Maison des Jeux, accueillant deux ligues. Dans la ligue basse, des fortunes se font et se défont en jouant aux échecs, au backgammon ou à n'importe quel autre jeu. Ceux que favorisent la chance ou le talent sont parfois invités à concourir dans la ligue haute... Là, le jeu de cache-cache se déroule à l'échelle d'un pays, les pièces des échecs sont de véritables individus, les ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (107) Voir plus Ajouter une critique
4,06

sur 347 notes
Beau, réjouissant et brillant, ce premier tome de la Maison des jeux m'a totalement charmée et m'a amenée dans la Venise du XVIIème siècle, lagune envoutante avec ses ruelles embrumées au charme suranné, ses effluves de marais et ses canaux, cadre idéal pour se perdre et pour observer, caché derrière un masque à long nez ou des voiles d'argent tressé, un jeu à l'échelle de la ville. Un jeu combinant Échecs et Tarot où les pièces et les atouts sont… humains, vivants, pièces de chair, de sang, et de sentiments, des pièces « d'entrailles et de douleur ».
La collection Une heure-Lumière des éditions du Belial' n'en finit pas de me surprendre. Parmi les titres découverts, si je ne les ai pas tous aimés de façon égale, tous ont eu le don de m'étonner…et ce livre-là, décliné en 3 tomes, a sans conteste pour l'instant ma préférence.

Ce tome du Serpent démarre avec l'histoire, tragique, d'une jeune femme juive dénommée Thene, mariée par arrangement et convenance au vieil Jacamo de Orcelo, un vénitien mauvais, alcoolique, coureur de jupon et endetté. Il mène à sa femme, par qui il a eu une dot épongeant ses dettes, une vie dénué d'amour, une vie d'humiliation, de brimades et de violence, se vengeant par là des moqueries de ses pairs qu'il subit pour ce mariage arrangé avec une juive.
Thene endure son calvaire avec résignation et patience ne laissant rien paraitre de ses émotions, impassibilité qui le don d'énerver au plus haut point Jacarmo.
Afin de lui montrer avec ostentation la façon dont il dilapide l'argent du ménage, argent qui provient de la famille de sa femme, afin, pense-t-il, de la faire souffrir enfin, il l'emmène un jour avec lui à la Maison des jeux, établissement vénitien réputé où se terrent dans les coins sombres les prostituées, où le son de la musique et des brouhahas, le bruit des dés lancés et des cartes rabattues le disputent aux odeurs de viande. Alors que son mari ne cesse de se ridiculiser, perdant chaque soir au jeu totalement ivre, Thene se découvre un véritable don pour le jeu. Soirée après soirée, elle joue, elle gagne, est observée, repérée puis invitée à la Haute Loge, salle réservée aux invités, derrière la Porte d'Argent. Là, dans cette alcôve secrète et élégante, l'énigmatique Maîtresse des jeux propose aux rares élus de jouer beaucoup plus grand, de jouer pour leur voeu le plus cher, quel qu'il soit. Pour Thene, le voeu le plus cher est la liberté et l'affranchissement.


« Pourquoi jouez-vous ?
– Pour être libre
– de quoi ?
– Mon mari . Ma famille. Mon sang. Mon nom. Tout cela. Pour être…puissante. Je ne parle pas du pouvoir pour le pouvoir, mais plutôt en tant que force. La force d'être reconnue pour moi-même, de vivre pour moi-même, d'être moi-même comme on ne me l'a encore jamais permis. Voilà pourquoi je joue ».

