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Critique de Alfaric


Concernant le tome 2 : L'Empire contre-attaque
Avec Brent Weeks on en a toujours pour son argent. On ne peut en dire autant de tous ses confrères. C'est toujours moins foutraque que "L'Ange de la Nuit" mais un chouia moins fun et un chouai moins épique. Il a parfaitement compris ce que devait être une lecture loisir : on s'évade, on s'éclate… bref on s'amuse ! Plus de 700 pages très denses et très bien remplies : c'est bavard mais on ne s'ennuie pas une seconde.Ajoutons 40 pages d'appendices très utiles qui corrigent très bien le tir par rapport aux flous du tome 1.
1er bémol, la couverture moyenne d'un Miguel Coimbra en petite forme. La couverture VO dévoilait tout en ne spoilant absolument rien tout en respectant le background du roman. 2e bémol, on change de traducteur en passant d'Emmanuel Pailler à Emmanuelle Casse-Castric. C'est si compliqué de garder le même traducteur pour le même auteur ou au moins sur le même cycle ? Il me semble qu'ici on a sans doute gagné au change… Qui vivra verra pour les tomes suivants !
Et puis certains pourraient râler à raison sur la qualité du papier. Bragelonne nous a habitués à mieux.

Brent Weeks est sincère : il aime les cultures populaires et cela se sent immensément. Toutefois au vu de la qualité de certaines descriptions, on sent que l'auteur peut et doit mieux faire.
Le worldbuilding continue d'emprunter aux pepla, aux capes & épées, aux pirates et aux flibustiers. Les combats pour la cité du Ru constituent un joli mélange des genres qui sent le fer et la poudre ! Les clins d'oeil antiques sont sympas, loin des private jokes pour érudits de Gene Wolfe : le promachaos Xander, le cupide Crassos, la belle Helane Troas, le soldat Cothurne, les mines argentifères du Laurion…
C'est un patchwork certes, mais un patchwork plaisant à l'image des univers de Magic the Gathering. Les thématiques religieuses sont encore un peu floues mais avec cette histoire de messie qu'on ne sait pas s'il est déjà venu ou s'il reste encore à venir, et cette dualité entre anciennes religions officieuses et nouvelle religion officielle on pourrait retrouver les oppositions entre Païens, Juifs et Chrétiens. C'est à confirmer ou à infirmer.

Concernant la magie, on étoffe un système qui transpose le comic "Green Lantern" dans un univers fantasy très fun. Et contrairement à ce que certains soi-disant connaisseurs ont pu écrire, il est assez peu répétitif au delà de l'emploi du mot luxine car il n'a pour limite que l'imagination / la volonté du créateur (et donc du lecteur). Après il faut faire un effort pour se représenter les raseurs, les chars d'eau et autre Grand Condor. C'est cool.
Mais il nous refait le coup du concept clé qui se dévoile au fur et à mesure du roman. Dans le tome 1, il fallait attendre la fin pour comprendre ce qu'était les spirites. Dans le tome 2, il faut attendre la fin pour comprendre ce que sont les banes. du coup le chapitre du bane bleu à mi-roman constitue un immense WTF ! Disons qu'on est entre les géants de "Shadow of the Colossus" et des entités primordiales à la DC / Marvel (encore que cette forme n'est qu'une étape du processus de résurrection des anciennes divinités païennes).

Les personnages continuent à prendre de l'épaisseur au fil des pages. C'est un bon point. le Seigneur Omnichrome multiplie les discours sur la liberté, l'égalité et la tolérance tout en privilégiant la loi du plus fort / malin au profit de ses compères magos (et il compte bien être le plus fort / plus malin de tous !). L'évolution du personnage de Liv est ainsi l'illustration même des méthodes d'endoctrinement MICE :
Money, Ideology, Compromise / Coercion, and Ego. Nous sommes donc dans la grande tradition des Bouchers Rouges : apprenti Staline ou apprenti Magnéto ? On nous offre un affrontement à grande échelle entre une rébellion magiocratique qui emprunte au bolchévisme à une magiocratie ploucratique qui emprunte au libéro-féodalisme : esclavagisme, exploitation et ségrégation compétitives font vivre dans l'opulence la plus scandaleuse un Richistan parasite (les luxseigneurs).
On assiste ainsi à un festival de connards prétentieux ! C'est la foire aux têtes à claques détestables.
Je ne sais pas si l'auteur possède un don ou si cela sent gravement le vécu : tyranneaux de cours de récré, poufinettes qui se la pètent grave, sales gosses égocentriques, cougars sadiques, pervers narcissiques… bref des crevards pathologiques en veux-tu en voilà ! Qu'ils crèvent tous !!!
On adore les haïr et on attend avec le moment où ils vont se faire latter la tronche (cf. la série "Spartacus"). Et certains finissent même par être attachants (également comme dans la série "Spartacus"). Mais là on souvent on reste dans le soap nobiliaire ou les réflexions bourgeoises, Brent Weeks inclus intelligemment les points de vue et les pensées de personnages d'en bas comme l'esclave Teia par exemple (après tout c'est peut-être la bâtard d'une putain qui va sauver le monde et pas un prince né dans la pourpre !).

