La peur que j'avais n'était pas une crainte rationnelle, mais une terreur panique non seulement des Martiens, mais de l'obscurité et du silence qui m'entouraient.
Et parmi les soldats, même ici au cœur du riche Berlin, moderne et électrifié, je vis des blessés, beaucoup d’hommes, mais pas uniquement, portant d’élégants uniformes, le visage ou le bras bandés, certains dans des fauteuils roulants, d’autres amputés. Ils étaient splendides, comme le sont toujours les vétérans. La guerre commencée par les Allemands en 1914 continuait toujours, malgré la présence des Martiens sur Terre à quelques centaines de kilomètres de là, et elle s’était transformée en boucherie à l’est, où les Allemands s’enfonçaient encore dans l’Empire russe chancelant. C’est ce que l’on disait, en tout cas. Il y avait peu d’informations disponibles au public. Les yeux ou les membres manquants de ces vétérans berlinois livraient toutefois des témoignages silencieux de ce qui se passait sur ces lointains champs de bataille.
Il n'a jamais été question d'une guerre des Martiens contre les humains. Nous leur barrions simplement la route, plus exactement, nous nous trouvions à l'endroit qu'ils voulaient envahir. Il s'agissait d'une guerre de Mars contre la Terre, d'organismes martiens face à des milliards d'années d'évolution terrestre.
Sa réflexion était simple. Un projecteur ne tirerait pas sur un Martien, mais peut-être qu’il tirerait sur un autre projecteur. C’était ce qu’il espérait, en tout cas.
Et cela fonctionna. Lorsque l’un des deux Rayons Ardents se déclencha, il frappa à bout portant, de toute son énergie funeste, la carcasse de l’autre machine, vaporisant la coque, liquéfiant de nombreuses parties inconnues de l’appareil, faisant peut-être voler en éclats les cristaux et les miroirs qu’elle contenait, et, enfin, détruisant la boîte qui abritait la mystérieuse alimentation, cette sphère lisse guère plus grande qu’une balle de cricket qui, d’après des experts comme Einstein et Soddy, devait, sans que l’on sache bien comment, exploiter l’énergie de l’atome.
La puissance nucléaire fut ainsi libérée, dans une rue de Londres. Malgré les combats en cours, la détonation se fit entendre dans toute la capitale. Deux machines de combat furent détruites, réduites en morceaux qui volèrent en tous sens. Trois autres furent endommagées dont deux suffisamment pour se retrouver hors d’usage.
- Ce qui me surprend le plus, dans cette histoire, docteur, c’est à quel point vos hommes sont jeunes.
- En effet. Les gens plus âgés ne sont pas assez bêtes pour aller faire la guerre.
Puis, en une seconde, un bras métallique tentaculaire sortit de l’appareil, en tenant un appareil compact qui rappelait une caméra de cinématographe : un appareil dont Schwesig avait appris l’existence lors de ses briefings. Il s’agissait d’un générateur de Rayon Ardent. Il se jeta à plat ventre dans la terre. Il vit alors un rayon de lumière pâle et fantomatique le frôler, et il sentit l’air chauffé à une température considérable.
Autour de lui, des hommes qui n’avaient pas été si prompts à réagir furent consumés par une flamme blanche lorsque le Rayon balaya comme une lance à incendie le périmètre de la fosse. Et tout cela quelques secondes seulement après l’ouverture du cylindre.
Nous avons appris, maintenant, à ne plus considérer notre planète comme une demeure sûre et inviolable pour l'homme : jamais nous ne serons en mesure de prévoir quels biens ou quels maux invisibles peuvent nous venir tout à coup de l'espace. Il est possible que, dans le plan général de l'univers, cette invasion ne soit pas pour l'homme sans utilité finale. Elle nous a enlevé cette sereine confiance en l'avenir…, p.176-177.