Ils sont 4 joueurs élus, un seul sera choisi pour une place dans la Haute loge. Pour cela, ils doivent gagner une partie du jeu des Rois consistant à placer le premier, ou la première, leur Roi qui leur a été désigné par la Maitresse de jeu. Il s'agit d'une personne puissante à Venise qui doit prendre la place d'inquisiteur au Tribunal Suprême, celle-ci venant d'être vacante. 4 candidats de force plus ou moins égale vont briguer ce titre. Il faut donc être le ou la plus rapide à faire accéder son Roi à cette fonction, ou être celui ou celle qui écarte le plus rapidement les autres Rois, en les affaiblissant ou pourquoi pas en les tuant.
Des Atouts ont été également choisis et mis à leur disposition pour les aider, savoir les jouer au moment opportun s'avère capital. Chaque Atout est un personnage ayant eu des déboires dans le passé avec la Maison des jeux et ayant une dette envers celle-ci. de ce fait, ils lui sont redevables, doivent payer leur dette en devenant un Atout du jeu que le joueur joue à sa guise lui demandant des services précis. Il s'agit de savoir utiliser ses spécificités et ses forces. Les Atouts sont des cartes de Tarot personnifiées.
Thene arrivera-t-elle à placer son Roi, le fameux Seluda, chef d'une maison commerçante, soixante et un ans, cheveux gris et barbe longue, membre du Collegio ? Quelle stratégie va-t-elle déployer pour parvenir à la victoire ?

La Maison des jeux est un récit sensoriel et le sens mis en valeur dans ce livre tout particulièrement est celui du regard…regards volés, regards louvoyant derrière un joli loup, regards en miroir lorsque sous un masque de carnaval des yeux nous regardent en train de les regarder, regards de biais, caché et masqué, le narrateur semble observer Thene avec nous, nous invitant, par le biais de susurrements et de murmures, à bien observer cette femme, cette stratège hors pair, à notre tour. Oui, nous sommes nous-mêmes observateurs, lecteurs pris à partie, en duo avec le narrateur, nous-mêmes cachés et masqués…D'où l'utilisation régulière de ce « Nous » qui, dès l'incipit, nous implique, en tant que témoins et juges, nous fait plonger dans cette ville tentaculaire avec Thene, observateurs en arrière-plan, derrière les piliers de certains palais, au détour d'une ruelle, depuis une gondole…Cette prise à parti d'observation masquée crée une ambiance feutrée et mystérieuse apportant beaucoup de singularité au récit.

« Venez. Observons ensemble, vous et moi. Nous écartons les brumes. Nous prenons pied sur le plateau et effectuons une entrée théâtrale : nous voici ; nous sommes arrivés ; que fassent silence les musiciens, que se détournent à notre approche les yeux de ceux qui savent. Nous sommes les arbitres de ce petit tournoi, notre tâche est de juger, restant en dehors d'un jeu dont nous faisons pourtant partie, pris au piège par le flux du plateau, le bruit sec de la carte qu'on abat, la chute des pions ».

Je suis impatiente de lire le second tome de cette trilogie particulièrement novatrice et originale à l'ambiance délicieusement désuète. Pensez à noter, au cours de votre lecture, les Rois en présence, leurs forces et leurs faiblesses, ainsi que les Atouts...cela rendra le jeu plus clair, la stratégie plus limpide. Mais sinon perdez-vous avec délice dans cette Venise labyrinthique ourdie d'alliances étonnantes, de corruption, de coups stratégiques, de rumeurs plus ou moins fausses, de chantages, et surtout observez bien et tous les mystères vous seront révélés…

"Les pièces vont et viennent, seul le jeu est éternel !"
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Etrange ambiance, à la fois si confortable et délicieusement troublante, que celle de ce premier opus en forme de thriller fantastique, où le jeu se mêle à la réalité pour nous plonger dans une réalité virtuelle : un plateau de jeu grandeur nature que l'on croit être Venise mais qui pourrait, les tomes suivants nous le révéleront peut-être, s'avérer être bien plus vaste et se constituer du monde entier voir même, pourquoi pas, représenter symboliquement la vie entière.


« Les jeux, au contraire de la vie, ont une structure, un motif, un ordre à respecter. Jouez, et tous les mystères seront révélés. »


Venise, donc, 17ème siècle. Un homme ordinaire échange son titre contre l'argent de la femme Thene, qu'il épouse sans amour. Son malheur en amour le rendra-t-il heureux aux jeux, dans lesquels il noie son oisiveté et dépense l'argent qu'il n'a pas pour tenter d'exister ? Rien n'est moins sûr. Car comme tout joueur compulsif, il ne sait pas s'arrêter et finit toujours par perdre. Et pour faire souffrir sa femme autant qu'il souffre lui-même, il l'oblige à l'accompagner dans la Maison des Jeux où il joue l'argent de leur ménage.


