Ancien directeur du musée de l'affiche à Paris, auteur de plusieurs ouvrages sur
le design graphique,
Alain Weill s'attaque ici à l'un des plus célèbres affichistes français : Adolphe Marie Mouron alias
Cassandre (1901-1968), auteur du célèbre buveur de « Dubo, Dubon, Dubonnet ! », dont la silhouette se recompose à mesure qu'il consomme son apéritif préféré. Ce coup de génie des années 1920 fut précédé et suivi de nombreux autres.
Cassandre fut l'un des rares à avoir su traduire dans l'affiche de grand format les styles les plus modernes de la peinture : le purisme d'Ozenfant et de le Corbusier ; le « tubisme » de Fernand Léger ou le surréalisme de
Dalí... Plusieurs de ses maquettes s'inspirent aussi de l'art coloré d'
Auguste Herbin, comme la publicité imaginée pour le caviste Nicolas en 1936. Malgré ses succès, qui le mèneront jusqu'à Milan et New York,
Cassandre reste tout au long de sa carrière un incorrigible perfectionniste, inquiet de ses commandes et de son art. le but du livre est précisément de montrer le parcours à la fois glorieux et complexe de ce peintre de chevalet avorté, qui se consacra au « décoratif » dans un domaine nouveau : la publicité. L'un des chapitres ressuscite également l'art du portraitiste grâce à la réunion d'un corpus inédit des années 1940 : on y découvre un
Cassandre mondain, assez proche par le style de Boutet de Monvel. Les décors de théâtre exécutés à la même période complètent le catalogue de l'artiste, qui fut également en 1961 l'heureux auteur du logo d'
Yves Saint Laurent. On aurait aimé une bibliographie et même une chronologie, avec les dates des commandes passées par les industriels aux agences de publicité ou directement à
Cassandre. Mais l'illustration de belle qualité, ainsi que des photographies anciennes montrant les affiches in situ dans le Paris des années 1920 et 1930, participent de l'intérêt de cet ouvrage luxueux. Ce luxe a hélas un poids : le coffret cartonné qui sert d'écrin au livre, très lourd, demande une musculation adéquate !
Par
Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 555, avril 2019