Le thème de l'imposture est tout aussi inhérent à la pièce
Pierre. Ciseaux. Papier. que le collage l'est à son oeuvre. Les personnages de l'Homme, de la Femme et du Jeune Homme y sont mis à nu, froidement. Chacun à leur tour, ils se saisissent du micro pour s'emparer de l'autre au centre du plateau, faisant la pluie et le beau temps sur ce qu'il est ou n'est pas. Plateau de télé, ring ou table de dissection, tout semble bon pour entrer dans l'intime de cet(te) inconnu(e), qui se laisse déshabiller complaisamment. Les scènes se succèdent, un coup ils gagnent, un coup ils perdent, c'est le jeu.
Clémence Weill construit sa pièce en trois parties, qui sont autant de régimes d'écriture. Si le premier temps de la pièce joue avec les codes de l'émission télévisuelle, cette dramaturgie périclite pour prendre une forme plus « théâtrale » : primeur est donnée au dialogue. Les personnages s'y rencontrent dans la réalité. La Femme que l'on disait saxophoniste se révèle une DRH sans scrupules, l'Homme que l'on croyait accompli et imbus de lui-même nous apparaît en homme rongé par la « sinistrose », platement licencié sous nos yeux. L'écriture subit un nouveau coup de dynamite lorsque le jeune homme prend la parole (lui que l'on disait quasi mutique), pour tenir un long monologue plutôt obscur, sorte d'envolée lyrique. le personnage s'empare de la langue pour interroger son monde, pour contester quelque chose. Mais quoi ? Au discours politique attendu et frontal,
Clémence Weill préfère une énergie de la contestation pourrions-nous dire. le personnage ne peut pas parler la même langue, utiliser les mêmes mots et avoir la même imagination que l'auteure, nous dit-elle. Il y aurait là quelque chose de trop facile, de trop directement politique. Les gros mots de l'engagement n'ont pas cours ici.......
En dénonçant des luttes de pouvoir, en France, aujourd'hui, entre deux hommes et une femme d'âges et de classes sociales différentes, cette pièce vient aussi mettre à mal la traditionnelle définition du personnage de
théâtre. Une fois de plus,
Clémence Weill démonte pour remonter autrement : en travaillant sur la rupture avec la « réalité » du personnage, elle questionne la nécessité de fiction (à quoi sommes-nous prêts à croire) et d'illusion qui séparent le spectateur du plateau. « Au bout d'un moment, l'illusion ça m'agace. », nous explique-t-elle.
La Mouette, Anna Petrovna,
Tchekhov, tout ça, tout ça. C'est là que nous voulions en venir....
On ne voit pas le temps passer auprès de
Clémence Weill qui dit beaucoup de choses, un peu anar', un peu agit', un peu politique, mais surtout poétique, pas très institutions, encore que cela dépende, un peu chahuteuse avec ses yeux bleus qui ont tout au plus 7 ans lorsqu'elle rit, elle nous avait prévenu
Au lecteur de voir s'il souhaitera se munir de papier et de ciseaux pour se lancer lui aussi dans l'art du collage…
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