Nous découvrons alors avec avidité une Venise secrète, faite de sombres ruelles enchevêtrées et de masques troublants, de confidences et de mystères, de pouvoir et de convoitises… Nous comprenons vite, avec Thene, que l'argent n'est pas le seul enjeu de ce lieu énigmatique : ici nous sommes observés, nous sommes jugés, estimés et évalués. Et si nous sommes assez bons, alors la Maîtresse du Jeu vient nous trouver, et nous enrôler. Thene, qui finira par jouer, se fera remarquer. le jeu de rôle qu'on lui proposera alors suppose de manipuler des pions de chair et d'os. Son plateau de jeu : Venise. Son jeu ? le jeu des Rois. le but ? Faire élire le pion qui lui a été attribué, un notable du coin, au poste convoité de Tribun au lieu des quatre autres pions notables en vue, joués par d'autres joueurs sélectionnés. Les règles ? Elles tiennent dans une petite boîte en argent, abritant également les cartes qu'elle aura en main et pourra décider d'abattre le moment venu. Ces cartes représentent des acteurs politiques, économiques, religieux ou populaires de Venise, mis à disposition de Thene par la Maison des Jeux pour accomplir la mission qu'elle voudra leur confier. Mais qui sont ces gens et contre quoi acceptent-ils de jouer leur propre vie ?


Ce n'est pas la seule question à résoudre. Bien vite, nous nous sentirons tout petits dans ce jeu qui nous dépasse. Il se murmure en effet que le « jeu politique » dont la partie se déroule sous nos yeux, ce plateau de jeu grandeur nature, n'est lui-même qu'un petit aperçu de ce qui se joue à échelle réelle dans le monde entier. Car qui d'entre nous est absolument certain de n'être pas qu'un pion supplémentaire sur l'échiquier ? Mais alors qui dirige tout cela ? D'où ? Et pourquoi ? Si le jeu des rois s'achève en apothéose à la fin de ce premier tome, obtenir les réponses à toutes nos questions demandera de poursuivre avec les suivants.


En première ligne : Quel est ce « nous » qu'on nous a collé en guise de narrateur, que Thene semble « voir » à la fin de sa partie mais dont on ne nous révèlera rien pour le moment ? On lui doit en tout cas une fière chandelle puisqu'il nous trimballera, durant tout le récit, d'alcôves les plus secrètes en gondoles les plus isolées, nous détaillera les faits, gestes et mimiques révélatrices de chaque personnage. Enfin, ce pronom mystérieux nous intègre au jeu en nous permettant de nous identifier à ceux qui sont derrière, espionnant ou tirant les ficèles de que l'on appelle « destin »… Et si derrière toutes les guerres, toutes les peines et chaque victoire, il n'y avait en réalité que des joueurs qui s'affrontaient uniquement pour gagner, au détriment de tous les autres pions innocents que nous sommes ? Qui nous manipule, nous place et nous déplace ? Nous fait nous élever… ou mourir ? Sommes-nous le jouet de quelqu'un ? Se joue-t'on de nous ? Autant de questions désagréables qui interrogent notre propre place dans la société et dans l'univers en mêlant, avec habileté et une finesse tout juste dérangeante, le réel (on plonge sans mal dans les rues de Venise, on visualise et transpose aisément les jeux politiques, maçonniques et de réseaux que l'on connaît) et l'imaginaire (quelle puissance se cache en réalité derrière la maîtresse des jeux...?) - avec lequel je ne suis pourtant pas toujours à l'aise en littérature.


En vérité, « Quel destin n'est pas pendu entre le caprice d'un inconnu et le mépris de l'univers ? »


« La vie est vécue au fil de choses qui ne sont pas vraies. (…) Nous sourions à ceux que nous voulons détruire, nous nous allions avec ceux que nous ne respectons pas, nous admirons notre propre intellect et cherchons toujours la récompense suprême. Nous désirons la gloire, tous autant que nous sommes, et, pour l'obtenir, nous ne nous soucions pas de regarder ceux que nous avons détruits en chemin. Un jeu est tout cela et plus encore, plus noble, car ceux qui jouent à tout le moins se transcendent, voient à la fois les conséquences de leurs choix et le plateau dans son ensemble. Je ne crois pas qu'il y ait de plus noble vocation que le jeu, et je voudrais vous permettre d'y participer. »


« Et toujours la Maison des Jeux, la Maison des Jeux qui vit, qui tourne, la Maison des Jeux qui attend.
Et mon amour également.
Le denier tourne.
Le denier tourne.
Et nous voilà enfuis. »


C'est le jeu de la vie.

