Il est probable que vous aurez été attiré vers ce livre par le petit vocable japonais, si hermétique et habilement inclus dans son texte :
Wabi Sabi. Qu'est-ce donc ? Ou peut être en avez-vous déjà entendu parlé, de très loin, et que vous croyez vous souvenir que cela à un rapport avec le Zen. Cela explique d'ailleurs votre intérêt.
Pas très facile pourtant de parler de
Wabi Sabi. Une traduction directe est impossible. Alors ne faudrait-il pas expliquer la notion ? Pour en dire seulement ceci :
Wabi Sabi est un état d'esprit spécifique à la culture japonaise, exprimant en particulier une sensibilité extrême à la question de l'impermanence des phénomènes de la vie terrestre (d'où sa relation évidente avec le Zen). Il en résulte la création d'une esthétique particulière, qui, à son tour, prolonge les valeurs essentielles de cet état d'esprit.
En réalité cette orientation esthétique imprègne en profondeur toute la vie japonaise, ceci depuis des siècles, tout en restant très sensible aujourd'hui malgré l'ultra modernité de la société nippone. Les japonais, dont on sait qu'ils sont très réticents à conceptualiser leurs états d'âme ou leurs pratiques spirituelles, n'en parlent jamais mais l'appliquent au quotidien, parfois même sans y prêter attention.
Pour en revenir au livre de
Christopher A. Weidner (qui malgré l'américanisation de son nom est allemand), il y aura peu, hélas, à apprendre de
Wabi Sabi. Cet angle d'approche n'est qu'un énième prétexte au déballage d'une pseudo-méthode de développement personnel plutôt banale. On y retrouvera les sacro-saintes accroches : « mieux vivre », « être soi-même », « se libérer du stress »et autres poncifs incontournables du genre. On en conclura donc que si la démarche paraît en premier lieu séduisante, elle se réduit en fin de compte à très peu de choses.
De la fameuse notion de
Wabi Sabi, on apprendra peu ou pire, on se figurera avoir compris quelque chose. Mieux vaudra pourtant ne pas s'attarder sur ce livre si l'on désire approcher d'un peu plus près les mystères (ils sont bien réels de mon point de vue) de l'esthétique japonaise. Si l'on pratique l'anglais, on gagnera tout à découvrir directement les ouvrages de
Leonard Koren «
Wabi Sabi for artists, designers, poets & philosophers » ainsi que «
Wabi Sabi : the art of impermanence » d'
Andrew Juniper dont l'approche esthétique et artistique est plus complète et qui rendent un hommage plus appuyé à la complexité de ce phénomène polymorphe (Poésie, peinture, poterie, cérémonie du thé etc.).
A ce jour et à ma connaissance, il n'existe, sur ce sujet, aucun livre sérieux écrit en langue française. On se reportera pourtant à certains ouvrages du sinologue
François Jullien (notmment «
Eloge de la fadeur ») qui aborde plusieurs notions liées à la philosophie taoïste dont le
Wabi Sabi, à bien des égards, a assuré le prolongement hors des frontières chinoises.
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