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Critique de CDemassieux


Quel lecteur, en ouvrant ce livre, ne songerait pas à Jules Verne ? D'ailleurs, très brièvement, le narrateur y fait allusion.
Dans ce récit, on n'a pas le temps de beaucoup contempler ce territoire vierge qu'est la Lune, on découvre tout dans l'urgence. Les deux personnages (Bedford, le narrateur, et Cavor, le scientifique quelque peu excentrique) subissent les événements à un rythme effréné.
Ainsi, passé la première surprise d'une Lune beaucoup moins stérile qu'il n'y paraît depuis la Terre, l'expédition devient, pour les deux protagonistes, une fuite et une lutte pour leur survie.
Les Sélénites – nom donné aux habitants de la Lune – sont d'emblée appréhendés comme des êtres dont il faut se défier, quitte à manifester les pires travers de l'espèce humaine, dont le combat à mort.
Nous sommes au XXIe siècle et nous avons depuis imaginé que la vie extraterrestre pouvait offrir mieux que de l'hostilité, notamment grâce aux films Rencontre du Troisième type, de Steven Spielberg, ou, plus récemment, Premier contact, de Denis Villeneuve. Aussi, il y a une certaine déception à assister à des luttes de terriens contre une société dont nous aurions voulu savoir plus. Un Jules Verne n'aurait pas manqué de nous satisfaire sur ce point. Mais son aventure lunaire à lui fut un échec cuisant !
Il faut dire que l'histoire nous est contée par un pragmatique entrepreneur, très éloigné de l'émerveillement de son acolyte, lequel est armé d'une curiosité scientifique qui le rend nettement moins matérialiste. Pour Bedford, qui se propose de revenir sur la Lune afin de la conquérir, le satellite de la Terre ne vaut que pour l'or, en grande quantité, qu'il recèle. Il envisage même une confrontation entre les deux mondes, ce qui traduit bien l'esprit de conquête anglais dont se défiera souvent Wells dans sa vie. Bedford est donc sur la défensive tandis que Cavor est curieux, ce qui place d'emblée l'expédition sous des vents contraires.
Seulement voilà – et je n'en dirai pas plus dans cette matière pour ne pas révéler des éléments cruciaux de l'intrigue –, H.G. Wells n'est pas un auteur à la petite semaine : il sait ménager des surprises.
Wells est un écrivain qui se préoccupe de son temps et de ses travers. Il faut ainsi voir dans La Guerre des mondes une allégorie de l'expansionnisme de son pays. Pour lui, une autre société est possible. Il ne pouvait donc se contenter de nous décrire les Sélénites comme de simples créatures à l'intelligence primitive – apparentées à des insectes – et, par une astucieuse pirouette narrative, il corrige notre première impression.
Wells était par ailleurs un utopiste certifié conforme, avec l'idée d'une humanité unie qu'il voulait voir se fondre dans un État-monde. C'est ce qui transparaît dans ce roman.
Toutefois, la société des Sélénites revêt quelque chose de terrible car elle conditionne chacun à une tâche précise sans lui laisser le choix du libre-arbitre. de loin en loin, cela fait penser à l'Utopie de Thomas More. Et qu'on me pardonne ma vision anachronique – l'époque de Wells n'est pas la mienne –, mais la phrase suivante a de quoi interpeller : « Droguer l'ouvrier dont on n'a pas besoin et le mettre en réserve vaut sûrement beaucoup mieux que de le chasser de son atelier pour qu'il aille mourir de faim par les rues. »
Maintenant, si l'histoire reste remarquablement inventive, elle manque de ce souffle, à mon sens, que l'on rencontre chez Jules Verne. En effet, si j'ai effectivement « voyagé » sur et dans la Lune aux côtés de Bedford et Cavor – géniale, au passage, l'idée de la Cavorite ! –, je n'ai pas rêvé comme j'ai pu le faire à bord du Nautilius ou au centre de la Terre. Je reprocherai même au roman de Wells d'être un peu trop froidement descriptif. L'imaginaire y est comme étouffé, ce qui est un comble pour un auteur britannique, quand on sait que cette nation nous a donné Mary Shelley, Lewis Carroll, Robert L. Stevenson, J.R.R. Tolkien, etc.
Ceci étant dit, Les premiers hommes dans la Lune est un roman fort intéressant en ce sens qu'il propose une intelligence extraterrestre complexe et diamétralement opposée à nos us et coutumes terriens. Rappelons que le livre est paru en 1901.
Enfin, s'il est une phrase philosophique à retenir de ce roman, c'est bien celle-ci, hélas : « L'humanité emmagasine sa science et les hommes restent des brutes équipées. »

(Merci à Babelio et aux éditions de l'aube pour le présent ouvrage)
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