Merci Chrystèle pour cette idée de lecture, sur un thème classique mais bien réalisé ! Une agréable et pertinente utilisation de l'imaginaire mettant en relief les dérives et turpitudes humaines.
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La qualité des couvertures des éditions Bélial sont souvent à la hauteur de la valeur littéraire des romans qu'elles entourent. Pourtant cette fois-ci, j'ai été assez déçu par le tome 1 de la maison des jeux de Catherine Webb tout en appréciant l'illustration de couverture d'Aurélien Police. En effet, cet habituel illustrateur de couverture de roman a sublimé la cité des doges tout en respectant l'idée principale du livre à savoir l'univers des jeux et ses règles.

Le décor de ce roman avait tout pour nous plaire. On se retrouvait au coeur d'une Venise du XVIIe siècle avec une ténébreuse maison de jeu peuplée d'une multitude de joueurs masqués. On pouvait ainsi espérer découvrir un « Eyes Wide Shut » façon roman littéraire. Mais n'est pas Kubrick qui veut, et Catherine Webb a encore du chemin à faire avant de pouvoir côtoyer le style baroque du grand cinéaste. Je recherche encore une esquisse de cette bâtisse, ce temple du jeu et je me heurte désespérément à une porte en argent incrustée de deux têtes de lion et c'est tout. de même, je m'attendais à une superbe représentation de la place Saint Marc et de sa basilique, du palais des Doges, du pont du Rialto ou du Grand Canal… de la Sérénissime, je n'eus droit qu'à des rues sombres et à la brève apparition d'une gondole nécessaire pour l'action dans cette ville qu'il faut avoir vu avant de mourir…

En ce qui concerne les personnages, leur multitude devons-nous dire ; on s'y perd vite. Cette pléthore de figurants/figurines nécessite une bonne mémoire ou un retour incessant dans les chapitres précédant pour savoir qui est qui et qui fait quoi. Heureusement qu'il y a une femme héroïne de l'histoire et aussi son fil d'Ariane. Elle se nomme Thene et semble être la seule à posséder une âme. C'est peut-être aussi parce qu'elle est vraiment la seule à bénéficier d'une vraie description physique et morale, les autres acteurs n'étant pour la plupart que des faire-valoir. Enfin pour ce qui est des jeux traditionnels abordés dans l'aventure, on n'en connait d'eux que le nom : les échecs et le tarot. Point de règles et point de représentation, seul le nom du gagnant ou du perdant est noté. Un avantage qui est indéniable pour les néophytes de ces jeux qui peut sembler rébarbatif pour les aficionados.

Heureusement qu'il y a le scénario pour sauver le livre et trouver grâce à mes yeux… Malgré une narration en spectateur (usage intempestif du nous) qui installe une certaine distance, voire une froideur sur l'ensemble de l'intrigue ; Catherine Webb arrive quand même à sublimer son roman. En effet, on découvre au coin d'une page la présence d'un jeu dans le jeu. Sans trop divulgâcher l'intrigue, on s'aperçoit au fur à mesure de la lecture que les joueurs deviennent les jouets/joués et que le jeu annoncé n'est pas forcément celui qu'on croit. La vie étant peut être un immense échiquier où tous les coups sont permis. Un immense jeu de rôle où les pions semblent être la gente humaine avec ses forces et ses faiblesses et Venise devenant à son tour un immense plateau de jeu.