Après une introduction blockbusterienne, on attend près de 300 pages que les enjeux développés à la fin du 1er tome 1 aillent vraiment de l'avant, histoire que l'intrigue principale progresse réellement.
On suit en parallèle les POV de Kip / Teia (majoritairement), Gavin (régulièrement) et Liv (irrégulièrement).
Sauf qu'ils n'ont pas la même temporalité : il s'écoule plusieurs jours/semaines entre les chapitre de Kip / Teia et Liv alors qu'il s'écoule quelques minutes/heures entre la très grande majorité des chapitres consacrés. Ce problème de temporalité sabote même quelques chapitres où il s'écoule beaucoup de temps d'un paragraphe à l'autre sans que cela soit vraiment signalé ou indiqué. Et en plus entre le Canonnier cinglé et Dazen le psychotique les interludes flirtent avec le WTF ! Mais parmi eux Brent Weeks nous offre l'émouvant épisode de la spirite bleue qui glisse dans la folie.

On pourrait croire à un tome de transition dans toutes sa splendeur. Pas du tout du fait. le gros du roman c'est Kip qui doit urgemment gagner en maturité pour intégrer la Garde Noire. Encore des intrigues adolescentes, entre des aventures initiatiques me direz-vous.
Oui mais c'est bien au-dessus de la moyenne et l'alternance avec les intrigues adultes est bien gérées. Ainsi on finit par s'attacher à certains camarades de Kip : Teia, Lucia, Cruxer et quelques autres…
Kip est un Ender new look qui alterne les cours harrypotterien, les entraînements de Johnnie Rico et les parties de "Magic The Gathering" avec son grand-père sociopathe atteint de melonite aiguë (un accro des complots qui comme l'ignoble JR Ewing adore contrôler ou pourrir la vie des inférieurs, c.a.d tout le monde sauf lui !). Et dans le même temps cela complote / psychote à qui mieux mieux dans tous les sens et à tous les niveaux. En raison de quelques maladresses, ce n'est pas aussi intéressant et immersif que cela pourrait / devrait l'être. On pourrait croire au tirage à la ligne, mais pas du tout : si on se prête au jeu cela devient un page turner !
Car c'est plutôt très agréable à lire : humour pince sans rire rafraîchissant (les pensées autocritiques de Kip et l'arrogance flamboyante de Gavin Guile font mouches), recours bien dosé à noirceur et à la violence mieux équilibrées que dans son cycle précédent, des scènes de cul explicites mais pas voyeuristes à mille lieues de la pornographie qui sévit parfois en bit-lit (il y a des chapitres avec des dialogues lourds de tensions sexuelles qui trouvent leur aboutissement… ou pas !).
Peu à peu on est accroché, on tourne les pages de plus en plus vite et cela monte de plus en plus en puissance. Ce n'est pas exceptionnel certes, mais pourquoi le rechercher à tout prix quand l'agréable suffit très largement ? Si l'auteur avait épuré tout cela, on aurait vite retrouvé le plaisir de la ligne droite pulpienne !

Dans le dernier tiers Brent Weeks envoit du bois avec de GROS rebondissements. Et on ne lésine pas ! Au moins avec lui l'action n'attend pas les 50 dernières pour démarrer. Les feux de guerre s'étendent. Dans les 50 dernières cela fait déjà longtemps qu'on a passé la vitesse supérieure et on accélère encore ! Les twists de ouf du dénouement redistribuent totalement les cartes pour une suite qui s'annonce sombre. Et pourquoi cela marche aussi bien ? Parce que tout cela est fait dans un chouette esprit "Star Wars" sur le fond et sur la forme sans avoir une seconde l'impression que l'auteur ait recouru au recyclage de quoi que se soit.
Lumière = Force, Jedis = Créateurs, Siths = spirites (banes = dieux siths ?), Chromérie = Ancienne République, rebelles = dupes de Palpatine
Guerre du Faux Prisme = Guerre des Clones, Seigneur Omnichrome = Comte Dookhu / Général Grievous, Andros Guile = Palpatine, Kip = Luke Skywalker, Gavin & Karris = Han Solo & Leia (pour les caractères et la romance)... Sauf qu'à la place du « je suis ton père », on attend impatiemment le « je ne suis pas ton père »

Un bon cycle néoclassique avec écriture télévisuelle, scènes d'action blockbusteriennes et gros emprunts à l'univers des comics. Faisons simple, si vous aimez Brent Weeks vous allez aimer ce nouvel opus. Si vous n'aimez pas Brent Weeks… et bien passez votre chemin braves gens. Dans tous les cas un roman qui méritait mieux que la critique froide et paresseuse torché à la va-vite du site fantasy de référence, à savoir Elbakin.net.
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