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Critique de le_Bison


Balade bucolique en Virginie. C'est avec une sensation d'émerveillement que je traîne les sabots ce jour dans cet état. La nature se pare de tons, d'ombres et de lumières. Vert, ocre, noir, forêt sombre, sentier lumineux. Je vois un vieil homme, un bras inerte, une âme meurtrie. Il soulève la poussière d'un chemin piétiné quelques années auparavant par des milliers d'hommes. Il appelle son chien, compagnon de route depuis des années. le crane en vrac, coup de massue, laissé pour mort, il reprend difficilement ses esprits, après l'attaque sauvage qu'il vient de subir. Ce coup qui a failli lui être fatal – son chien kidnappé – le replonge dans les souvenirs de guerre, trente ans plus tôt. C'est son dernier voyage, sa dernière pérégrination, usé par la vie et par le sang de ses souvenirs.

Ces souvenirs le replongent dans cette terrible nuit du 5 mai 1864. Des milliers d'hommes se couchent dans la poussière, des milliers d'hommes se retrouvent éventrés mêlant leur sang à la poussière, des tirs de canon chantent à tue-tête une complainte assourdissante, un massacre désordonné de deux camps se partageant les victoires et défaites de la guerre de Sécession. le vieil homme s'en est sorti, une « chance » que de survivre à ce monde perdu dans la nature, le long d'une rivière de sang et de poussière. Ce qui frappe l'imagination, c'est avant tout la magie du lieu, sa beauté, cette forêt sauvage qui garde tant de mystères en elle et qui maintenant emprisonne tant de douloureux souvenirs. Car c'est bien dans l'enchantement d'un tel lieu que se succéderont les plus sanglantes batailles, celle de Wilderness et celle de Spotsylvania.

Le vieil homme déambule, l'esprit dans le vide, le bras mort, l'âme presque éteinte. Sa survie, il la doit probablement à son chien, lui le vieux loup solitaire qui s'est construit sa cabane à l'écart de toute civilisation. Cela sera son dernier salut, retrouver son compagnon, encore plus vieux que lui maintenant, le seul être cher à survivre à ses côtés. Alors il avance, dans la forêt, ses souvenirs aussi, et probablement la fin de l'humanité devant tant de barbarie, devant des corps d'hommes en feux, devant des chevaux en feux. Puanteur et douceur écoeurante, la gerbe au bord des lèvres, le sang qui coule d'un oeil, d'un bras, d'une jambe, les entrailles qui sortent d'un bide éventré.
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