Merci à mes trois amies Babeliotes que je ne présente plus, de m'avoir entraîné dans cette aventure. Si j'ai été sévère dans mon billet qu'elles me pardonnent car je leur dois cet aveu : celui à mon corps défendant, d'avoir déjà remis les pieds dans cette maison des jeux en ouvrant le tome 2. Mais c'est une autre histoire…

« Pardonnez-moi, dit-il, je m'exprime mal. Voulez-vous jouer ? »
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J'ai lu La Maison des Jeux - le serpent, premier tome de la trilogie et j'utiliserai une expression rarissime chez moi, ce fut un gros coup de coeur.
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Pour tout vous dire, j'ai dû retirer un Stephen King des livres à emporter sur mon île déserte pour y placer cette novella.
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Pourquoi ai-je donc choisi ce roman alors que la couverture et le titre nous annonce clairement qu'il s'agit d'échecs et que de ce jeu de stratégie, je ne connais que le nom des pièces... même qu'il y a un cheval (n'est-ce pas, Éric ?) ?
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Eh bien ma Cricri (Hordeducontrevent) m'a saisie dans les fils de la toile de son retour et je l'en remercie.
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Nous sommes à Venise en 1610, et un "observateur" nous narre l'histoire de Thene, fille d'un marchand d'étoffe et d'une Juive, qui fut mariée à 15 ans à Jacamo de Orcelo, lequel disposait d'un titre à défaut d'argent.
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Simili noblesse contre dot, c'était courant à l'époque.
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Non seulement ce mari était trop âgé pour elle (38 ans), mais il avait à peu près tous les défauts du monde. Odieux avec sa jeune femme, il picole, joue et la trompe à tout va.
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C'est un soir où Thene le suit qu'elle découvre la Maison des Jeux...
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L'observateur nous entraîne avec lui et utilise le "nous", ce qui accentue encore l'implication du lecteur dans l'histoire.
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Comme dit plus haut, nous sommes donc à Venise, cité magique et mystérieuse, avec ses ruelles tortueuses, son eau pas vraiment propre (mais c'est un détail), ses habitants qui portent un masque la nuit.
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Claire North / Catherine Webb (c'est la même) a un remarquable talent pour nous décrire l'ambiance qui règne dans la ville et je m'y suis d'autant plus immergée que c'est ainsi que j'imagine Venise, moi qui ne suis jamais allée en Italie.
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Pour résumer, entre la plongée dans Venise que je ne connais pas, les échecs et le tarot, auxquels je ne sais pas du tout jouer, je suis allée de ravissement en ravissement en parcourant ces pages.
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Il y a du mystère donc, du suspense... les personnages sont remarquablement décrits, on s'attache à certains, on en déteste d'autres, peu importe mais on ressent énormément de choses.
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Justement d'ailleurs, à propos des personnages, j'avais craint de ne pas m'y retrouver et ai noté les noms au fur et à mesure, mais ça ne m'a servi à rien parce que l'auteure rappelle habilement qui est qui chaque fois qu'on en rencontre un et moi qui suis perdue dès qu'il y a plus de 3 pékins, je n'ai rencontré aucun problème.
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Pour résumer, je conseille vivement ce livre à tout le monde.
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Je vous invite à venir dans la Venise du XVIIème siècle, précisément en 1610.
C'est le décor de ce premier opus, La Maison des Jeux, tome 1 : le serpent, écrit par Catherine Webb.
C'est une Venise insolite, mystérieuse, envoûtante...
Un observateur nous raconte une histoire et j'ai eu l'impression déstabilisante que peu à peu, cet observateur, c'était moi. Je prenais sa place, j'empruntais ses pas, j'entrais dans le récit, j'étais dans cette Venise du XVIIème siècle. Une jeune femme juive du nom de Thene me prenait déjà la main pour ne plus la lâcher jusqu'à la fin du récit...
Mes premiers pas sur les pages de ce récit m'ont fait découvrir cette jeune fille fragile, déjà humiliée, violentée alors qu'elle est à peine mariée avec ce vieil homme endetté, falot, aigri, Jacamo de Orcelo qui s'apprête à dilapider la dot de sa jeune femme dans l'alcool et le jeu...
