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Critique de Alfaric


J'avais bien aimé le tome 1 et son mélange "Green Lantern "/ "Magic the Gathering" et j'avais bien aimé le tome 2 avec ses 200 dernières pages pleines de bruit et de fureur lorgnant du côté de la prélogie "Star Wars", mais avec ce tome 3 intitulé "L'Oeil brisé" je suis obligé d'endosser le rôle ingrat du pisse-froid...

A l'image du réalisateur Ridley Scott, l'auteur Brent Weeks assume le fait de sacrifier son histoire à son rythme : ici on perd carrément de vue l'intrigue principale pour conserver un rythme feuilletonnant qui foisonne d'intrigues secondaires riches en complots, en twists et en cliffhanger des familles qui tombent toujours à point nommé pour relancer ledit rythme feuilletonnant... Alors c'est facile, c'est fluide et on ne s'ennuie jamais, mais il reste la désagréable impression d'être toujours au milieu de quelque chose qui ne se conclue jamais, bref d'un tome pour rien, en l'occurrence d'un tome de transition qui succède à un tome de transition et qui précède un tome de transition : les tireurs à la ligne yankees continuent donc de transformer des trilogies en machinlogies (syndrome Robert Jordan ou syndrome GRR Martin ???), et ici on n'est pas loin des méthodes des écrivains professionnels spécialisés dans les livres pour casual readers...

Alors si cela ne manque pas de fun et de coolitude, cela manque vraiment d'efficacité !
- après la bataille de Ru et le déicide d'Atirat, Kip retourne à la Chromérie pour poursuivre son double apprentissage de magicien et de guerrier au sein de la Garde Noire, tout en continuant à jouer au poker menteur avec son grand-père manipulateur élu Promachos de la nouvelle guerre civile, et tout en continuant à chercher à percer les mystères de la mer céruléenne au sein de la grande bibliothèque en compagnie du jeune prêtre Quentin Naheed....
- à ses côtés l'affranchie adolescente Teia (de son vrai nom Adrasteia qui signifie « destinée » en grec ancien ^^) qui continue sa formation de guerrière au sein de la Garde Noire et de créatrice paryl aux côtés de Meurtre Shlak, l'assassin dont tout le monde loue les services mais qui réserve la préséance à société secrète de l'Oeil Brisé que Teia est censé infiltrer...
- on suit toujours Karris Blanc-Chêne qui doit passer d'agente de terrain à chef de réseau sous les ordres du Blanc, qui compte bien lui confier les clés des services secrets de la Chromérie...
- on suit toujours Gavin / Dazen Guile devenu esclave et qui passe de mains en mains (héritage Raymond Feist qui adorait faire découvrir les affres de la servitude à ses personnages principaux) : on suit sa descente aux enfers, mais même au bord du gouffre il refuse de passer du Côté Obscur et de faire appel à la luxine noire...
- de temps en temps, l'auteur se rappelle à son histoire et insère quelques POVs pour nous raconter ce qui se passe dans l'autre camp de la guerre civile et on retrouve le temps de quelques pages Liv, Corvan ou Samiya Sayeh... Mais comme tout le reste c'est noyé dans 850 pages d'intrigues secondaires pleines de dialogues et d'introspection qui rallongent l'ensemble, voire n'en finissent plus même s'ils sont bien faits !
Malheureusement au bout de 850 pages c'est presque le statu quo ante !


Bon, on a les sécessionnistes du Prince des Couleurs (qui se déclarent égalitariste alors qu'en fait il est suprématiste : on t'as reconnu Magnéto des X-Men / Joseph Staline IRL), et les complotistes d'Andros Guile qui veulent prendre le pouvoir à la Chromérie alors qu'ils le possèdent déjà (du coup ils passent plus de temps à pourrir voire trahir leurs alliés qu'à combattre leurs ennemis), mais on a aussi


Alors le double épilogue truffé de cliffhangers relance tout mais c'est loin d'être suffisant pour rattraper le coup...
Car les faiblesses de son cycle précédent réapparaissent : on passe sans prévenir du softcore au hardcore, et toujours sans prévenir on passe des adolescents aux adultes, et après des pages et des pages à construire l'évolution de ses personnages certains d'entre eux retournent leurs vestes d'un coup sans préparation et/ou explication...
Car on oublie surtout la règle d'or : Show, Don't Tell ! La guerre entre nordistes et sudistes on nous la montrait dans les tomes 1 et 2, et c'était très cool même si l'auteur prenait son temps avant de nous y amener... Dans ce tome 3 on en parle ici ou là et on attrape quelques brides d'informations à travers les dialogues des personnages, mais on ne nous la montre jamais : on se croirait dans tous ces les ventres mous du "Trône de Fer" où GRR Martin nous racontait son détournement de la Guerre des Deux Roses par tous les POVs possibles et imaginables mais en faisant absolument tout pour éviter ceux des personnages qui aurait pu nous la montrer... Soupirs...
Alors je ne pas resté de marbre pour autant hein : il y a les détournements de "Moby Dick" et de "Guillaume Tell", les hommages à Aristote, à Rabelais et à Cervantès, les piques contre le darwinisme social, le financiarisme à outrance, le néo- esclavagisme / le néo-féodalisme, l'eugémisme et le suprématisme revendiqués des classes dirigeantes et tutti quanti (les auteurs SFFF s'attaquent aux maux du passé pour mieux dézinguer les maux du présent, et ils sont nombreux !), ce fabuleux chapitre que certains pourraient qualifier d'inventaire à la Prévert mais qui s'avère être un condensé d'humanité dans ce qu'elle a de plus noble et de plus vil, toutes les descriptions de Ruthgar qui mettent en scène une chouette Égypte entre Antiquité et Flintlock, et on nous offre un détournement de la Sédition Nika avec un couple haut en couleur qui nous refait le coup de Justinien et de Théodora ! ^^
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