Venise, XVIIème siècle, comme si le monde n'avait jamais changé depuis...
Tandis que les fortunes se font et se défont autour des tables de jeux, là où précisément Jacamo de Orcelo se saoule, se ridiculise et s'endette, il est un endroit supérieur où d'autres enjeux se tiennent.
Au coeur de cette Venise indomptable et rebelle, honnie de la papauté, j'ai vu cette femme changer de visage et le cacher brusquement derrière un masque, ses pas étaient déjà loin, fuyaient pour se réfugier dans cet étrange lieu qu'on nomme la Maison des Jeux.
Qui a-t-il derrière les portes dorées de cet étrange endroit où des joueurs venus de tous les horizons viennent jouer ? Mais jouer à quels jeux ?
Backgammon ? Dames ? Échecs ? Ici il serait question que les pièces soient de vrais personnages réels, bien vivants et que la scène de jeu soit la vie, la vraie vie telle qu'elle se joue, c'est une partie qui se joue où la vie, le temps et l'âme servent de monnaie, où le jeu met en scène le monde, ses protagonistes et ses vertiges.
En franchissant les portes de ce lieu, Thene est prête à tout accepter, qu'aurait-elle à perdre d'ailleurs ? Elle sait que les règles du jeu sont dangereuses. Elle a, au contraire, tout à gagner. Son quotidien est sordide. Son horizon ne connaît pas de limite.
Pour cette femme bafouée, je suis entré en empathie, j'aurais tant voulu la protéger, prendre soin d'elle. Je savais qu'elle prenait des risques. Mais peser un enjeu, c'est aussi savoir ce que l'on peut perdre, ce que l'on peut gagner dans cette histoire, soupeser, faire un choix, prendre un risque...
Alors, je me suis perdu dans les mirages de la ville historique de Venise, dans ses rues sombres et solaires, dans ses méandres insoupçonnées.
« Venise, la nuit.
Peu de villes sont à la fois plus belles et plus laides dans le noir. »
J'ai revêtu alors le masque de celui qui observe...
Car Venise sans les masques, c'est un peu comme un dessert sans chocolat.
Je suivais Thene, je la voyais sans cesse s'enfuir, dans l'esquive, comme une ombre se fondant dans l'ombre de la ville...
Et puis je l'ai vu jouer, se prendre au jeu, j'étais si proche d'elle que je sentais les battements de son coeur, je les entendais presque, tandis qu'elle jouait. J'étais si proche d'elle que je pouvais désormais recueillir ses confidences...
Ici, la vie à Venise ressemble sans cesse à un denier qu'on jette en l'air et selon le côté où il retombe il peut entraîner la vie ou la mort, que l'on soit fou ou que l'on soit sage. C'est un jeu simple qui laisse libre cours au hasard.
Venise est un territoire aux rivages insensés.
Ombres et lumières.
Eaux et vases.
Beauté et sang.
Venise est une cité soumise aux marées, à celle des eaux, à celle des âmes.
Eaux sans fond, ténèbres, vase, limons, lagunes...
Que deviennent les visages lorsque les masques tombent ?
Est-ce que la vase des lagunes les emportent ?
J'ai aimé le personnage de Thene, son abnégation, sa volonté, sa dignité.
J'ai aimé plonger avec elle dans un récit qui ne cesse d'être intrigant, tandis que les rues de Venise n'en finissaient pas de me perdre...
Des rayons de soleil traversent en oblique les hautes fenêtres du palais du doge, c'est le moment propice où j'ai perdu de vue Thene qui continuait de s'enfuir, toujours. Je la savais peut-être enfin délivrée de ses sortilèges.
Plus tard, plusieurs siècles plus tard, je suis revenu refermer ce livre qui était resté ouvert par mégarde durant tout ce temps-là, comme abandonné. J'avais l'impression que son parfum était encore là. Lorsque j'ai refermé le livre, il s'est transformé en sable et le sable a glissé entre mes doigts comme un serpent...
Vite ! le deuxième opus...
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critiques presse (1)
Elbakin.net
23 mars 2022
Ce roman court ouvre l’appétit et que l’on a hâte de retrouver cette Maison (deux autres volets existent, The Thief et The Master), peu importe ses dangers. Après tout, soyons aussi cyniques que les joueurs, ce n’est pas nous qui devons affronter ces épreuves !
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Venise est un joyau de contradictions. Installés au bord de la lagune, vous et moi, nous observons le clair de lune plissé sur les eaux, sous un ciel piqueté d’étoiles. Comme les craquements des bateaux parviennent à nos oreilles, le parfum des poissons qui rissolent dans les poêles à nos narines, comme nous entendons les rires lointains et sentons la chaleur qui s’échappe d’une porte ouverte, nous comprenons que cette belle cité est sans conteste le paradis, et nous nous émerveillons de la grandeur des oeuvres humaines. 

Pourtant retournons-nous. Qu’y-a-t-il à présent là qui ne représente une menace ? Les ruelles trop sombres, les murs trop rapprochés, l’eau qui vous lèche les pieds, affamée, assoiffée de sang. Combien d’os ont-ils été dépouillés de toute chair par les poissons aux larges yeux qui échappent aux asticots et à la canne à pêche pour se gorger en de plus verts pâturages ? Combien des corbeaux nichant dans les plus hautes tours ont-ils, lors d’une nuit d’hiver gelée, fondu du ciel pour arracher un oeil fixe à un cadavre qui, le lendemain, n’aura pas de nom à inscrire sur sa pierre tombale ? Beauté et sang : le sang sublime-t-il la beauté ? La peau est-elle plus pâle lorsqu’elle est inondée de rouge ? Ou est-ce le sang lui-même qui est beau : les hommes flamboient sans doute plus fort lorsqu’ils savent risquer d’être noyés le lendemain.

Mais la vérité la plus terrible est peut-être la suivante : dans une cité aussi soumise aux marées que Venise, il est simplement trop difficile de trouver amour, loyauté et vérité ; on investit donc son coeur en d’autres vertus - passion, beauté, poésie et chanson -, en s’imaginant les ombres de la première aussi grandioses que l’amour lui-même.
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Nous marchons un peu en silence. La cité se resserre autour de nous ; nous nous écartons de plus en plus du Grand Canal, des rues passantes de la ville, pour visiter des voies sombres, des voies étroites, les ruelles et les cavernes formées par les maisons en saillie ; nous traversons des cours d’eau trop étriqués pour les gondoles mais trop larges pour être qualifiés de caniveaux, nous dépassons des sanctuaires consacrés à des saints en pleurs et des héros martyrs, des braseros autour desquels se rassemblent les mendiants et les dames de la nuit frigorifiées pour réchauffer leurs doigts blanchis. Nous marchons, nous marchons à travers des rues qui ne changent jamais, où le sang est aussi vieux que la pierre, le sang d’antiques familles dont les grands-parents ont été nourris par l’eau de la lagune qui aspergera un jour le front du nouveau-né destiné à porter le même nom dans la même maison, la même rue de cette cité figée qu’est Venise. Nous marchons et nul ne connaît notre importance ni notre force, nul sauf ceux qui savent et en qui nous saluons des inconnus familiers, des amis méconnus. Nous marchons.
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Alors qu'ensemble dans l'obscurité elles chuchotent en toute discrétion, un voile couvrant le visage d'une des femmes, un masque celui de l'autre, avec la lumière du feu de cheminée et le vacarme des ivrognes dehors, dans la rue, la Reine de Coupe, Pisana, femme de lettres et dame de la nuit, déclare :
« Faliere est tellement froid que je commence à me demander s'il est seulement humain, si c’est un homme ou une statue animée à laquelle il arrive de chier et de cracher, mais qui ne montre pas davantage que ces fonctions naturelles.
-J'en déduis que vous n'avez pas réussi à infiltrer sa maison, murmure Thene.
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Venez.
Observons ensemble, vous et moi.
Nous écartons les brumes.
Nous prenons pied sur le plateau et effectuons une entrée théâtrale : nous voici ; nous sommes arrivés ; que fassent silence les musiciens, que se détournent à notre approche les yeux de ceux qui savent. Nous sommes les arbitres de ce petit tournoi, notre tâche est de juger, restant en dehors d’un jeu dont nous faisons pourtant partie, pris au piège par le flux du plateau, le bruit sec de la carte qu’on abat, la chute des pions. Pensiez-vous être à l’abri ? Croyez-vous représenter davantage aux yeux du joueur ? Croyez-vous déplacer plutôt qu’être déplacé ?
Comme nous sommes devenus naïfs.
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L’aube se lève dans les rues de Venise. Sa lumière grise baigne les îles de la lagune, traverse les ateliers endormis de Murano puis l’orgueilleuse Place Saint-Marc, bâtie pour défier l’ambition byzantine, longe les eaux paisibles du Grand Canal jusqu’à atteindre San Polo, où se révèlent les trésors de Thene.
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